Соколов Владимир Дмитриевич -- составитель : другие произведения.

Плутарх. Тиберий Гракх. Катон

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    Два редко публикуемых рассказа из "Параллельных жизнеописаний" Плутарха на русском и французском языках

Плутарх. Тиберий Гракх. Катон

Содержание

PLUTARQUE. TIBERIUS GRACCHUS ET CAIUS GRACCHUS/Плутарх. Тиберий Гракх.

рус.I. Quant à nous, après avoir livré au public l"histoire précédente, nous n"avons pas à envisager de moindres calamités dans le couple romain, en mettant en parallèle avec les vies des deux Lacédémoniens celles de Tibérius et de Caius. C"étaient les enfants de Tibérius [Sempronius] Gracchus qui fut censeur, deux fois consul de Rome et remporta deux triomphes, mais devait plus d"éclat encore au prestige de sa vertu. Aussi, après la mort de Scipion, le vainqueur d"Hannibal, fut-il jugé digne d"épouser sa fille Cornélie, bien qu"il n"eût pas été l"ami, mais au contraire toujours l"adversaire de ce grand homme.

рус.On dit qu"une fois il trouva sur son lit un couple de serpents, et que les devins, après examen de cette monstruosité, ne lui permirent pas de les tuer, ni de les lâcher tous deux ; il fallait les traiter de façons différentes ; car tuer le mâle, ce serait la mort de Tibérius ; et tuer la femelle, la mort de Cornélie. Ainsi Tibérius, qui aimait sa femme et jugeait d"ailleurs qu"étant assez âgé, et elle encore jeune, il devait mourir le premier, tua le mâle et lâcha la femelle.

рус.Peu de temps après, il mourut en effet, laissant douze enfants de son union avec Cornélie. Sa veuve, après avoir assumé la charge de la maison et des enfants, se montra si raisonnable, si bonne mère et si magnanime que Tibérius parut avoir donné une preuve de sagesse en préférant sa propre mort à celle d"une pareille femme. Le Roi Ptolémée [1] voulut même partager la couronne avec elle et demanda sa main, qu"elle lui refusa. Pendant son veuvage elle perdit tous ses enfants, sauf une de ses filles [2] qui épousa Scipion le Jeune [3] et deux fils, qui sont le sujet de ce livre, Tibérius et Caius [4] . Ceux-là vécurent, et elle sut les élever avec tant de sollicitude que, s"ils étaient, de l"avis unanime, les mieux doués de tous les Romains, leurs vertus paraissaient tenir plus encore à l"éducation qu"à la nature.

рус.II. L"air de famille des Dioscures dans leurs statues et leurs portraits peints n"empêche pas certaines particularités de conformation qui distinguent le lutteur du coureur [5] . De même, les illustres jeunes gens dont nous parlons se ressemblaient beaucoup par le courage, la sagesse, et encore la générosité, l"éloquence et la grandeur d"âme. Mais dans leur activité et leur vie politique se firent jour et se manifestèrent de grandes différences, qu"il ne me paraît pas mauvais d"exposer dès maintenant.

рус.En premier lieu donc, pour l"air du visage, le regard, les mouvements, Tibérius était doux et posé ; Caius, énergique et vigoureux, de sorte que l"un haranguait avec calme, sans bouger de place, et que l"autre fut le premier des Romains à se promener sur la plate-forme de la tribune et à faire glisser sa toge de l"épaule en parlant, comme, dit-on, Cléon d"Athènes arrachait son vêtement et se frappait la cuisse, ce qui était une nouveauté chez un homme d"Etat.

рус.Ensuite le langage de Caius était effrayant et passionné à l"excès ; celui de Tibérius, plus agréable et plus propre à exciter la compassion. Le style de Tibérius était pur et soigneusement travaillé ; celui de Caius, persuasif et brillant. De même, pour le genre de vie et la table, Tibérius était simple et sobre ; Caius, en comparaison des autres Romains, retenu et austère ; mais, par rapport à son frère, il paraissait jeune d"esprit et raffiné ; aussi Drusus [6] lui reprocha-t-il d"avoir acheté des dauphins [7] d"argent d"une valeur de douze cent cinquante drachmes [8] la livre [9] .

рус.Ils différaient de conduite comme de langage : l"un était conciliant et doux ; l"autre, rude et irascible, à tel point que, même sans le vouloir, il se laissait souvent emporter par la colère. Alors il haussait le ton, insultait ses adversaires et son éloquence devenait désordonnée.

рус.Pour remédier à ces sorties, il recourut à un de ses esclaves, nommé Licinnius, qui ne manquait pas d"intelligence. Ce Licinnius, muni d"un de ces instruments de musique dont on se sert pour régler les sons, se tenait derrière Caius pendant ses discours ; et, quand il sentait sa voix se durcir et se perdre en éclats de colère, il lui soufflait un ton doux. Aussitôt le grand homme se détendait ; il calmait sa propre émotion, parlait plus posément, se ressaisissait et se montrait facile à apaiser.

рус.III. Telles étaient donc leurs différences ; mais le courage contre l"ennemi, la justice envers les subordonnés, le dévouement aux fonctions publiques, la résistance aux plaisirs, étaient chez l"un et l"autre incomparables.

рус.Seulement Tibérius était de neuf ans l"aîné, ce qui mit un long intervalle entre la carrière politique de l"un et celle de l"autre. C"est ce qui ruina surtout leur action ; car, n"étant jamais au pouvoir ensemble, ils ne purent pas faire converger leurs efforts, alors que leurs influences combinées auraient été grandes et irrésistibles. Il faut donc parler en particulier de chacun d"eux, et de l"aîné d"abord.

рус.IV. Celui-ci donc, à peine sorti de l"enfance, était si connu qu"on le jugea digne d"exercer le sacerdoce des augures, à cause de son mérite plus que de sa naissance.

рус.C"est ce que fit voir Appius Claudius, personnage consulaire, ancien censeur et Prince du Sénat de Rome et très supérieur à ses contemporains par l"élévation de l"âme. Les augures étant à table ensemble, il salua Tibérius, lui fit mille amitiés et lui proposa la main de sa fille. Tibérius accepta avec plaisir, et l"accord se fit tout simplement. Appius, de retour chez lui, appela sa femme, dès la porte, à grands cris pour lui dire : " Antistia, j"ai fiancé notre Claudia ! "

рус.Dans sa surprise, elle répondit : " Quel est cet empressement ; et quelle, cette promptitude ? Encore, si tu lui avais trouvé pour mari Tibérius Gracchus! " Je n"ignore pas que certains historiens attribuent ce fait au père des Gracques, Tibérius, et à Scipion l"Africain, mais la plupart le rapportent comme moi, et Polybe affirme qu"après la mort de Scipion l"Africain ses proches parents choisirent entre tous Tibérius pour mari de Cornélie, le père de cette jeune fille l"ayant laissée sans la donner en mariage, ni la fiancer.

рус.Pour en revenir au jeune Tibérius, comme il faisait campagne en Afrique sous le second Scipion, mari de sa soeur, vivant avec le général et partageant sa tente, il eut bientôt compris son héroisme, qui, par beaucoup de grands exemples, inspirait l"émulation et le désir d"imiter sa vertu par des exploits pareils.

рус.Bientôt aussi, il fut à la tête de tous les jeunes gens pour la discipline et le courage. Il monta le premier sur le rempart d"une ville ennemie, au rapport de Fannius qui dit même y être monté, lui aussi, avec Tibérius, prenant ainsi sa part de cet acte courageux.

рус.V. Après cette campagne il fut nommé questeur, et le sort le désigna pour accompagner, dans l"expédition de Numance [17] , le consul Caius Mancinus, qui n"était pas un homme sans valeur, mais le plus infortuné des généraux romains.

рус.Or les désastres inattendus et les événements contraires firent justement briller davantage, non seulement l"intelligence et la bravoure de Tibérius, mais, ce qui pouvait surprendre, son respect et sa vénération pour son chef, qui, par suite de ses malheurs, ne savait plus bien lui-même s"il était général ;

рус.car, vaincu dans de grands combats, il tenta de battre en retraite, en abandonnant son camp la nuit. Mais les Numantins s"en aperçurent et occupèrent aussitôt le camp ; ils tombèrent ensuite sur les fuyards et tuèrent les derniers.

рус.Ils cernèrent enfin l"ensemble de l"armée, qu"ils refoulèrent en des endroits difficiles, d"où l"on ne pouvait s"enfuir. Désespérant alors de se sauver par la force, Mancinus envoya négocier une trêve et un arrangement avec les ennemis ;

рус.mais ils déclarèrent qu"ils ne se fiaient qu"au seul Tibérius et demandèrent au consul de le leur envoyer. Ce sentiment s"adressait au jeune homme lui-même, car on faisait de lui le plus grand cas dans l"armée, mais le souvenir de son père n"y était pas étranger. Ce général, après une campagne où il soumit beaucoup d"Espagnols, avait conclu la paix avec Numance et fait ratifier le traité par le peuple romain, qui l"appliqua toujours avec exactitude et loyauté.

рус.Tibérius fut donc envoyé en mission auprès des Numantins. Il prit contact avec eux ; et tantôt obtenant d"eux des concessions, tantôt en faisant lui-même, il conclut la trêve, et, par là, sauva évidemment vingt mille citoyens romains, sans compter les esclaves et les hommes qui suivaient hors rang.

рус.VI. Tous les effets restés dans le retranchement, les Numantins s"en saisirent et les pillèrent, mais il s"y trouva des tablettes de Tibérius, qui contenaient les dossiers et les comptes de sa charge de questeur. Comme il tenait beaucoup à les recouvrer, il quitta l"armée, déjà assez avancée, pour retourner dans la ville, accompagné de deux ou trois amis.

рус.Il appela les chefs des Numantins et leur demanda de lui faire tenir ces registres pour ne pas lui susciter de calomnies de ses ennemis, dans l"impuissance où il serait de justifier son administration.

рус.Les Numantins, ravis de cette occasion de l"obliger, l"invitèrent à entrer dans la ville ; et, comme il restait hésitant, ils sortirent, s"approchèrent, lui prirent les mains et le prièrent instamment de ne plus les considérer comme des ennemis, mais, au contraire, de les traiter en amis et de se fier à eux. Tibérius décida donc d"agir comme ils le voulaient ; car il tenait à ses registres et craignait de froisser les Numantins en paraissant se défier d"eux.

рус.Quand il fut entré dans la ville, ils lui servirent d"abord à déjeuner et lui firent toutes les prières du monde pour le décider à s"asseoir à leur table et à manger avec eux. Ils lui rendirent ensuite ses tablettes et l"engagèrent à prendre dans le reste du butin ce qu"il voulait. Mais il n"accepta que l"encens dont il se servait pour les sacrifices publics ; et il partit après les avoir embrassés et comblés d"attentions.

рус.VII. Après son retour à Rome, la négociation fut, dans son ensemble, incriminée comme désastreuse et humiliante pour les Romains ; on porta même contre Tibérius une accusation formelle. Mais les parents et les amis des soldats qui avaient servi dans cette campagne (et ils formaient une grande partie du peuple), accoururent au secours de Tibérius ; et, reportant la honte des événements sur le général, ils affirmaient que c"était Tibérius la cause du salut de tant de citoyens.

рус.Cependant ceux que mécontentaient les accords engageaient leurs concitoyens à imiter les ancêtres ; et en effet ceux-ci avaient jeté nus à l"ennemi les généraux qui s"étaient contentés de leur mise en liberté par les Samnites ; et tous les agents et les participants de la trêve, comme les questeurs et les tribuns des soldats, ils les avaient sacrifiés de même, pour faire retomber sur leurs têtes le parjure et la rupture de l"accord [18] .

рус.Après la convention de Numance, le peuple montra, plus que jamais, son dévouement et son enthousiasme pour Tibérius ; car on décida de livrer le consul nu et enchaîné aux Numantins ; mais on épargna tous les autres à cause de Tibérius.

рус.Il semble aussi que Scipion ait porté secours au questeur. C"était alors le plus grand et le plus puissant des Romains ; mais on ne l"en blâma pas moins d"avoir laissé condamner Mancinus [19] et de ne pas s"être donné le moindre mal pour faire ratifier la trêve conclue avec les Numantins par l"intermédiaire de son parent et ami Tibérius.

рус.Le démêlé entre ces deux grands hommes paraît, à vrai dire, être venu principalement de l"ambition de Tibérius et des excitations de ses amis et de certains sophistes ; mais il n"aboutit à rien d"irrémédiable, ni de grave. Je crois même que Tibérius ne serait pas tombé dans les malheurs qu"il subit, si, au moment de ses luttes politiques, Scipion l"Africain avait été présent ; mais en fait il était déjà occupé à la guerre de Numance [20] quand Tibérius commença la propagande pour ses lois, dont voici la raison.

рус.VIII. Les Romains, quand ils avaient conquis à la guerre des terres appartenant à des peuples voisins, en vendaient une partie et nationalisaient le reste, qu"ils donnaient à exploiter aux citoyens sans propriété et sans ressources moyennant une faible redevance au profit du Trésor. Comme les riches offraient des redevances plus fortes et évinçaient ainsi les pauvres, on porta une loi qui ne permettait pas d"avoir plus de cinq cents arpents [21] .

рус.Cette mesure mit un frein, pour un peu de temps, à l"avidité des riches et vint en aide aux pauvres, qui pouvaient rester sur place, dans les propriétés qui leur étaient affermées et qu"ils exploitaient depuis le début.

рус.Plus tard leurs voisins riches se firent transférer les locations à ferme grâce à des prête-noms, et comme, à la fin, ils occupaient ouvertement, par eux-mêmes, la plupart de ces biens, les pauvres, ainsi refoulés, ne se prêtaient plus avec zèle aux expéditions militaires et négligeaient même d"élever des enfants. Ainsi toute l"Italie ressentit bientôt la pénurie d"hommes libres et se remplit de prisonniers barbares, dont les riches se servaient pour labourer la terre à défaut des citoyens qu"ils en avaient chassés.

рус.Dans ces conditions Caius Lélius, l"ami intime de Scipion [22] , entreprit de redresser la situation ; mais, se heurtant à l"opposition des puissants, il recula devant leurs protestations bruyantes et abandonna sa campagne. Il dut à cette volte-face la qualification de sage ou de prudent ; car tel est, semble-t-il, le double sens du mot sapiens.

рус.Tibérius, lui, dès sa désignation comme tribun de la plèbe, reprit avec ardeur l"action abandonnée par Lélius. Il le fit, d"après la plupart des historiens, à l"instigation du rhéteur Diophane et du philosophe Blossius, dont l"un, Diophane, était un exilé de Mitylène, et dont l"autre, né précisément en Italie, à Cumes, avait été à Rome en relations étroites avec Antipater de Tarse [23] , qui l"honora de la dédicace de certains traités philosophiques.

рус.Quelques auteurs vont jusqu"à mettre en cause la mère de Tibérius, Cornélie, qui se plaignait souvent à ses fils d"être toujours appelée la belle-mère de Scipion, et pas encore la mère des Gracques. D"autres encore rendent responsable du plan de Tibérius un certain Spurius Postumius, du même âge que lui et son rival en éloquence judiciaire. Tibérius, à son retour de l"armée, s"aperçut que Spurius avait pris sur lui une grande avance en matière de réputation et de crédit ; et il le vit entouré d"admiration. Il voulut donc, semble-t-il le surpasser, et, à cette fin, s"avisa d"une politique étrange et qui suscita dans la ville une grande attente.

рус.Mais son frère Caius a écrit dans un livre qu"en passant par la Toscane pour aller à Numance, Tibérius, à la vue du pays désert, sans laboureurs ni pâtres en dehors des esclaves importés et des Barbares, conçut la première idée de la politique qui fut, pour les deux frères, la source de mille malheurs.

рус.Mais c"est surtout le peuple lui-même qui enflamma le zèle et l"ambition de Tibérius en l"excitant, par des inscriptions tracées sur les portiques, les murs et les monuments, à faire recouvrer aux pauvres le territoire national.

рус.IX. Cependant il ne composa pas la loi à lui seul, mais en prenant pour conseillers les premiers des citoyens en mérite et en réputation, parmi lesquels étaient Crassus le grand pontife, Mucius Scévola le jurisconsulte, alors consul, et Appius Claudius, son beau-père à lui, Tibérius.

рус.Et il semble qu"une loi destinée à réprimer tant d"injustice et d"avidité n"ait jamais été rédigée avec plus de douceur et de modération. Car ceux qui auraient dû porter la peine de leur désobéissance et rétrocéder, en payant une amende, les terres dont ils jouissaient illégalement, étaient seulement tenus de sortir, moyennant indemnité, des propriétés détenues contre tout droit, et de les abandonner aux citoyens dans le besoin.

рус.Bien que cette réforme fût tellement accommodante, le peuple, oubliant le passé, se contentait d"avoir désormais une garantie contre l"injustice ; mais les riches et les propriétaires, hostiles à la loi par avidité et au législateur par colère et esprit contentieux, cherchaient à détourner le peuple de la ratifier, en disant que Tibérius instituait un partage de terres pour bouleverser l"Etat et tout ébranler.

рус.Ils n"aboutirent à rien ; car Tibérius défendait une belle et juste cause avec une éloquence capable d"embellir même des opérations moins nobles ; il était donc effrayant et invincible, chaque fois que, le peuple étant répandu autour de la tribune où il se dressait, il parlait en faveur des pauvres : " Les bêtes, disait-il, qui paissent en Italie ont une tanière, et il y a pour chacune d"elles un gîte et un asile ; mais ceux qui combattent et meurent pour l"Italie n"ont que leur part d"air et de lumière, pas autre chose. Sans domicile, sans résidence fixe, ils errent partout avec leurs enfants et leurs femmes ; et les généraux mentent en engageant leurs soldats à défendre, dans les combats, leurs tombeaux et leurs temples contre les ennemis ; car il est tant de Romains dont aucun ne possède d"autel de famille, ni de tombeaux d"ancêtres ! C"est pour le luxe et la richesse d"autrui qu"ils font la guerre et meurent ; et l"on a beau les appeler maîtres du monde, ils n"ont même pas une motte de terre à eux !

рус.X. Ce discours, qu"il prononça avec un grand courage et une émotion sincère, transporta le peuple, qui trépignait d"enthousiasme, et aucun de ses adversaires n"osa le contredire. Laissant donc de côté la discussion, ils s"adressèrent à Marcus Octavius, l"un des tribuns de la plèbe, jeune homme de moeurs sérieuses et de conduite réglée.

рус.C"était l"ami et le familier de Tibérius ; aussi, au premier moment, par déférence pour son collègue, se dérobait-il à leurs ouvertures. Mais, comme beaucoup de personnages influents l"assiégeaient de leurs prières et de leurs supplications, il se laissa, pour ainsi dire, forcer la main, s"opposa à la politique de Tibérius et fit écarter sa loi.

рус.Or, chez les tribuns de la plèbe, c"est l"opposant qui détient la puissance ; car les décisions de la majorité n"ont aucune portée, dès lors qu"un seul tribun émet son veto. Aussi Tibérius irrité retira-t-il la loi humaine dont nous avons parlé pour en proposer une plus agréable à la masse et plus énergique envers les coupables, à qui elle ordonnait d"évacuer aussitôt les terres qu"ils occupaient au mépris des lois antérieures.

рус.Il y eut donc désormais chaque jour des débats à la tribune entre Octavius et lui ; mais, tout en se heurtant avec beaucoup de passion et d"opiniâtreté, ils ne tinrent jamais, dit-on, l"un sur l"autre aucun propos malsonnant, et ils ne laissèrent même pas, sous l"empire de la colère, échapper un mot déplacé. Car ce n"est pas seulement, semble-t-il, dans les transports des Bacchantes [24] mais aussi dans les conflits d"influence et les accès de colère que le bon naturel et la bonne éducation tiennent en arrêt l"esprit, le modèrent et le règlent.

рус.Et même, voyant Octavius sous le coup de la loi, car il détenait une part considérable des biens domaniaux, Tibérius le pria de relâcher son opposition, en s"engageant à lui rendre la valeur des propriétés usurpées, qu"il prélèverait sur ses propres biens, pourtant médiocres. Comme Octavius n"acceptait pas cette offre, Tibérius, par un édit, suspendit l"exercice de toutes les magistratures jusqu"au moment où le vote sur sa loi aurait été acquis.

рус.Il ferma les portes du temple de Saturne [25] en y apposant son sceau personnel, pour que les questeurs ne pussent rien prendre dans le Trésor ni rien y verser. Il fit aussi proclamer que les préteurs qui désobéiraient à son édit seraient frappés d"une amende ; et ainsi tous les magistrats, pris de peur, abandonnèrent chacun les affaires de son ressort.

рус.A dater de là, les possesseurs sans titre légal se vêtirent de deuil, et ils se promenaient sur le Forum avec des airs pitoyables et humiliés ; mais ils conspiraient en secret contre Tibérius, et ils avaient recruté des sicaires pour l"assassiner, ce qui amena le grand homme à porter sur lui, au su de tout le monde, un poignard de brigand, l"arme que les Romains appellent dolon [26] .

рус.XI. Le jour du vote était venu et Tibérius appelait le peuple à se prononcer, quand les riches enlevèrent les urnes. Il régnait une grande confusion ; mais comme les partisans de Tibérius, qui avaient le nombre pour eux, pouvaient emporter la décision de vive force et se groupaient à cette fin, Manlius et Fulvius, personnages consulaires, tombèrent aux genoux du tribun, et, en versant des larmes, le prièrent de ne pas aller plus loin.

рус.Lui, comprenant le danger immédiat, et ressentant d"ailleurs du respect pour ces hommes d"Etat, leur demande ce qu"ils lui conseillaient de faire. Ils déclarèrent alors qu"ils n"avaient pas de titres suffisants pour lui donner un conseil d"une si grande importance ; aussi l"engageaient-ils à remettre la décision au Sénat. Il se laissa convaincre par leurs prières. Mais comme le Sénat, une fois réuni, n"aboutissait à rien, à cause des riches qui étaient influents dans son sein, Tibérius se résolut à un acte illégal et injuste. Il dépouilla Octavius de sa magistrature, ne trouvant pas d"autre moyen de faire passer sa loi.

рус.Il commença par lui demander publiquement, de la façon la plus courtoise et en lui prenant les mains, de céder et de faire plaisir au peuple, qui réclamait des satisfactions légitimes, bien mince dédommagement de ses grandes fatigues et des grands dangers qu"il courait.

рус.Comme Octavius repoussait cette requête avec violence, Tibérius reprit : " Il est impossible que deux magistrats pourvus d"une égale autorité soient en désaccord sur une matière importante sans qu"avec le temps la guerre survienne entre eux. Je ne vois qu"un remède à cette situation ; c"est que l"un de nous cesse d"exercer sa charge. "

рус.Il enjoignit donc à Octavius de faire voter d"abord le peuple sur son cas à lui, Tibérius, promettant de redescendre aussitôt de la tribune, réduit au rang de simple citoyen, si les suffrages populaires en décidaient ainsi. Sur le refus d"Octavius, il déclara qu"il soumettrait lui-même au peuple le cas de son collègue, si celui-ci ne changeait pas d"avis après réflexion.

рус.XII. Sur le moment il en resta là et leva la séance. Le lendemain, en assemblée du peuple, il monta à la tribune et essaya, cette fois encore, de convaincre Octavius. Mais, le trouvant irréductible, il déposa un projet de loi qui lui enlevait le tribunat, et il appela les citoyens à voter aussitôt sur cette question.

рус.Comme il y avait trente-cinq tribus et que dix-sept avaient déjà donné leur approbation, il suffisait du vote d"une seule pour qu"Octavius fût destitué de sa charge. Tibérius suspendit alors le vote et recommença d"implorer son collègue. Il l"embrassait sous les yeux du peuple et le couvrait de baisers, le suppliant instamment de ne pas se laisser faire une pareille honte et de ne pas le forcer, lui Tibérius, à prendre la responsabilité d"une mesure si grave et si pénible.

рус.Ces prières, dit-on, ne laissèrent pas Octavius absolument insensible et obstiné ; ses yeux se remplirent de larmes, et il resta longtemps silencieux. Cependant, jetant un regard sur les riches et les propriétaires massés autour de la tribune, il fut apparemment intimidé. La crainte d"être décrié par eux lui fit affronter tous les dangers avec assez de noblesse, et il dit à Tibérius de faire ce qu"il voulait faire.

рус.La loi fut donc votée. Tibérius ordonna aussitôt à l"un de ses affranchis de faire descendre Octavius de la tribune ; car il employait comme viateurs ses anciens esclaves, et cette circonstance rendit plus pitoyable encore le spectacle de la violence faite à Octavius, précipité brutalement de son siège. Le peuple se jeta sur lui ; mais les riches, qui étaient accourus, lui firent une barrière de leurs bras étendus, et Octavius put, à grande peine, se dérober à la foule et s"enfuir ; mais un esclave dévoué, qui se tenait devant lui pour le protéger, eut les yeux crevés. Cet attentat eut lieu malgré Tibérius, qui, apprenant la tournure des événements, avait fait diligence pour arrêter l"échauffourée.

рус.XIII. A la suite de cette agitation, la loi agraire fut votée ; et l"on choisit des triumvirs pour la recherche et le répartition des terres. C"étaient Tibérius lui-même, son beau-père Appius Claudius et son frère Caius Gracchus, qui ne se trouvait pas alors à Rome, faisant la campagne de Numance sous les ordres de Scipion.

рус.Cette affaire terminée en toute tranquillité et sans opposition, il fit en outre remplacer Octavius par un nouveau tribun, qui n"était pas de la catégorie des gens en vue, mais un de ses clients, nommé Mucius. Mécontents de tout ce que faisait Tibérius et redoutant l"accroissement de son crédit, les personnages influents le bafouaient au Sénat.

рус.Comme il demandait qu"on lui fournît, suivant la coutume, une tente aux frais de l"Etat pour aller répartir les terres, on la lui refusa, quand d"autres, pour des missions moins importantes, en avaient souvent obtenu une ; et son indemnité de déplacement fut fixée à neuf oboles [27] par jour, sur la proposition de Scipion Nasica [28] , qui s"était abandonné sans réserve à son hostilité contre Tibérius ; car il occupait une bonne partie des terres du domaine public et se résignait mal à en sortir par force.

рус.Tout cela échauffait le peuple. Et comme un ami de Tibérius vint à mourir subitement et que des taches suspectes apparurent sur le corps, une foule de gens, criant qu"on l"avait empoisonné, accoururent au convoi. Ils chargèrent le lit funèbre sur leurs épaules et se groupèrent autour du bûcher. On put croire alors qu"ils n"avaient pas eu tort de soupçonner un empoisonnement ; car le cadavre se rompit, et un flot d"humeurs corrompues se répandit à l"extérieur, au point d"éteindre la flamme. On eut beau apporter d"autre feu ; le bûcher ne s"enflamma pas avant d"avoir été transporté dans un autre endroit ; et ce fut même au prix de bien des efforts. Là-dessus Tibérius, pour exciter encore davantage la foule, prit des habits de deuil. Il amena ses enfants sur le Forum et pria le peuple de se charger d"eux ainsi que de leur mère, lui-même ayant renoncé à tout espoir.

рус.XIV. Lorsque après la mort d"Attale Philométor [29] , Eudème de Pergame vint déposer à Rome le testament aux termes duquel le peuple romain était institué héritier du Roi, Tibérius, par démagogie, déposa un projet de loi portant que l"argent de ce Prince, qu"on avait apporté dans la Ville, serait attribué aux citoyens, bénéficiaires du partage des terres, pour la mise en état du sol et les premiers frais de la culture.

рус.Quant aux villes qui faisaient partie du royaume d"Attale, il déclara que le Sénat n"avait nullement le droit de délibérer sur leur sort, et que lui-même en référerait au peuple. Cette conduite blessa le Sénat au plus haut point ; et Pompée [30] se leva pour déclarer qu"étant voisin de Tibérius il savait qu"Eudème lui avait donné le diadème et la pourpre des Rois de Pergame, comme au futur Roi de Rome.

рус.Quintus Métellus fit ce reproche à Tibérius : " Quand ton père, étant censeur, rentrait chez lui après dîner, les citoyens éteignaient leurs lumières, dans la crainte de paraître prolonger au-delà des convenances les ripailles et les parties de boisson. Et toi, tu te fais éclairer la nuit par les pires insolents et les derniers des gueux [31] ! " Titus Annius, personnage qui n"était ni conciliant, ni modéré, mais paraissait invincible dans les discussions, où il procédait par demandes et par réponses, somma Tibérius d"avouer, par un serment solennel, qu"il avait frappé de dégradation civique son collègue, sacro-saint et inviolable aux termes de la loi.

рус.Comme cette provocation déchaînait le tumulte, Tibérius bondit, appela le peuple, ordonna d"arrêter Annius, et il voulait l"accuser. Mais Annius, qui lui était très inférieur en éloquence et en réputation, trouva une ressource dans son esprit fertile. Il demanda à Tibérius de répondre, avant le débat, à une petite question.

рус.Tibérius lui permit de l"interroger, et le silence se fit. Annius dit alors : " Si toi, tu veux me dégrader et me traîner dans la boue, et que moi, j"appelle à mon secours un de tes collègues et qu"il monte à la tribune pour m"assister, est-ce que tu lui enlèveras sa charge ? " Cette question, dit-on, embarrassa tellement Tibérius qu"étant d"ordinaire, entre tous les hommes d"Etat, le plus capable d"improviser et le plus audacieux, il garda le silence.

рус.XV. Ce jour-là donc, il congédia l"assemblée. Mais sentant qu"entre tous ses actes politiques celui qui concernait Octavius était particulièrement odieux, non seulement aux puissants, mais encore au grand nombre car la dignité des tribuns de la plèbe paraissait quelque chose de grand et de beau qui, sauvegardé jusqu"à ce jour, avait été enfin détruit et bafoué, il fit un long discours devant le peuple. Il n"est pas hors de propos de rapporter ici de petits extraits de son argumentation, pour donner quelque idée de la puissance de persuasion et de la subtilité du grand homme.

рус.Il dit que le tribun de la plèbe était sacro-saint et inviolable, en tant que consacré au peuple et debout pour sa défense. " Ainsi donc, poursuivit-il, un tribun qui, changeant de conduite, fait tort au peuple, amoindrit sa puissance, et lui enlève le droit de vote, se prive lui-même de l"honneur qu"il a reçu à des conditions qu"il n"observe pas.

рус.Faudra-t-il donc laisser un tribun ruiner le Capitole et brûler l"arsenal ? Encore, en commettant ces crimes, serait-il un mauvais tribun, mais un tribun tout de même. S"il détruit la puissance du peuple, il n"est plus tribun. Ne serait-ce pas une énormité que le tribun pût arrêter le consul, et que le peuple ne pût priver le tribun d"un pouvoir dont il se sert contre qui le lui a conféré ? Car enfin le peuple choisit aussi bien un tribun qu"un consul.

рус.On sait que la royauté joint au privilège de réunir et de concentrer en soi tous les pouvoirs, la majesté d"une consécration solennelle qui l"approche de la divinité. Pourtant la Ville a chassé Tarquin, qui était en faute ; et les abus de pouvoir d"un seul homme ont fait abolir le régime traditionnel qui avait fondé Rome. Qu"y a-t-il d"aussi saint et d"aussi vénérable à Rome que les vierges qui entretiennent et gardent le feu inextinguible ? Pourtant, si l"une d"entre elles manque à son devoir, on l"enterre vivante ; car elles ne peuvent garder, en outrageant les dieux, une inviolabilité qu"elles leur doivent.

рус.Il n"est donc pas juste non plus qu"un tribun, s"il fait tort au peuple, conserve l"inviolabilité qu"il tient de lui ; car il détruit de ses propres mains la puissance populaire, qui fait sa force. Et cependant, si c"est justement que les suffrages de la majorité des tribus lui ont conféré son autorité de tribun, comment ne serait-il pas plus juste encore que le vote de toutes les tribus sans exception l"en privât ? Rien n"est si saint, ni si inviolable que les ex-voto offerts aux dieux.

рус.Et personne n"a jamais empêché le peuple de s"en servir, de les changer et de les déplacer à son gré ! Il a donc le droit d"user du tribunat comme d"une offrande, et de le transférer à un autre dépositaire. Enfin ce n"est pas une magistrature inviolable, ni inamissible ; la preuve en est que souvent des personnages qui en étaient investis ont décliné cet honneur sous la foi du serment. "

рус.XVI. Tels furent donc les principaux arguments de Tibérius pour se justifier. Mais comme ses amis, en présence des menaces de la noblesse groupée contre lui, pensaient qu"il devait poser sa candidature à un second tribunat [32] , il cherchait à reconquérir la masse par d"autres lois, abrégeant la durée du service militaire, permettant d"en appeler au peuple des sentences judiciaires, et adjoignant aux sénateurs, qui étaient alors les seuls juges, des chevaliers en nombre égal. Enfin de toute façon désormais, il cherchait à affaiblir l"autorité du Sénat, inspiré par le ressentiment et l"esprit d"opposition plutôt que par une idée réfléchie de la justice et de l"intérêt public.

рус.Mais comme, au cours du vote [33] on s"aperçut que ses adversaires avaient le dessus, car le peuple n"était pas présent tout entier [34] , ses amis se mirent d"abord à injurier ses collègues pour tirer les choses en longueur ; et puis on congédia l"assemblée, avec ordre de reprendre séance le lendemain. Tibérius, descendant au Forum, commença par adresser aux Romains d"humbles supplications, les larmes aux yeux. Il déclara ensuite craindre que, dans la nuit, ses ennemis ne vinssent forcer sa maison et le tuer. Il fit si bien partager ses inquiétudes aux citoyens qu"un très grand nombre d"entre eux campèrent devant sa maison et passèrent toute la nuit à la garder.

рус.XVII. Au point du jour vint [sur le Forum] l"homme qui apportait les poulets dont on se sert pour la divination [35] , et il leur présenta de la nourriture. Mais ils ne s"avancèrent pas, sauf un seul, bien que l"homme eût fort agité la cage. Encore celui qui était sorti ne toucha-t-il pas au manger ; il leva l"aile gauche et étendit la patte, puis il se réfugia dans la cage.

рус.Ce présage fit ressouvenir Tibérius du premier signe qu"il avait eu. Il avait un casque dont il se servait dans les combats, et qui était décoré splendidement et d"une beauté remarquable. Des serpents, s"y étant glissés subrepticement, y avaient déposé des oeufs qu"ils firent éclore. Aussi le présage des poulets, s"ajoutant à celui-là, le troublait-il d"autant plus. Il sortit pourtant, en apprenant que le peuple était assemblé en haut, au Capitole. Avant d"être dehors, il se heurta si violemment au seuil de sa porte que l"ongle du gros orteil se rompit et que le sang coula à travers la chaussure. Quand il eut fait quelques pas, on vit sur un toit, à sa gauche, des corbeaux qui se battaient ; et alors que, naturellement, beaucoup de gens l"accompagnaient, une tuile, repoussée par un de ces oiseaux, tomba près du pied de Tibérius.

рус.Ce nouveau signe arrêta même les plus audacieux de ses amis ; mais Biossius de Cumes intervint et déclara que ce serait par trop de honte et d"humiliation que Tibérius, fils de Gracchus et petit-fils de Scipion l"Africain, par peur d"un corbeau, n"écoutât pas les appels des citoyens. Il ajouta que pourtant cette honte, les ennemis du tribun n"en feraient pas un objet de risée ; ils en prendraient prétexte pour le décrier auprès du peuple en l"accusant d"exercer la tyrannie et de bafouer ses concitoyens.

рус.En même temps beaucoup de gens accouraient à la rencontre de Tibérius de la part de ses amis du Capitole pour l"inviter à se presser, en assurant que la situation était bonne. En effet, il fut accueilli d"abord avec enthousiasme. Dès qu"il parut, des acclamations s"élevèrent ; quand il monta au Capitole, on s"empressa pour le recevoir ; et l"on mit une garde autour de lui pour ne laisser approcher personne d"inconnu.

рус.XVIII. Mais, quand Mucius [36] eut commencé, comme la veille, à recueillir les suffrages par tribus, rien ne put se faire des formalités habituelles, à cause du désordre causé par les électeurs, qui, venant des derniers rangs, étaient poussés, poussaient, bousculaient ceux de devant et se mêlaient à eux.

рус.Sur ces entrefaites, Fulvius Flaccus, membre du Sénat, se mit en évidence ; et, comme sa voix ne pouvait arriver jusqu"à l"assistance, il fit un signe de la main pour indiquer qu"il voulait expliquer quelque chose en particulier à Tibérius. Le tribun ayant ordonné à la foule d"ouvrir ses rangs, Flaccus put enfin l"approcher et lui apprit que, pendant la séance du Sénat, les riches, ne parvenant pas à mettre le consul de leur côté, avaient formé le projet de tuer Tibérius par leurs propres moyens, et qu"ils disposaient, à cette fin, de beaucoup d"esclaves et d"amis en armes.

рус.XIX. Quand Tibérius eut révélé le complot à ceux qui l"entouraient, ils retroussèrent aussitôt leurs toges, et, brisant les javelines des licteurs, dont ces agents se servent pour écarter la foule, ils en prirent les tronçons, dans l"intention de s"en faire des armes contre les assaillants. Comme les citoyens les plus éloignés ne comprenaient rien à ce qui se passait et cherchaient à se renseigner, Tibérius porta la main à sa tête, voulant faire comprendre le péril par ce geste, puisqu"on n"entendait pas sa voix.

рус.A cette vue ses adversaires coururent au Sénat rapporter que Tibérius demandait un diadème ; la preuve, c"est qu"il touchait sa tête. Ainsi tout le monde fut troublé ; et Nasica requit le consul de sauver la république et de renverser le tyran. Le magistrat répondit avec douceur qu"il ne prendrait l"initiative d"aucune violence et ne ferait mourir aucun citoyen sans jugement ; que cependant si le peuple, persuadé ou contraint par Tibérius, votait une illégalité, il ne la ratifierait pas. Nasica bondit alors et s"écria : " Eh bien ! puisque le chef de l"Etat trahit la république, vous tous qui voulez défendre les lois, suivez-moi ! "

рус.En disant ces mots, il rabattit sur sa tête un pan de sa toge et se mit en marche vers le Capitole. Chacun de ceux qui le suivaient, en roulant le bas de sa toge autour de son bras, poussait les gens qui se trouvaient devant lui. Nul n"opposait de résistance à ces personnages considérables ; au contraire, les passants fuyaient et tombaient les uns sur les autres. Les hommes de la suite des sénateurs apportaient de chez eux des gourdins et des bâtons ; eux-mêmes, ramassant les éclats et les pieds des bancs brisés par la foule dans sa fuite, montaient vers Tibérius et frappaient ceux qui s"interposaient entre eux et lui.

рус.Ce fut un sauve-qui-peut et un massacre ; et, comme Tibérius lui-même fuyait, un homme le saisit par ses vêtements. Il lui laissa sa toge et prit sa course en tunique ; mais il glissa et tomba sur quelques-uns de ceux qui étaient renversés devant lui. Comme il se relevait, le premier qui lui porta ostensiblement un coup à la tête avec un pied de banc fut Publius Saturéius, un de ses collègues ; l"honneur du second coup était revendiqué par Lucius Rufus, qui s"en fit gloire comme d"une belle action. Des partisans de Tibérius, il mourut plus de trois cents, massacrés à coups de pierres et de bâtons, mais aucun par le fer.

рус.XX. Ce fut, à ce qu"on rapporte, la première sédition à Rome, depuis l"abolition de la royauté, qui fut étouffée dans le sang et par le meurtre des citoyens. Quant aux autres, qui pourtant n"étaient pas légères en soi et ne portaient pas sur de minces objets, elles se soldaient par des concessions mutuelles, qu"arrachait aux puissants la crainte de la foule et au peuple le respect du Sénat.

рус.Il semble même que, dans cette journée, Tibérius aurait aisément cédé, si l"on s"y était pris d"une autre façon ; il se serait incliné plus facilement encore si ses adversaires n"avaient pas versé le sang et blessé ses amis ; car il n"avait pas autour de lui plus de trois mille hommes. Mais on peut croire que la colère et la haine des riches contre lui eurent plus de part à leur complot que les belles raisons dont ils se targuaient ; et une bonne preuve en est la cruauté et l"illégalité des outrages faits à son cadavre.

рус.Car on ne permit pas au frère de Tibérius, malgré ses prières, de recueillir le corps et de l"ensevelir la nuit ; on le jeta au fleuve avec les autres morts. Et on ne s"en tint pas là ; on bannit encore une partie de ses amis sans jugement ; les autres, on les arrêta et on les fit mourir ; de ce nombre était le rhéteur Diophane. On enferma un certain Caius Villius dans un tonneau où l"on avait jeté des vipères et d"autres serpents, et il mourut ainsi. Quant à Blossius de Cumes, il fut amené devant les consuls qui l"interrogèrent sur les événements, et il convint qu"il avait tout fait sur l"ordre de Tibérius.

рус.Comme Nasica lui demandait : " Et si Tibérius t"avait ordonné de brûler le Capitole ? " il répondit d"abord que jamais Tibérius ne lui eût donné un pareil ordre ; et, la même question lui étant posée à plusieurs reprises et par plusieurs personnes, il finit par dire : " Eh bien ! s"il me l"avait ordonné, il eût été beau pour moi d"obéir ; car Tibérius ne pouvait me le prescrire que dans l"intérêt du peuple ! " Sur le moment, il se tira donc d"affaire ; et peu après il se rendit en Asie auprès d"Aristonicos [37] ; puis, quand la situation de ce Prince fut ruinée, il se tua.

рус.XXI. Cependant le Sénat, voulant apaiser le peuple à la suite de ces événements, ne s"opposa plus au partage des terres, et proposa à la plèbe de nommer un répartiteur à la place de Tibérius.

рус.Le choix des électeurs se porta sur Publius Crassus, qui était allié aux Gracques, car sa fille Licinnia était la femme de Caius Gracchus. Cependant Cornélius Népos affirme que ce n"était pas la fille de Crassus, mais celle de Brutus, connu par son triomphe sur les Lusitaniens [38] ; malgré son avis, la plupart des historiens sont d"accord avec nous.

рус.Comme, par ailleurs, le peuple, aigri par la mort de Tibérius, attendait visiblement le jour de la revanche, et que déjà l"on se préparait à faire des procès à Nasica, le Sénat, craignant pour ce personnage, vota son envoi en Asie, où il n"avait absolument rien à faire. Car les gens du peuple qui le rencontraient ne cachaient pas leur malveillance à son égard ; au contraire, plus exaspérés que jamais, ils le poursuivaient de leurs cris partout où ils le trouvaient, l"appelant un maudit, un tyran, un sacrilège qui avait souillé du sang d"un magistrat inviolable et sacré le plus saint et le plus redoutable des temples de la Ville.

рус.C"est ainsi que Nasica dut s"enfuir d"Italie, quoique assujetti aux plus graves obligations religieuses ; car c"était le plus élevé en dignité et le premier des pontifes. Errant et vagabondant obscurément, il mourut peu de temps après à Pergame. Il ne faut pas s"étonner que le peuple ait à ce point hai Nasica, puisque Scipion l"Africain, l"homme que les Romains admiraient à plus juste titre et plus qu"aucun autre, fut bien près de se voir privé de l"amour de ce peuple parce que, dans le premier moment où il apprit à Numance la mort de Tibérius, il fit cette citation d"Homère

рус.Ainsi périsse tout autre qui agirait comme lui ! [39]

рус.Ensuite, comme Caius Gracchus et Fulvius lui demandaient, dans une assemblée du peuple, ce qu"il pensait de la mort de Tibérius, il fit une réponse défavorable à la politique du tribun. A partir de ce moment, le peuple, ce qu"il n"avait jamais fait auparavant, donna des signes de mécontentement quand Scipion parlait ; et lui-même se laissa aller à mal parler du peuple. Nous avons traité ce sujet en détail dans notre Vie de Scipion [40] .

рус.XXII. Caius Gracchus au début, soit qu"il craignît les ennemis de son frère, soit qu"il cherchât à ranimer la haine du peuple contre eux, se tint à l"écart du Forum et resta tranquille chez lui, comme quelqu"un qui aurait une situation basse dans le présent et qui vivrait, à l"avenir, dans la même indifférence aux affaires d"Etat. Cette conduite lui attira même les critiques de quelques personnes, qui le croyaient mécontent de la politique de Tibérius et décidé à la renier.

рус.Mais il était très jeune alors ; car il avait neuf ans de moins que son frère, qui mourut avant d"avoir atteint trente ans. Pourtant Caius, en avançant en âge, laissait paraître, sans ostentation, un caractère indifférent à l"oisiveté, à la mollesse, à la boisson et aux trafics d"argent. Il exerçait, de plus, ses dispositions pour l"éloquence, comme des ailes qui le porteraient, d"un vol rapide, au pouvoir. On vit donc bien qu"il ne mènerait pas une vie inactive.

рус.Le plaidoyer qu"il prononça pour l"un de ses amis, Vettius, excita l"enthousiasme débordant du peuple ; car les autres orateurs n"avaient été que des enfants en comparaison de lui. Les puissants recommencèrent donc à trembler ; et les propos qu"ils tenaient couramment montraient qu"ils ne laisseraient pas Caius arriver au tribunat.

рус.Il fut précisément désigné par le sort pour aller en Sardaigne comme questeur du consul Oreste ; et, si cela fit plaisir à ses ennemis, lui-même n"en fut pas affligé. Car, étant doué pour la guerre et aussi bien exercé à faire campagne qu"à plaider, il frissonnait à la seule pensée d"affronter la vie publique et la tribune, et ne pouvait cependant se dérober à l"appel du peuple et de ses amis. Il accepta donc très volontiers ce déplacement.

рус.Et pourtant l"opinion qui prévaut à son sujet est qu"il fut un démagogue intempérant et beaucoup plus éhonté que Tibérius dans la recherche des faveurs de la masse. Mais ce n"est pas la vérité ; il semble au contraire qu"une nécessité quelconque, bien plutôt qu"un choix réfléchi, l"ait précipité dans la politique. Et même l"orateur Cicéron [41] rapporte que, comme justement Caius évitait toute candidature et avait décidé de vivre en repos, son frère lui apparut en songe et lui dit : " Pourquoi donc tardes-tu, Caius ? Il n"y a pas d"évasion possible ; nous n"avons tous deux qu"une seule vie et qu"une seule mort, que nous impose la défense du peuple ; c"est décidé. "

рус.XXIII. Caius, étant donc parti pour la Sardaigne, y donnait l"exemple de toutes les vertus. Il se montrait très supérieur à tous les jeunes gens par son courage devant l"ennemi, sa justice envers ses subordonnés, son dévouement et sa déférence pour son général ; mais sa modération, sa simplicité et son autorité dépassaient encore celles des gens âgés.

рус.Comme l"hiver en Sardaigne était rigoureux et malsain, le général demandait aux villes de son gouvernement des habits pour ses soldats. Elles envoyèrent une délégation. à Rome pour implorer levée de cette contribution. Le Sénat fit droit à cette réclamation et ordonna au général de prendre d"autres moyens pour couvrir ses hommes ; mais c"était impossible, et les troupes continuaient à souffrir. Caius parcourut alors les villes et décida les habitants à envoyer, d"eux-mêmes, des étoffes à leurs frais pour aider les Romains. Cette démarche, connue à Rome, y parut un essai de politique démagogique et troubla le Sénat.

рус.La première occasion de conflit fut l"arrivée des ambassadeurs envoyés d"Afrique par le Roi Micipsa [42] . Ils dirent que ce Prince, pour faire plaisir à Caius Gracchus, avait envoyé du blé au général romain, en Sardaigne. Les sénateurs furent mécontents et les chassèrent ; ils votèrent ensuite un sénatus-consulte, aux termes duquel on relèverait les troupes de Sardaigne, tout en laissant Oreste sur place ; car de la sorte Caius y serait aussi retenu par sa charge. Mais lui, se voyant sous le coup de ces décisions, s"embarqua tout de suite dans un moment de colère. Il parut donc à Rome contre toute attente, et ses ennemis ne furent pas les seuls à en profiter pour l"accuser ; car la majorité elle-même trouvait étrange qu"étant questeur il fût parti avant son chef.

рус.On le cita donc devant les censeurs ; mais, après avoir demandé la parole, il changea si bien les dispositions de l"auditoire qu"il partit en laissant l"impression d"avoir subi les plus grandes injustices. Car il déclara qu"il avait fait douze ans de services, alors que les autres s"en tenaient aux dix obligatoires, qu"il avait été employé comme questeur sous les ordres du général pendant une période de trois ans, quand la loi lui permettait de revenir à Rome au bout d"un an, et que, seul des combattants, il était parti avec sa bourse pleine et rentré avec sa bourse vide. Les autres, une fois bu le vin de leurs amphores, les avaient rapportées pleines d"argent et d"or monnayés.

рус.XXIV. On lui intenta encore d"autres accusations et d"autres procès. On l"accusa notamment de chercher à soulever les alliés et d"avoir été le complice de la conjuration découverte à Frégelles [43] . Il se lava de tout soupçon, et, après avoir établi sa parfaite innocence, posa sur le champ sa candidature au tribunat [44] . Les hommes connus s"opposaient tous à lui sans distinction ; mais une telle foule affluait à Rome, de toute l"Italie, pour participer au scrutin que beaucoup d"électeurs ne trouvèrent pas à se loger. Le Champ de Mars fut même trop étroit pour la foule des votants ; et il fallut recueillir un certain nombre des voix sur les toits, au milieu des tuiles.

рус.Quant au résultat, les puissants purent tout juste contraindre le peuple et décevoir les espérances de Caius assez pour ne pas lui laisser la première place, sur laquelle il comptait. Il ne fut nommé que le quatrième. Mais, à peine entré en fonctions, il devint le premier de tous, ayant autant de talent oratoire qu"aucun autre, et l"émotion le poussant à tout dire, puisqu"il pleurait son frère.

рус.Car maintenant tous les prétextes lui étaient bons pour ramener le peuple au souvenir de la mort de Tibérius. Il lui remettait le passé en mémoire et faisait revivre les actes des ancêtres. " Ceux-là, disait-il, déclarèrent la guerre aux Falisques pour une insulte faite au tribun de la plèbe Génucius et condamnèrent à mort Caius Véturius, parce qu"un tribun traversant le Forum, il avait été le seul à ne pas se ranger devant lui.

рус.Et pourtant, sous vos yeux, les gens que vous savez ont assommé Tibérius à coups de bâton, et, en pleine ville, on a traîné ignominieusement son cadavre du haut du Capitole pour le jeter au fleuve. Ceux de ses amis qu"on prenait mouraient sans jugement ; et pourtant c"est une tradition chez vous que si quelqu"un, sous le coup d"une accusation capitale, ne se rend pas à la citation, un huissier vient devant sa porte, au point du jour, le convoquer à son de trompe, et que les juges ne portent pas de sentence avant l"accomplissement de cette formalité. Tant vos aieux étaient circonspects et se tenaient sur leurs gardes en matière de jugements ! "

рус.XXV. Après avoir secoué le peuple par de tels propos, car il avait une voix très forte et de beaucoup de portée, il proposa deux lois, portant l"une que, si le peuple avait ôté sa charge à quelque magistrat, on ne lui permettrait pas d"exercer une autre magistrature ; l"autre que, si un magistrat bannissait un citoyen sans jugement, le peuple aurait à condamner cet abus de pouvoir.

рус.De ces lois l"une dégradait directement Marcus Octavius, celui que Tibérius avait dépouillé du tribunat ; et sous le coup de l"autre tombait Popillius ; car c"était lui qui, en sa qualité de préteur, avait banni les amis de Tibérius. Popillius n"osa pas affronter le jugement et s"enfuit d"Italie ; quant à l"autre loi, Caius la retira lui-même en disant qu"à la prière de sa mère Cornélie il faisait grâce à Octavius. Le peuple s"en réjouit et approuva hautement cette concession ;

рус.car il n"honorait pas moins Cornélie à cause de ses enfants qu"à cause de son père, et il devait même lui élever plus tard une statue de bronze avec cette inscription : Cornélie, mère des Gracques. On rapporte bien des propos piquants et un peu affectés que tint Caius pour la défendre contre un de ses ennemis à lui : " Est-ce bien toi, dit-il, qui insultes Cornélie, la mère de Tibérius ? " Et, comme l"insulteur était décrié pour son manque de virilité, il lui demanda une autre fois : " Et de quel droit te compares-tu à Cornélie ? As-tu mis au monde ces enfants comme elle ? Et pourtant tous les Romains savent qu"elle a été plus longtemps sans mari que toi, le soi-disant homme. " Telle était l"amertume de ses répliques ; et on peut trouver dans son oeuvre bien des traits de ce genre.

рус.XXVI. Des lois qu"il proposa ensuite pour faire plaisir au peuple et affaiblir le Sénat, la première concernait l"établissement des colonies et attribuait aux pauvres les terres du domaine public. La deuxième, relative à l"armée, disposait que les soldats en campagne seraient habillés par l"Etat sans que leur solde fût diminuée pour cela, et qu"on n"enrôlerait pas d"hommes au-dessous de dix-sept ans.

рус.La troisième, sur les alliés, donnait aux Italiens le même droit de vote qu"aux citoyens romains. La quatrième, sur le ravitaillement, abaissait le prix des vivres pour les pauvres. La cinquième, sur les tribunaux, enlevait au Sénat sa prépondérance judiciaire. Seuls en effet, jusque-là, les sénateurs jugeaient les procès, et, par là, ils étaient redoutables au peuple et aux chevaliers ; mais la loi nouvelle ajoutait trois cents chevaliers à un nombre égal de sénateurs, et attribuait sans distinction aux six cents juges la décision de tous les procès.

рус.En proposant cette réforme, il accomplit, dit-on, toutes les formalités très minutieusement ; mais alors qu"avant lui tous les hommes politiques, dans leurs interventions, regardaient vers le Sénat et ce qu"on appelle le Comice [45] , il fut, dit-on, le premier à se tourner du côté opposé, vers le Forum ; et à l"avenir les orateurs suivirent cet exemple. Par ce léger changement et cette orientation nouvelle, il fit une révolution et transféra, en quelque sorte, le pouvoir de l"aristocratie à la démocratie, en montrant que les orateurs devaient s"adresser à la foule et non au Sénat.

рус.XXVII. Non seulement le peuple vota la loi judiciaire, mais encore il accorda à Caius le droit de choisir les juges pris parmi les chevaliers. C"était lui conférer une sorte d"autorité monarchique ; aussi le Sénat lui-même toléra-t-il sa participation aux débats de cette assemblée. Ses avis furent d"ailleurs toujours dignes d"un si grand corps.

рус.Il proposa, par exemple, une décision aussi modérée que juste au sujet du blé qu"avait envoyé d"Espagne le propréteur Fabius. A l"instigation de Caius, le Sénat fit vendre ce blé, dont il envoya le prix aux cités espagnoles, et reprocha en outre à Fabius de rendre la domination romaine oppressive et insupportable pour les sujets. Cette initiative valut à Caius beaucoup de renom et de popularité dans les provinces.

рус.Il fit aussi des lois pour la fondation de colonies, la construction de routes, l"établissement de greniers à blé. Il prit lui-même la direction et le contrôle de tous ces travaux ; et non seulement il ne se laissait pas épuiser par tant de besognes si lourdes, mais encore il les exécutait avec une promptitude extraordinaire et se donnait, pour chaque entreprise, autant de mal que s"il n"avait pas eu autre chose à faire ; aussi même ses pires ennemis et ceux qui le craignaient le plus étaient-ils stupéfaits de l"efficacité de son action en toute chose.

рус.Les gens du peuple admiraient même son attitude, en voyant suspendue à ses lèvres une foule d"entrepreneurs, d"artisans, d"ambassadeurs, de magistrats, de soldats, de lettrés. Son accueil était toujours plein d"aménité, mais il savait garder sa dignité dans la politesse et rendre exactement à chacun les égards qui lui revenaient. Il faisait voir ainsi que ceux qui le traitaient d"individu effrayant, grossier, violent, étaient d"affreux sycophantes. Tant il savait s"assurer la popularité dans ses conversations et ses actes de chaque jour, mieux encore que dans ses discours de la tribune !

рус.XXVIII. Il mit surtout du zèle à la création des routes, où il avait en vue, avec l"utilité publique, l"agrément et la beauté. Elles étaient tracées toutes droites à travers les terres, sans détour et pavées de pierres polies sur un lit de sable battu. Les fondrières creusées par les torrents ou les ravins étaient partout comblées ou recouvertes de ponts, de façon que le niveau du sol était le même de chaque côté, et l"ensemble du travail, parfaitement uni, offrait une belle vue.

рус.En outre, Caius divisa tous les chemins par milles, et le mille atteint un peu moins de huit stades [46] . Il érigea des colonnes de pierre pour indiquer le chiffre du mille. Il disposa encore, de chaque côté de la route, d"autres bornes, moins éloignées les unes des autres, pour que les voyageurs pussent monter facilement à cheval sans avoir besoin d"aide.

рус.XXIX. Ces innovations le grandissaient aux yeux du peuple, qui était prêt à faire n"importe quoi pour lui marquer son attachement. Or il déclara lui-même un jour, dans une harangue, qu"il demanderait une grâce qui, accordée, lui tiendrait lieu de tout, mais, en cas de refus, ne lui arracherait aucun reproche à l"égard des Romains.

рус.Il semblait annoncer ainsi sa candidature au consulat ; et ces paroles donnaient même à penser à tout le monde qu"il briguerait à la fois le consulat et le tribunat. Mais au moment des élections du consulat et quand l"incertitude était générale, on le vit amener Caius Fannius sur le Champ de Mars et faire campagne pour lui avec ses amis. C"était un grand appoint pour Fannius, qui fut nommé consul. Calus, lui, fut élu tribun pour la seconde fois, sans avoir posé de candidature ni fait de campagne la faveur du peuple suffit.

рус.Mais, voyant que le Sénat lui montrait ouvertement son hostilité et que le dévouement de Fannius à son égard faiblissait, il voulut s"assurer mieux encore l"appui de la multitude par d"autres lois, qui décidaient l"envoi de colonies à Tarente et à Capoue, et appelaient les Latins à participer au droit de cité. Mais le Sénat, craignant qu"il ne devînt tout à fait invincible, essaya un moyen nouveau et sans précédent de détourner de lui le peuple. C"était de faire à son tour de la démagogie et de travailler à complaire à la masse en dépit de la morale.

рус.Il y avait un des collègues de Caius, Livius Drusus, qui n"était inférieur, ni en naissance, ni en éducation, à aucun des Romains, et qui même, par son caractère, son éloquence et sa richesse, pouvait rivaliser avec les plus estimés et les plus influents. C"est à lui que les hommes en vue s"adressèrent. Ils l"engageaient à attaquer Caius et à se liguer avec eux contre lui, non pas en usant de contrainte, ni en s"opposant au grand nombre, mais, au contraire, en gouvernant au gré des plébéiens et en leur faisant des concessions dont le refus vous eût fait hair, mais honorer.

рус.XXX. Livius mit donc au service du Sénat, dans cette vue, sa puissance de tribun. Les lois qu"il proposa ne s"inspiraient ni de la morale, ni de l"intérêt public. Son seul dessein était de séduire le peuple et de l"amuser plus que Caius ; il déployait beaucoup de zèle dans cette compétition, comme s"il se fût agi d"un concours entre poètes comiques. Par cette manoeuvre le Sénat montra très visiblement qu"il n"était pas hostile à la politique de Caius, mais que c"était l"homme lui-même qu"il voulait absolument faire disparaître ou abaisser.

рус.Car, lorsqu"il proposait le départ de deux colonies et qu"il y faisait entrer les citoyens les mieux vus, on le taxait de démagogie ; mais quand Livius en créait douze et enrôlait dans chacune trois mille indigents, les sénateurs étaient d"accord avec lui. Caius avait distribué la terre aux pauvres en fixant pour chacun une redevance au trésor public, et ils étaient mécontents de lui, comme d"un flagorneur du peuple ; mais Livius, qui supprima même cette redevance sur les terres distribuées, leur plaisait.

рус.De plus, en accordant aux Latins l"égalité de suffrage, Caius les peinait ; mais l"autre ayant déposé un projet de loi pour interdire qu"à l"armée on pût frapper de verges un Latin, ils l"appuyèrent. Aussi Livius disait-il toujours lui-même dans ses harangues qu"il faisait telle ou telle proposition d"accord avec le Sénat, dont il affirmait ainsi la sollicitude pour le peuple.

рус.Il n"y eut d"ailleurs que cela d"utile dans sa politique. Car le peuple adopta une attitude plus douce envers le Sénat ; et, alors qu"auparavant il regardait les notables avec défiance et haine, Livius détendit ce ressentiment et calma cette animosité en déclarant que l"opinion de la noblesse, suivie par lui, était favorable au peuple et tendait à la satisfaction du plus grand nombre.

рус.XXXI. La meilleure garantie du dévouement de Livius au peuple et de sa justice était que, visiblement, il ne faisait aucune proposition qui le concernât ou fût dans son intérêt. En effet, il envoya dans les colonies d"autres fondateurs que lui, et ne se mêla jamais au maniement de l"argent, alors que Caius s"attribuait la plupart et les plus importantes des missions.

рус.Mais Rubrius, un des collègues de Caius, ayant fait voter la reconstruction de Carthage, détruite par Scipion, Caius, désigné par le sort pour y procéder, s"embarqua pour l"Afrique. En son absence Drusus redoubla ses attaques contre lui, et il cherchait à gagner le peuple et à le séduire, surtout en faisant campagne contre Fulvius. Ce Fulvius était un ami de Caius et l"un des commissaires choisis avec lui pour le partage des terres.

рус.Mais il était turbulent, ouvertement hai du Sénat, et même suspect au parti opposé, qui l"accusait de favoriser les alliés et d"exciter secrètement les Italiens à la sécession. Ces soupçons ne s"appuyaient ni sur une preuve tangible, ni même sur une présomption ; mais la conduite de Fulvius les accréditait, n"étant ni raisonnable, ni pacifique.

рус.C"est surtout cette liaison qui ruina la position de Caius, car il fut enveloppé dans la haine que l"on portait à Fulvius. Et lorsque Scipion l"Africain mourut sans aucune cause visible, mais que l"on crut entrevoir sur son corps des traces de coups et des indices de violences, comme je l"ai écrit dans sa Vie, on incrimina surtout Fulvius, qui était son ennemi et qui, ce jour-là même, l"avait insulté du haut de la tribune ; mais le soupçon s"étendit à Caius.

рус.Un attentat si terrible et si audacieux contre un homme qui était le premier et le plus grand des Romains ne fut pourtant pas poursuivi en justice, et il n"y eut pas d"enquête ; car les gens du peuple s"y opposaient et ils empêchèrent toute procédure, craignant que Caius ne fût compromis dans ce meurtre. Mais ces faits sont antérieurs à ceux que nous rapportons [47] .

рус.XXXII. Mais en Afrique, lors de la colonisation de Carthage, que Caius appela Junonia, bien des empêchements, dit-on, vinrent de la divinité. La première enseigne [des troupes qui participaient à la cérémonie] fut arrachée par le vent à son porteur, qui, en s"y accrochant avec force, n"arriva qu"à la faire mettre en pièces. Les entrailles des victimes placées sur les autels furent dispersées par une tempête et jetées hors des palissades qui délimitaient la ville nouvelle ; et ces palissades elles-mêmes furent arrachées par des loups, qui survinrent tout à coup et les emportèrent au loin. Cependant Caius régla et organisa tout en soixante-dix jours exactement ; puis il revint à Rome en apprenant que Fulvius était tourmenté par Drusus et que la situation exigeait sa présence.

рус.Car Lucius Opimius [48] , homme du parti oligarchique et influent au Sénat, avait auparavant échoué dans sa candidature au consulat, en raison de l"appui donné par Caius à Fannius, qui l"emporta. Mais alors, comme beaucoup de gens le soutenaient, on s"attendait qu"il serait élu consul et qu"une fois en place il abattrait Caius, dont l"influence diminuait déjà parce que le peuple était rassasié des lois populaires à cause du grand nombre des orateurs qui lui faisaient la cour et dont le Sénat acceptait volontiers les propositions.

рус.XXXIII. A son retour, Caius commença par déménager du Palatin pour aller loger au-dessus du Forum, jugeant plus démocratique d"habiter un quartier où résidaient en très grand nombre les gens de basse condition et les pauvres. Ensuite il exposa le reste de ses projets de lois, dans l"intention de les faire voter. Mais, comme la foule l"entourait de tous les côtés, le Sénat décida le consul Fannius à chasser absolument tous autres que les Romains.

рус.Après la publication de cette décision extraordinaire et étrange, qui interdisait à tout allié et à tout ami de Rome de se trouver dans la Ville au cours de ces journées de discussion, Caius fit, à son tour, afficher un manifeste pour protester contre l"ordonnance du consul et promettre son appui aux alliés, s"ils tenaient bon.

рус.Cependant il ne les soutint pas, au contraire ; car, voyant un de ses hôtes et de ses familiers entraîné par les licteurs de Fannius, il passa outre sans lui prêter main-forte, soit qu"il craignît de montrer déjà le déclin de sa puissance, soit, comme il le disait, qu"il ne voulût pas donner à ses ennemis le prétexte d"échauffourées et de mêlées sanglantes qu"ils cherchaient.

рус.Il lui arriva pourtant d"être en désaccord même avec ses collègues pour la raison que je vais dire. Le peuple devait assister à des combats de gladiateurs sur le Forum, et la plupart des magistrats avaient fait élever autour de cette place des estrades qu"ils louaient. Caius leur ordonna de les démolir, pour que les pauvres pussent, de l"emplacement, voir le spectacle sans payer ; et, comme personne ne faisait attention à cet ordre, il attendit la nuit qui précédait les jeux ; et, prenant avec lui tous les ouvriers dont il pouvait disposer, il démolit les estrades. Il put ainsi, le lendemain, montrer au peuple le Forum libre.

рус.Cet incident fit penser à la masse que Caius était un homme, mais ses collègues en furent contrariés et le jugèrent insolent et violent. C"est aussi, semble-t-il, le motif qui lui fit manquer sa troisième élection au tribunat ; car il avait eu, dit-on, la majorité ; mais ses collègues falsifièrent malhonnêtement le scrutin et proclamèrent un résultat inexact. Ce détail est d"ailleurs contesté. En tout cas, il supporta son échec de mauvaise grâce, et, voyant ses ennemis en rire, il leur lança, dit-on, cette apostrophe plus insolente que de raison : " Vous riez d"un rire sardonique, ignorant les ténèbres où vous ont plongés mes lois ! "

рус.XXXIV. Toutefois comme ses ennemis, qui avaient fait nommer consul Opimius, abrogeaient plusieurs des lois de Caius et remettaient en question les mesures prises pour la colonie de Carthage, provocations qui, en suscitant sa colère, devaient leur fournir un prétexte pour le tuer, il patienta dans les premiers temps. Mais, excité par ses amis et surtout par Fulvius, il reprit son activité pour créer une opposition au consul.

рус.On dit même que sa mère s"associa à ce projet de guerre civile en soudoyant secrètement à l"étranger des hommes qu"elle expédia à Rome, déguisés en moissonneurs. Cette indication serait donnée à mots couverts, assure-t-on, dans ses billets à son fils. D"autres historiens soutiennent, au contraire, que Cornélie fut extrêmement mécontente des manoeuvres de Caius.

рус.Le jour où Opimius devait casser les lois de Caius, le Capitole était, depuis le lever du jour, occupé par les deux partis. Quand le consul eut sacrifié, l"un de ses licteurs, Quintus Antyllius, qui portait en un autre endroit les entrailles des victimes, dit à Fulvius et à ses amis : " Faites place aux honnêtes gens, mauvais citoyens ! "

рус.Quelques-uns affirment qu"en parlant de la sorte il étendit son bras nu, comme pour faire un geste offensant. En tout cas Antyllius mourut là tout de suite, transpercé de grands stylets, qui, dit-on, avaient été faits exprès pour cela. Le peuple fut bouleversé de ce meurtre ; mais les chefs de partis en étaient affectés diversement. Car Caius était mécontent et disait du mal de ses partisans, qui fournissaient contre eux le prétexte depuis longtemps désiré par leurs ennemis ; mais Opimius, tenant enfin cette occasion de troubles, était fou de joie, et excitait le peuple à la vengeance.

рус.XXXV. Sur le moment survint une pluie qui dispersa tout le monde. Mais le lendemain, au point du jour, le consul assembla le Sénat ; et, tandis qu"il expédiait les affaires courantes à l"intérieur de la curie, des individus qui avaient placé le corps nu d"Antyllius sur un lit le promenèrent sur tout le Forum pour le déposer à dessein devant le Sénat, en poussant des gémissements et des lamentations. Opimius comprenait fort bien cette mise en scène, mais il affectait de s"en étonner, de sorte que les sénateurs finirent même par aller aux renseignements.

рус.Voyant le lit funèbre exposé en plein Forum, ils poussaient des cris d"indignation comme peut en arracher une grande et terrible catastrophe. Mais les gens du peuple, au contraire, sentaient redoubler leur haine et leur désir de représailles contre les oligarques. Ces privilégiés n"avaient-ils pas eux-mêmes assassiné au Capitole Tibérius Gracchus, tribun de la plèbe en exercice, et jeté son corps au Tibre ? Et maintenant le licteur Antyllius, victime peut-être d"un excès de rigueur, mais qui, par son impudence, avait, tout le premier, appelé la mort, on l"exposait sur le Forum, entouré du Sénat romain en larmes ! L"auguste assemblée accompagnait en pleurant le convoi d"un mercenaire, et cette démonstration ne tendait qu"à faire disparaître le seul défenseur du peuple qui subsistât encore l

рус.Là-dessus les sénateurs revinrent à la curie et votèrent un sénatus-consulte qui prescrivait au consul Opimius de sauver l"Etat par tous les moyens possibles et de renverser les tyrans [49] . Ce magistrat ordonna aussitôt aux sénateurs de prendre les armes et fit avertir chacun des chevaliers d"amener, au point du jour, deux esclaves armés. Fulvius fit, de son côté, ses préparatifs et rassembla une masse d"opposants. Quant à Caius, en revenant du Forum, il s"arrêta devant la statue de son père, et, après avoir jeté sur elle un long regard, sans rien dire, il se mit à pleurer et à soupirer ; puis il s"en alla.

рус.Cette attitude inspira de la pitié pour lui à beaucoup de ceux qui en furent témoins ; et, se reprochant d"avoir abandonné et trahi ce grand homme, ils l"escortèrent et veillèrent toute la nuit aux portes de sa maison, bien autrement que ceux qui gardaient Fulvius ; car ceux-là passèrent leur temps, dans le fracas des applaudissements et des cris de joie, à faire et à prendre des airs provocants. Fulvius lui-même fut le premier à s"enivrer ; il dit et fit bien des grossièretés qui n"étaient pas de son âge. Au contraire les amis de Caius, sachant que le malheur du grand homme était commun à toute la patrie, se tenaient tranquilles et s"efforçaient de parer à l"avenir ; ils montaient la garde et se reposaient à tour de rôle.

рус.XXXVI. Au point du jour, on eut peine à éveiller Fulvius du sommeil de l"ivresse, et ses amis empruntèrent des armes aux panoplies qu"il avait dans sa maison, et qui provenaient de sa victoire sur les Gaulois lors de son consulat ; puis, en poussant bien des cris menaçants, ils se mirent en marche pour occuper le mont Aventin. Caius ne consentit pas à s"armer ; il s"avançait, comme pour ses tournées habituelles au Forum, en toge, n"ayant qu"un petit poignard à la ceinture. Comme il sortait de chez lui, sa femme tomba à ses genoux devant la porte ; et, mettant un bras autour de lui, tandis qu"elle tenait de l"autre leur petit enfant, elle lui dit :

рус." Tu ne me quittes pas, Caius, pour monter à la tribune, comme autrefois, en tribun et en législateur, ni pour affronter une grande guerre à l"issue de laquelle tu me laisserais du moins, s"il t"arrivait un des accidents communs à l"humanité, un deuil honorable. Non ! tu vas t"exposer toi-même aux coups des assassins de Tibérius ; et tu as eu la générosité de te désarmer, pour souffrir plutôt que pour agir. Tu te perdras sans aucun avantage pour l"Etat. Déjà le parti du pire est maître de la situation ; c"est par la violence et le fer qu"on règle les procès.

рус.Si ton frère était tombé à Numance, une trêve nous aurait rendu son cadavre ; mais à présent peut-être, moi aussi, devrai-je me faire la suppliante d"un fleuve ou de la mer, pour entrevoir ton corps, jusque-là gardé par les flots. Car quelle confiance avoir encore dans les lois ou dans les dieux, après le meurtre de Tibérius ? " Malgré ces gémissements de Licinnia, Caius s"arracha doucement à son étreinte et partit en silence avec ses amis. Elle, en s"efforçant de le retenir par un pan de sa toge, se laissa glisser sur le seuil, où elle resta longtemps étendue sans rien dire, jusqu"au moment où, la voyant évanouie, ses serviteurs la relevèrent et la portèrent chez son frère Crassus.

рус.XXXVII. Fulvius, quand tous ses, partisans furent groupés, se laissa persuader par Caius d"envoyer sur le Forum le plus jeune de ses fils, porteur d"un caducée [50] . Cet adolescent était fort beau ; et il avait alors une contenance particulièrement correcte et respectueuse. Les larmes aux yeux, il fit des propositions conciliantes au consul et au Sénat. Aussi la plupart des assistants étaient-ils disposés à une entente.

рус.Mais Opimius déclara qu"il ne fallait pas chercher à convaincre le Sénat par personnes interposées et que les citoyens considérés comme coupables devaient descendre pour se livrer à la justice, seul moyen de fléchir la colère de l"autorité ; quant à l"enfant, il lui ordonna de ne revenir que pour accepter ces exigences, sinon, non. Dans ces conditions Caius, à ce qu"on affirme, voulait y aller et chercher à convaincre le Sénat ; mais aucun de ses amis n"étant de cet avis, Fulvius renvoya son fils pour faire en leur nom des propositions pareilles aux précédentes.

рус.Mais Opimius, pressé d"engager le combat, fit aussitôt arrêter le jeune garçon, qu"il mit sous bonne garde, et marcha sur les hommes de Fulvius avec beaucoup de fantassins et d"archers crétois, qui, à force de tirer sur eux et d"en blesser, les dispersèrent.

рус.Après la défaite, Fulvius se réfugia dans un bain public abandonné, où, découvert peu après, il fut égorgé avec son fils aîné. Quant à Caius, personne ne le vit combattre. Affligé de ce qui se passait, il se retira dans le temple de Diane ; et là, comme il voulait se tuer, il en fut empêché par ses amis les plus fidèles, Pomponius et Licinnius, qui, se trouvant là, lui prirent son poignard et le déterminèrent à s"enfuir encore.

рус.On dit qu"alors il s"agenouilla et, tendant les mains vers la déesse, la pria de maintenir le peuple romain dans une servitude perpétuelle en punition de son ingratitude et de sa trahison ; car la plupart des citoyens avaient ostensiblement changé de parti après la proclamation de l"amnistie [51] .

рус.XXXVIII. Dans sa fuite, Caius fut rejoint par ses ennemis, qui l"atteignirent près du pont de bois. Ses deux amis le forcèrent à prendre les devants ; eux-mêmes tinrent tête aux hommes lancés à sa poursuite, et, combattant devant le pont, ne laissèrent passer personne jusqu"au moment où eux-mêmes tombèrent morts. Avec Caius fuyait un seul de ses esclaves, du nom de Philocrate ; car tous les autres l"encourageaient, comme dans une compétition ; mais nul ne le secourait, ni n"avait voulu lui fournir le cheval qu"il demandait ; car les ennemis le talonnaient.

рус.Il les gagna pourtant de vitesse et se réfugia dans un petit bois consacré aux Furies, où il mourut, Philocrate l"ayant tué avant de s"égorger lui-même. Pourtant, à ce qu"affirment quelques-uns, tous deux furent pris vivants par les ennemis ; mais le serviteur étreignait si fortement son maître que nul ne put frapper Caius avant que Philocrate n"eût succombé à de nombreux coups.

рус.La tête de Caius, dit-on, fut coupée et emportée par un homme à qui la prit un ami d"Opimius, Septumuléius. Car on avait proclamé, au début du combat, que la tête de Caius et celle de Fulvius seraient payées leur pesant d"or à ceux qui les apporteraient. Septumuléius apporta donc à Opimius la tête de Caius au bout d"une pique. On prit une balance, et on constata qu"elle pesait dix-sept livres et demie [52] , Septumuléius ayant aggravé son crime par une autre scélératesse ; car il avait ôté la cervelle pour couler à la place du plomb fondu.

рус.Mais ceux qui remirent au consul la tête de Fulvius étaient de la catégorie des gens obscurs ; ils ne reçurent rien. Les corps de Caius, de Fulvius et de leurs amis furent jetés au fleuve : on en avait tué trois mille. Leurs fortunes furent confisquées au profit de l"Etat. On défendit à leurs femmes de porter le deuil, et celle de Caius, Licinnia, perdit même sa dot. Mais la pire cruauté fut exercée sur le plus jeune fils de Fulvius, qui n"avait pas pris les armes, ni figuré parmi les combattants ; au contraire, il était venu négocier. On l"arrêta avant le combat et on le tua quand ce fut fini.

рус.Cependant ce qui exaspéra la masse plus encore que ce crime et tous les autres, ce fut l"édification par Opimius d"un temple à la Concorde ; car il paraissait ainsi se vanter et s"enorgueillir de tous ces assassinats de citoyens et s"en faire, en quelque sorte, un sujet de triomphe. Aussi, la nuit après la dédicace du sanctuaire, des inconnus écrivirent sous l"inscription ce vers : " La discorde élève un temple à la Concorde. "

рус.XXXIX. Opimius fut le premier qui, dans l"exercice du consulat, jouit du pouvoir dictatorial. Il fit mourir sans jugement, avec trois mille autres citoyens, Caius Gracchus et Fulvius Flaccus, celui-ci, personnage consulaire, honoré du triomphe ; celui-là, le premier des hommes de son âge en mérite et en gloire. Cependant il ne s"abstint pas de malversation ; au contraire, envoyé comme ambassadeur à Jugurtha le Numide, il se laissa corrompre à prix d"argent [53] et, frappé de la condamnation la plus infamante pour péculat, il vieillit dans la dégradation civique, hai et méprisé du peuple, qui, sur le moment, avait été lâche et abattu, mais qui, peu après, montra quel regret et quelle nostalgie lui inspirait la mort des Gracques.

рус.On leur éleva des statues qui furent exposées en public, on consacra les lieux où ils avaient été assassinés, on y allait en toute saison porter les prémices des fruits ; beaucoup même y sacrifiaient chaque jour et se prosternaient, comme s"ils allaient en pèlerinage aux temples des dieux.

рус.XL. Il faut ajouter que Cornélie, dit-on, supporta son malheur avec noblesse et grandeur d"âme. Elle dit en particulier, à propos des temples élevés sur les lieux de leur mort : " Les morts ont les tombeaux qu"ils méritent ! " Elle séjournait à Misène, sans rien changer à son train de vie. Elle avait beaucoup d"amis, et, aimant à recevoir, tenait table ouverte. Elle était toujours entourée de Grecs et de lettrés ; tous les Rois recevaient d"elle des présents et lui en envoyaient.

рус.Elle était très affable pour ceux qui venaient la voir, et leur racontait l"histoire et le genre de vie de son père l"Africain. Mais elle se montrait surtout admirable en rapportant sans marquer de tristesse et sans pleurer les malheurs et les actes de ses fils, comme si elle eût instruit ses auditeurs de la carrière de héros anciens. Aussi quelques-uns crurent-ils qu"elle avait perdu l"esprit par suite de sa vieillesse ou de la grandeur de ses maux et que ses malheurs lui ôtaient le sens.

рус.Mais c"étaient eux-mêmes qui, en réalité, manquaient de sens, ignorant combien une heureuse nature, une naissance et une éducation honnêtes aident les hommes à oublier leurs chagrins, et que, si la fortune a souvent le dessus sur la vertu qui cherche à se garder du mal, elle ne lui ôte pas l"avantage d"une résignation réfléchie dans les échecs. [1] Il s"agit probablement de Ptolémée VI Philométor, qui régna sur l"Egypte de 181 à 146 av. J.-C. Il avait fait en 164 une visite officielle à Rome, pour obtenir l"appui du Sénat contre son frère rebelle Evergète II. Il fut rétabli sur son trône et régna sous la protection des Romains. La demande en mariage n"allait peut-être pas sans arrière-pensée politique. [2] Elle s"appelait Sempronia. [3] Scipion Emilien, le second Africain. [4] Expression inexacte, puisque Cornélie survécut aux Gracques. Mais Plutarque entend par veuvage la période où Cornélie exerce une sorte de tutelle officieuse sur ses enfants, qui, légalement, ne dépendent pas d"elle : les moeurs ont corrigé les lois. [5] Castor était fameux comme cavalier ; et Pollux, comme lutteur. [6] Marcus Livius Drusus, tribun de la plèbe avec Caius Gracchus en 122 av. J.-C. et consul en 111. Partisan de l"aristocratie, il voulait cependant des réformes, mais sans révolution et hors de toute démagogie. [7] Probablement des tables dont les pieds avaient la forme de queues de dauphins. [8] Environ 1.100 francs-or [1950]. [9] 327 grammes. [10] Sur le dernier point tout au moins, il ne semble pas, de l"avis même de Plutarque, que Caius ait valu Tibérius. [11] Le Prince du Sénat est le sénateur appelé à donner son opinion le premier. C"est d"ordinaire le plus ancien personnage consulaire ; mais les censeurs ont le droit de désigner qui ils veulent ; leur choix ne s"exerce, en réalité, que dans des limites restreintes. [12] Tibérius Gracchus avait alors vingt ans. [13] Polybe, XXXI, 27. [14] En 147 et 146 av. J.-C. Cette campagne est antérieure au mariage de Tibérius. [15] Caius Fannius, historien et gendre de Lélius, l"ami du second Africain. [16] Assez longtemps après, en 137 av. J.-C. [17] Ville de la Celtibérie, sur une colline qui dominait la vallée supérieure du Douro. C"était le réduit de la résistance nationale de l"Espagne. [18] C"est le fameux épisode des Fourches Caudines (321 av. J.-C.). Le Sénat s"était alors signalé par sa fourberie. [19] Plutarque ne se fait pas d"illusions sur l"indépendance de la justice populaire. [20] Cette guerre dura jusqu"en 133. La convention rejetée par le Sénat était de 137. [21] Un arpent romain vaut environ 25 ares. [22] Caius Laelius, ami du second Africain comme son père l"avait été du premier. Il prend la parole dans plusieurs dialogues de Cicéron. [23] Antipater de Tarse, philosophe stoicien, maître de Panaetius. Il fleurissait vers 144. [24] Cf. Euripide, Bacchantes, 317. [25] C"est là qu"était déposé le trésor public. [26] Dolon se trouve employé dans ce sens par Suétone. [27] On admet qu"une obole vaut 0,16 centimes-or. [28] Publius Cornelius Scipio Nasica Serapio, fils et petit-fils d"illustres jurisconsultes, et grand pontife comme son père. [29] Attale III Philométor, Roi de Pergame de 138 à 133, date de sa mort. Il avait institué le peuple romain son héritier. [30] Quintus Pompeius, consul en 142. [31] Cette précaution, de la part de Tibérius, ne s"expliquait que trop. [32] Afin de pourvoir à sa sûreté. Redevenu simple citoyen, il risquait des poursuites. [33] Le vote des nouvelles lois, traduisent certains interprètes. Il me paraît plus probable qu"il s"agit de l"élection au tribunat. [34] Une partie du peuple était retenue par la moisson. [35] L"appétit des poulets sacrés était un bon présage ; leur manque d"appétit, un présage contraire. [36] Mucius, client de Tib. Gracchus. [37] Aristonicos ( ?-129 av. J.-C.) fils naturel d"Eumène II, Roi de Pergame. Revendiqua le trône à la mort de son frère Attale III en 133, mais fut finalement vaincu par les Romains. [38] Decimus Junius Brutus, consul en 138 av. J.-C., vainqueur des Lusitaniens (Portugais) en 137. [39] Odyssée, 1, 47. [40] Ouvrage perdu. [41] De Divinatione, 1, 56. [42] Micipsa, fils aîné de Masinissa et Roi de Numidie de 148 à 118 av. J.-C. [43] Frégelles, ville volsque, se souleva en 193 av. J.-C. Elle fut prise et rasée par le préteur Opimius. [44] Pour l"année 123. [45] Le lieu des élections. [46] Environ 1.500 mètres. [47] Scipion Emilien, le second Africain, était mort en 129 av. J.-C. [48] Lucius Opimius, consul en 121 av. J.-C. [49] C"est la fameuse formule : Camant consules..., qui évitait de nommer un dictateur et permit plus tard à Cicéron d"en finir avec le parti de Catilina. [50] En signe de paix. [51] Il n"a pas encore été question de cette amnistie, qui visait évidemment les transfuges du parti populaire. [52] Une livre romaine vaut 327 grammes. [53] Cf. Salluste, Jugurtha, XVI.

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en.1. Закончив первое повествование, обратимся теперь к не менее тягостным бедствиям римской четы, которую будем сравнивать со спартанской, - к жизни Тиберия и Гая. Они были сыновья Тиберия Гракха - цензора, дважды консула и дважды триумфатора1, но не эти почести, а нравственная высота были главным источником его славы и достоинства. Именно поэтому он удостоился чести после смерти Сципиона, одержавшего победу над Ганнибалом, стать мужем его дочери Корнелии, хотя и не был другом Сципиона, а скорее его противником.

en.Однажды, как сообщают, он нашел у себя на постели пару змей, и прорицатели, поразмыслив над этим знамением, объявили, что нельзя ни убивать, ни отпускать обеих сразу: если убить самца, умрет Тиберий, если самку - Корнелия. Любя жену и считая, вдобавок, что справедливее первым умереть старшему (Корнелия была еще молода), Тиберий самца убил, а самку выпустил на волю.

en.Вскоре после этого он умер, оставив от брака с Корнелией двенадцать душ детей. Корнелия приняла на себя все заботы о доме и обнаружила столько благородства, здравого смысла и любви к детям, что, казалось, Тиберий сделал прекрасный выбор, решив умереть вместо такой супруги, которая отвергла сватовство Птолемея2, желавшего разделить с нею царский венец, но осталась вдовой и, потерявши всех детей, кроме троих, дочь выдала замуж за Сципиона Младшего, а двух сыновей, Тиберия и Гая, чья жизнь описана нами здесь, растила с таким честолюбивым усердием, что они, - бесспорно, самые даровитые среди римлян, - своими прекрасными качествами больше, по-видимому, были обязаны воспитанию, чем природе.

en.2. Точно так же, как статуи и картины, изображающие Диоскуров3, наряду с подобием передают и некоторое несходство во внешности кулачного бойца по сравнению с наездником, так и эти юноши, одинаково храбрые, воздержные, бескорыстные, красноречивые, великодушные, в поступках своих и делах правления обнаружили с полной ясностью немалые различия, о чем мне кажется нелишним сказать в самом начале.

en.Во-первых, выражение лица, взгляд и жесты у Тиберия были мягче, сдержаннее, у Гая резче и горячее, так что, и выступая с речами, Тиберий скромно стоял на месте, а Гай первым среди римлян стал во время речи расхаживать по ораторскому возвышению и срывать с плеча тогу4, - как афинянин Клеон, насколько можно судить по сообщениям писателей, был вообще первым, кто, выступая перед народом, сорвал с себя плащ и хлопнул себя по бедру.

en.Далее, Гай говорил грозно, страстно и зажигательно, а речь Тиберия радовала слух и легко вызывала сострадание. Наконец, слог у Тиберия был чистый и старательно отделанный, у Гая - захватывающий и пышный. Так же различались они и образом жизни в целом: Тиберий жил просто и скромно, Гай в сравнении с остальными казался воздержным и суровым, но рядом с братом - легкомысленным и расточительным, в чем и упрекал его Друз, когда он купил серебряных дельфинов, заплатив по тысяче двести драхм за каждый фунт веса.

en.Несходству в речах отвечало и несходство нрава: один был снисходителен и мягок, другой колюч и вспыльчив настолько, что нередко во время речи терял над собою власть и, весь отдавшись гневу, начинал кричать, сыпать бранью, так что, в конце концов, сбивался и умолкал.

en.Чтобы избавиться от этой напасти, он прибег к услугам смышленого раба Лициния. Взяв в руки инструмент, который употребляют учителя пения5, Лициний, всякий раз когда Гай выступал, становился позади и, замечая, что он повысил голос и уже готов вспыхнуть, брал тихий и нежный звук; откликаясь на него, Гай тут же убавлял силу и чувства и голоса, приходил в себя и успокаивался.

en.3. Таковы были различия между братьями, что же касается отваги перед лицом неприятеля, справедливости к подчиненным, ревности к службе, умеренности в наслаждениях... [Текст в оригинале испорчен.] они не расходились нисколько.

en.Тиберий был старше девятью годами, поэтому они выступили порознь на государственном поприще, что нанесло огромный ущерб их делу, ибо в разное время достиг каждый из них своей вершины и слить силы воедино они не могли. А такая совместная сила была бы громадной и неодолимой. Вот почему я должен говорить о каждом в отдельности, и сперва - о старшем.

en.4. Едва выйдя из детского возраста, Тиберий стяжал известность столь громкую, что был удостоен жреческого сана и включен в число так называемых авгуров6 - скорее за свои безупречные качества, нежели по благородству происхождения.

en.Одно из доказательств этому дал Аппий Клавдий, бывший консул и цензор, внесенный первым в список римских сенаторов и величием духа намного превосходивший всех своих современников. Однажды, за общею трапезою жрецов7, он дружески заговорил с Тиберием и сам предложил ему в жены свою дочь. Тот с радостью согласился; таким образом обручение состоялось, и Аппий, придя домой, еще с порога громко крикнул жене: "Послушай, Антистия, я просватал нашу Клавдию!"

en.Та в изумлении отвечала: "К чему такая поспешность? Уж не Тиберия ли Гракха ты нашел ей в женихи?" Я отлично знаю, что некоторые писатели относят эту историю к отцу Гракхов и к Сципиону Африканскому, но большинство излагает ее так же, как мы здесь, а Полибий прямо говорит8, что после смерти Сципиона Африканского его родичи из всех женихов выбрали для Корнелии Тиберия, ибо отец не успел ни выдать ее замуж, ни просватать.

en.Младший Тиберий воевал в Африке под начальством второго Сципиона, который был женат на его сестре, и, так как жил с полководцем в одной палатке, скоро узнал его нрав, обнаруживавший многие черты неподдельного величия и тем побуждавший других соревноваться с ним в доблести и подражать его поступкам.

en.Скоро Тиберий превзошел всех молодых храбростью и умением повиноваться. Фанний сообщает, что во время приступа Тиберий поднялся на стену первым, и добавляет, что сам он был рядом с Тиберием и разделил с ним славу этого подвига. Находясь в лагере, Тиберий пользовался горячей любовью воинов, а уехав, оставил по себе добрую память и сожаления.

en.5. После этого похода он был избран квестором, и ему выпал жребий воевать с нумантинцами под командованием консула Гая Манцина, человека в общем не плохого, но между всеми римскими военачальниками самого злополучного.

en.Среди необычайных несчастий и на редкость тягостных обстоятельств особенно ярко просияли и острый ум, и отвага Тиберия, и - что было всего замечательнее - его глубокое уважение к начальнику, который под бременем обрушившихся на него бедствий уже и сам не знал, полководец он или нет.

en.Разбитый в нескольких больших сражениях, Манцин попытался ночью бросить лагерь и уйти из-под городских стен, но нумантинцы, проведав об этом, и лагерь немедленно захватили, и бросились в погоню за беглецами.

en.Истребляя замыкающих, они окружили все римское войско и принялись оттеснять его к таким местам, откуда выбраться было уже невозможно, и Манцин, отказавшись от надежды пробиться, отправил к неприятелю посланца с просьбой о перемирии и прекращении военных действий.

en.Нумантинцы ответили, что не питают доверия ни к кому из римлян, кроме Тиберия, и потребовали, чтобы консул прислал его. Условие это они выдвинули не только из уважения к молодому человеку, о котором много говорили в войске, но и храня память об его отце, Тиберии, который, завершив войну в Испании и покоривши множество народов, с нумантинцами заключил мир и всегда старался, чтобы римский народ твердо и нерушимо его хранил.

en.Итак, послом был отправлен Тиберий и, кое в чем заставив врага уступить, кое в чем уступивши сам, завершил переговоры перемирием и спас от верной смерти двадцать тысяч римских граждан, не считая рабов и нестроевых.

en.6. Все захваченное в лагере имущество нумантинцы разграбили. В их руки попали и таблички с записями и расчетами Тиберия, которые он вел, исполняя свою должность, и так как для него было чрезвычайно важно вернуть эти записи, он с тремя или четырьмя провожатыми снова явился к воротам Нуманции, когда войско ушло уже далеко вперед.

en.Вызвав тех, кто стоял во главе города, он просил разыскать и принести ему таблички, потому что иначе он не сможет отчитаться в своем управлении и даст своим врагам в Риме повод его оклеветать.

en.Нумантинцы были рады случаю оказать ему услугу и приглашали его войти в город; меж тем как он медлил в раздумии, они подошли ближе, взяли его за руки и горячо просили не считать их больше врагами, но дать полную веру их дружеским чувствам. Желая получить таблички и, вместе с тем, боясь озлобить нумантинцев недоверием, Тиберий решил уступить.

en.Когда он вошел в город, граждане первым делом приготовили завтрак и хотели, чтобы он непременно с ними поел, потом возвратили таблички и предлагали взять все, что он пожелает, из имущества. Он не взял ничего, кроме ладана, который был ему нужен для общественных жертвоприношений, и, сердечно распрощавшись с нумантинцами, пустился догонять своих.

en.7. Но когда он вернулся в Рим, действия в Испании были признаны страшным позором для римлян и подверглись резким порицаниям. Родственники и друзья воинов, то есть немалая часть народа, собираясь вокруг Тиберия, кричали, что весь срам целиком падает на полководца, между тем как Гракх спас от смерти столько граждан.

en.Те, кто более других был возмущен случившимся, предлагали последовать примеру предков, которые, когда римские военачальники согласились принять постыдное освобождение из рук самнитов, выдали врагам и самих полководцев, безоружными и нагими, и всех причастных к перемирию и способствовавших ему, как, например, квесторов и военных трибунов, чтобы на них обратить вину за клятвопреступление и измену договору9.

en.Вот тут-то народ и обнаружил с полною ясностью свою любовь к Тиберию: консула, нагого и в цепях, римляне постановили отправить к нумантинцам, а всех остальных пощадили ради Тиберия.

en.Не обошлось, по-видимому, и без помощи Сципиона, обладавшего тогда в Риме огромною силой. И все же Сципиона осуждали, за то что он не спас Манцина и не настаивал на утверждении перемирия с нумантинцами, заключенного усилиями Тиберия, его родича и друга. Однако главною причиною разлада между Сципионом и Тиберием было, скорее всего, честолюбие обоих и подстрекательство со стороны друзей Тиберия и софистов.

en.До открытой и непримиримой вражды дело, впрочем, не дошло, и мне кажется даже, что с Тиберием никогда не случилось бы непоправимого несчастья, если бы в пору его выступления на государственном поприще рядом с ним находился Сципион Африканский. Но Сципион был уже под Нуманцией и вел войну, когда Тиберий начал предлагать новые законы - и вот по каким причинам.

en.8. Земли, отторгнутые в войнах у соседей, римляне частью продавали, а частью, обратив в общественное достояние, делили между нуждающимися и неимущими гражданами, которые платили за это казне умеренные подати. Но богачи стали предлагать казне большую подать и таким образом вытесняли бедняков, и тогда был издан закон, запрещающий владеть более, чем пятьюстами югеров10.

en.Сперва этот указ обуздал алчность и помог бедным остаться на земле, отданной им внаем, так что каждый продолжал возделывать тот участок, который держал с самого начала.

en.Но затем богачи исхитрились прибирать к рукам соседние участки через подставных лиц, а под конец уже и открыто завладели почти всею землей, так что согнанные с насиженных мест бедняки и в войско шли без всякой охоты, и к воспитанию детей проявляли полное равнодушие, и вскорости вся Италия ощутила нехватку в свободном населении, зато все росло число рабских темниц11: они были полны варваров, которые обрабатывали землю, отобранную богачами у своих сограждан.

en.Делу пытался помочь еще Гай Лелий, друг Сципиона, но, натолкнувшись на жестокое сопротивление могущественных граждан и боясь беспорядков, оставил свое намерение, за что и получил прозвище Мудрого или Рассудительного: слово "сапиенс" [sapiens], по-видимому, употребляется в обоих этих значениях.

en.Избранный в народные трибуны, Тиберий немедленно взялся за ту же задачу, как утверждает большинство писателей - по совету и внушению оратора Диофана и философа Блоссия. Первый был митиленским изгнанником, а второй - уроженцем самой Италии, выходцем из Кум; в Риме он близко сошелся с Антипатром Тарсским, и тот даже посвящал ему свои философские сочинения.

en.Некоторые возлагают долю вины и на Корнелию, которая часто корила сыновей тем, что римляне все еще зовут ее тещею Сципиона, а не матерью Гракхов. Третьи невольным виновником всего называют некоего Спурия Постумия, сверстника Тиберия и его соперника в славе первого судебного оратора: возвратившись из похода и увидев, что Спурий намного опередил его славою и силой и служит предметом всеобщего восхищения, Тиберий, сколько можно судить, загорелся желанием, в свою очередь, оставить его позади, сделав смелый, и даже опасный, но многое сулящий ход.

en.А брат его Гай в одной из книг пишет, что Тиберий, держа путь в Нуманцию, проезжал через Этрурию и видел запустение земли, видел, что и пахари и пастухи - сплошь варвары, рабы из чужих краев, и тогда впервые ему пришел на ум замысел, ставший впоследствии для обоих братьев источником неисчислимых бед.

en.Впрочем, всего больше разжег его решимость и честолюбие сам народ, исписывая колонны портиков, памятники и стены домов призывами к Тиберию вернуть общественную землю беднякам.

en.9. Тем не менее он составил свой закон не один, но обратился за советом к самым достойным и видным из граждан. Среди них были верховный жрец Красс, законовед Муций Сцевола, занимавший в ту пору должность консула, и тесть Тиберия Аппий Клавдий.

en.И, мне кажется, никогда против такой страшной несправедливости и такой алчности не предлагали закона снисходительнее и мягче!12 Тем, кто заслуживал суровой кары за самоволие, кто бы должен был уплатить штраф и немедленно расстаться с землею, которою пользовался в нарушение законов, - этим людям предлагалось, получив возмещение, уйти с полей, приобретенных вопреки справедливости, и уступить их гражданам, нуждающимся в помощи и поддержке.

en.При всей мягкости и сдержанности этой меры народ, готовый забыть о прошлом, радовался, что впредь беззакониям настанет конец, но богатым и имущим своекорыстие внушало ненависть к самому закону, а гнев и упорство - к законодателю, и они принялись убеждать народ отвергнуть предложения Тиберия, твердя, будто передел земли - только средство, настоящая же цель Гракха - смута в государстве и полный переворот существующих порядков.

en.Но они ничего не достигли, ибо Тиберий отстаивал это прекрасное и справедливое начинание с красноречием, способным возвысить даже предметы, далеко не столь благородные, и был грозен, был неодолим, когда, взойдя на ораторское возвышение, окруженное народом, говорил о страданиях бедняков примерно так: дикие звери, населяющие Италию, имеют норы, у каждого есть свое место и свое пристанище, а у тех, кто сражается и умирает за Италию, нет ничего, кроме воздуха и света, бездомными скитальцами бродят они по стране вместе с женами и детьми, а полководцы лгут, когда перед битвой призывают воинов защищать от врага родные могилы и святыни, ибо ни у кого из такого множества римлян не осталось отчего алтаря, никто не покажет, где могильный холм его предков, нет! - и воюют и умирают они за чужую роскошь и богатство, эти "владыки вселенной", как их называют, которые ни единого комка земли не могут назвать своим!

en.10. На такие речи, подсказанные величием духа и подлинной страстью и обращенные к народу, который приходил в неистовое возбуждение, никто из противников возражать не решался. Итак, откинув мысль о спорах, они обращаются к Марку Октавию, одному из народных трибунов, молодому человеку степенного и скромного нрава.

en.Он был близким товарищем Тиберия и, стыдясь предать друга, сначала отклонял все предложения, которые ему делались, но, в конце концов, сломленный неотступными просьбами многих влиятельных граждан, как бы вопреки собственной воле выступил против Тиберия и его закона13.

en.Среди народных трибунов сила на стороне того, кто налагает запрет, и если даже все остальные согласны друг с другом, они ничего не достигнут, пока есть хотя бы один, противящийся их суждению. Возмущенный поступком Октавия, Тиберий взял назад свой первый, более кроткий законопроект и внес новый, более приятный для народа и более суровый к нарушителям права, которым на сей раз вменялось в обязанность освободить все земли, какие когда-либо были приобретены в обход прежде изданных законов.

en.Чуть не ежедневно у Тиберия бывали схватки с Октавием на ораторском возвышении, но, хотя спорили они с величайшей горячностью и упорством, ни один из них, как сообщают, не сказал о другом ничего оскорбительного, ни один не поддался гневу, не проронил неподобающего или непристойного слова. Как видно, не только на вакхических празднествах14, но и в пламенных пререканиях добрые задатки и разумное воспитание удерживают дух от безобразных крайностей.

en.Зная, что действию закона подпадает и сам Октавий, у которого было много общественной земли, Тиберий просил его отказаться от борьбы, соглашаясь возместить ему потери за счет собственного состояния, кстати сказать - отнюдь не блестящего. Но Октавий был непреклонен, и тогда Тиберий особым указом объявил полномочия всех должностных лиц, кроме трибунов, прекращенными до тех пор, пока законопроект не пройдет голосования.

en.Он опечатал собственною печатью храм Сатурна, чтобы квесторы не могли ничего принести или вынести из казначейства15, и через глашатаев пригрозил штрафом преторам, которые окажут неповиновение, так что все в испуге прервали исполнение своих обычных дел и обязанностей.

en.Тут владельцы земель переменили одежды и стали появляться на форуме с видом жалким и подавленным, но втайне злоумышляли против Тиберия и уже приготовили убийц для покушения, так что и он, ни от кого не таясь, опоясался разбойничьим кинжалом, который называют "долоном" [dolon].

en.11. Когда настал назначенный день и Тиберий был готов призвать народ к голосованию, обнаружилось, что урны16 похищены богачами. Поднялся страшный беспорядок. Приверженцы Тиберия были достаточно многочисленны, чтобы применить насилие, и уже собирались вместе, но Манлий и Фульвий, оба бывшие консулы, бросились к Тиберию и, касаясь его рук, со слезами на глазах, молили остановиться.

en.Тиберий, и сам видя надвигающуюся беду и питая уважение к обоим этим мужам, спросил их, как они советуют ему поступить, но они отвечали, что не могут положиться на себя одних в таком деле и уговорили Тиберия предоставить все на усмотрение сената. Когда же и сенат, собравшись, ничего не решил по вине богачей, которые имели в нем большую силу, Тиберий обратился к средству и незаконному, и недостойному - не находя никакой иной возможности провести голосование, он лишил Октавия власти.

en.Но прежде, на глазах у всех, он говорил с Октавием в самом ласковом и дружеском тоне и, касаясь его рук, умолял уступить народу, который не требует ничего, кроме справедливости, и за великие труды и опасности получит лишь самое скромное вознаграждение.

en.Но Октавий снова отвечал отказом, и Тиберий заявил, что если оба они останутся в должности, облеченные одинаковой властью, но расходясь во мнениях по важнейшим вопросам, год не закончится без войны, а, стало быть, одного из них народ должен лишить полномочий - иного пути к исцелению недуга он не видит.

en.Он предложил Октавию, чтобы сперва голоса были поданы о нем, Тиберии, заверяя, что спустится с возвышения частным лицом, если так будет угодно согражданам. Когда же Октавий и тут не пожелал дать своего согласия, Тиберий, наконец, объявил, что сам устроит голосование о судьбе Октавия, если он не откажется от прежних намерений.

en.12. На этом он и распустил Собрание в тот день. А на следующий, когда народ снова заполнил площадь, Тиберий, поднявшись на возвышение, снова пытался уговаривать Октавия. Октавий был неумолим, и Тиберий предложил закон, лишающий его достоинства народного трибуна, и призвал граждан немедленно подать голоса.

en.Когда из тридцати пяти триб проголосовали уже семнадцать и не доставало лишь одного голоса, чтобы Октавий сделался частным лицом, Тиберий устроил перерыв и снова умолял Октавия, обнимал и целовал его на виду у народа, заклиная и себя не подвергать бесчестию, и на него не навлекать укоров за такой суровый и мрачный образ действий.

en.Как сообщают, Октавий не остался совершенно бесчувствен и глух к этим просьбам, но глаза его наполнились слезами, и он долго молчал. Затем, однако, он взглянул на богатых и имущих, тесною толпою стоявших в одном месте, и стыд перед ними, боязнь бесславия, которым они его покроют, перевесили, по-видимому, все сомнения - он решил мужественно вытерпеть любую беду и предложил Тиберию делать то, что он считает нужным.

en.Таким образом, закон был одобрен, и Тиберий приказал кому-то из своих вольноотпущенников стащить Октавия с возвышения. Служителями и помощниками при нем были его же отпущенники, а потому Октавий, которого насильно тащили вниз, являл собою зрелище особенно жалостное; и все же народ сразу ринулся на него, но богатые граждане подоспели на помощь и собственными руками заслонили от толпы Октавия, который насилу спасся, между тем как его верному рабу, защищавшему хозяина, вышибли оба глаза. Все случилось без ведома Тиберия - напротив, едва узнав о происходящем, он поспешил туда, где слышался шум, чтобы пресечь беспорядки.

en.13. Вслед за тем принимается закон о земле, и народ выбирает троих для размежевания и раздела полей - самого Тиберия, его тестя, Аппия Клавдия, и брата, Гая Гракха, которого в ту пору не было в Риме: под начальством Сципиона он воевал у стен Нуманции.

en.Оба эти дела Тиберий довел до конца мирно, без всякого сопротивления с чьей бы то ни было стороны, а потом поставил трибуном вместо Октавия не кого-нибудь из видных людей, а своего клиента, какого-то Муция, и могущественные граждане, возмущаясь всеми его поступками и страшась его растущей на глазах силы, старались унизить его в сенате, как только могли.

en.По заведенному обычаю, он просил выдать ему за казенный счет палатку, в которой бы он жил, занимаясь разделом земель, но получил отказ, хотя другим часто давали и при меньшей надобности, а содержания ему назначили девять оболов на день17. Зачинщиком всякий раз выступал Публий Назика, люто ненавидевший Тиберия: он владел обширными участками общественной земли и был в ярости от того, что теперь приходится с ними расставаться.

en.Это ожесточило народ еще пуще. Когда скоропостижно умер кто-то из друзей Тиберия и на трупе выступили подозрительные пятна, римляне кричали повсюду, что он отравлен, сбежались к выносу, сами подняли и понесли погребальное ложе и не отходили от костра. Подозрения их, как видно, полностью оправдались, ибо труп лопнул, и хлынуло так много смрадной жидкости, что огонь потух. Принесли еще огня, но тело все не загоралось, пока костер не сложили в другом месте, и там, после долгих хлопот, пламя наконец поглотило отравленного. Воспользовавшись этим случаем, чтобы еще сильнее озлобить и взволновать народ, Тиберий переменил одежды18, вывел на форум детей и просил всех позаботиться о них и об их матери, ибо сам он обречен.

en.14. В это время умер Аттал Филометор, и когда пергамец Эвдем привез его завещание, в котором царь назначал своим наследником римский народ, Тиберий, в угоду толпе, немедленно внес предложение доставить царскую казну в Рим и разделить между гражданами, которые получили землю, чтобы те могли обзавестись земледельческими орудиями и начать хозяйствовать.

en.Что же касается городов, принадлежавших Атталу, то их судьбою надлежит распоряжаться не сенату, а потому он, Тиберий, изложит свое мнение перед народом. Последнее оскорбило сенат сверх всякой меры, и Помпей, поднявшись, заявил, что живет рядом с Тиберием, а потому знает, что пергамец Эвдем передал ему из царских сокровищ диадему и багряницу, ибо Тиберий готовится и рассчитывает стать в Риме царем.

en.Квинт Метелл с резким укором напомнил Тиберию, что когда его отец19, в бытность свою цензором, возвращался после обеда домой, граждане тушили у себя огни, опасаясь, как бы кто не подумал, будто они слишком много времени уделяют вину и веселым беседам, меж тем как ему по ночам освещают дорогу самые дерзкие и нищие из простолюдинов. Тит Анний, человек незначительный и не большого ума, но считавшийся непобедимым в спорах, просил Тиберия дать определенный и недвусмысленный ответ, подверг ли он унижению своего товарища по должности - лицо, согласно законам, священное и неприкосновенное.

en.В сенате поднялся шум, а Тиберий бросился вон из курии, стал скликать народ и распорядился привести Анния, чтобы безотлагательно выступить с обвинением. Анний, который намного уступал Тиберию и в силе слова и в доброй славе, решил укрыться под защитой своей находчивости и призвал Тиберия, прежде чем он начнет речь, ответить на один небольшой вопрос.

en.Тиберий согласился, и когда все умолкли, Анний спросил: "Если ты вздумаешь унижать меня и бесчестить, а я обращусь за помощью к кому-нибудь из твоих товарищей по должности и он заступится за меня, а ты разгневаешься, - неужели ты и его отрешишь от власти?". Вопрос этот, как сообщают, поверг Тиберия в такое замешательство, что при всей непревзойденной остроте своего языка, при всей своей дерзости и решимости он не смог раскрыть рот.

en.15. Итак, в тот день он распустил Собрание. Позже, замечая, что из всех его действий поступок с Октавием особенно сильно беспокоит не только могущественных граждан, но и народ, - великое и высокое достоинство народных трибунов, до той поры нерушимо соблюдавшееся, казалось поруганным и уничтоженным, - он произнес в Собрании пространную речь, приведя в ней доводы, которые вполне уместно - хотя бы вкратце - изложить здесь, чтобы дать некоторое представление об убедительности слова и глубине мысли этого человека.

en.Народный трибун, говорил он, лицо священное и неприкосновенное постольку, поскольку он посвятил себя народу и защищает народ. Стало быть, если он, изменив своему назначению, чинит народу обиды, умаляет его силу, не дает ему воспользоваться правом голоса, он сам лишает себя чести, не выполняя обязанностей, ради которых только и был этой честью облечен.

en.Даже если он разрушит Капитолий и сожжет корабельные верфи, он должен остаться трибуном. Если он так поступит, он разумеется, плохой трибун. Но если он вредит народу, он вообще не трибун. Разве это не бессмысленно, чтобы народный трибун мог отправить консула в тюрьму, а народ не мог отнять власть у трибуна, коль скоро он пользуется ею во вред тому, кто дал ему власть? Ведь и консула и трибуна одинаково выбирает народ!

en.Царское владычество не только соединяло в себе все должности, но и особыми, неслыханно грозными обрядами посвящалось божеству. А все-таки город изгнал Тарквиния, нарушившего справедливость и законы, и за бесчинства одного человека была уничтожена древняя власть, которой Рим обязан своим возникновением. Что римляне чтут столь же свято, как дев, хранящих20 неугасимый огонь? Но если какая-нибудь из них провинится, ее живьем зарывают в землю, ибо, кощунственно оскорбляя богов, она уже не может притязать на неприкосновенность, которая дана ей во имя и ради богов.

en.А значит, несправедливо, чтобы и трибун, причиняющий народу вред, пользовался неприкосновенностью, данной ему во имя и ради народа, ибо он сам уничтожает ту силу, из которой черпает собственное могущество. Если он на законном основании получил должность, когда большая часть триб отдала ему голоса, то разве меньше оснований лишить его должности, когда все трибы голосуют против него? Нет ничего священнее и неприкосновеннее, чем дары и приношения богам.

en.Но никто не препятствует народу употреблять их по своему усмотрению, двигать и переносить с места на место. В таком случае и звание трибуна, словно некое приношение, народ вправе переносить с одного лица на другое. И можно ли назвать эту власть неприкосновенной и совершенно неотъемлемой, если хорошо известно, что многие добровольно слагали ее или же отказывались принять?

en.16. Таковы были главные оправдания, приведенные Тиберием. Друзья Тиберия, слыша угрозы врагов и видя их сплоченность, считали, что ему следует вторично домогаться должности трибуна, сохранить ее за собой и на следующий год21, и он продолжал располагать к себе народ все новыми законопроектами - предложил сократить срок службы в войске, дать гражданам право обжаловать решения судей перед Народным собранием, ввести в суды, которые состояли тогда сплошь из сенаторов, равное число судей-всадников и вообще всеми средствами и способами старался ограничить могущество сената, скорее в гневе, в ожесточении, нежели ради справедливости и общественной пользы.

en.Когда же наступил день выборов и приверженцы Тиберия убедились, что противники берут верх, ибо сошелся не весь народ, Тиберий сперва, чтобы затянуть время, стал хулить товарищей по должности, а потом распустил Собрание, приказав всем явиться завтра. После этого он вышел на форум и удрученно, униженно, со слезами на глазах молил граждан о защите, а потом сказал, что боится, как бы враги ночью не вломились к нему в дом и не убили его, и так взволновал народ, что целая толпа окружила его дом и караулила всю ночь напролет.

en.17. На рассвете человек, ходивший за курами, по которым римляне гадают о будущем, бросил им корму. Но птицы оставались в клетке, когда же прислужник резко ее встряхнул, вышла только одна, да и та не прикоснулась к корму22, а только подняла левое крыло, вытянула одну ногу и снова вбежала в клетку.

en.Это напомнило Тиберию еще об одном знамении. У него был великолепный, богато украшенный шлем, который он надевал во все битвы. Туда незаметно заползли змеи, снесли яйца и высидели детенышей. Вот почему поведение кур особенно встревожило Тиберия. Тем не менее, услышав, что народ собирается на Капитолии, он двинулся туда же. Выходя, он споткнулся о порог и так сильно ушиб ногу, что на большом пальце сломался ноготь и сквозь башмак проступила кровь. Не успел он отойти от дома, как слева на крыше увидел двух дерущихся воронов23, и хотя легко себе представить, что много людей шло вместе с ним, камень, сброшенный одним из воронов, упал именно к его ногам.

en.Это озадачило даже самых бесстрашных из его окружения. Но Блоссий из Кум воскликнул: "Какой будет срам и позор, если Тиберий, сын Гракха, внук Сципиона Африканского, заступник римского народа, не откликнется на зов сограждан, испугавшись ворона! И не только позор, ибо враги не смеяться станут над тобою, но будут вопить в Собрании, что ты уже тиранн и уже своевольничаешь, как хочешь".

en.В этот миг к Тиберию подбежало сразу много посланцев с Капитолия от друзей, которые советовали поторопиться, потому что все-де идет прекрасно. И в самом деле, вначале события развертывались благоприятно для Тиберия. Появление его народ встретил дружелюбным криком, а когда он поднимался по склону холма, ревниво его окружил, не подпуская никого из чужих.

en.18. Но когда Муций снова пригласил трибы к урнам, приступить к делу оказалось невозможным, ибо по краям площади началась свалка: сторонники Тиберия старались оттеснить врагов, которые, в свою очередь, теснили тех, силою прокладывая себе путь вперед.

en.В это время сенатор Фульвий Флакк встал на видное место и, так как звуки голоса терялись в шуме, знаком руки показал Тиберию, что хочет о чем-то сказать ему с глазу на глаз. Тиберий велел народу пропустить его, и, с трудом протиснувшись, он сообщил, что заседание сената открылось, но богатые не могут привлечь консула24 на свою сторону, а потому замышляют расправиться с Тиберием сами и что в их распоряжении много вооруженных рабов и друзей.

en.19. Когда Тиберий передал эту весть окружающим, те сразу же подпоясались, подобрали тоги и принялись ломать на части копья прислужников, которыми они обычно сдерживают толпу, а потом стали разбирать обломки, готовясь защищаться от нападения. Те, что находились подальше, недоумевали, и в ответ на их крики Тиберий коснулся рукою головы - он дал понять, что его жизнь в опасности, прибегнув к жесту, раз голоса не было слышно.

en.Но противники, увидевши это, помчались в сенат с известием, что Тиберий требует себе царской диадемы и что тому есть прямое доказательство: он притронулся рукою к голове! Все пришли в смятение. Назика призвал консула защитить государство и свергнуть тиранна. Когда же консул сдержанно возразил, что первым к насилию не прибегнет и никого из граждан казнить без суда не будет, но если Тиберий убедит или же принудит народ постановить что-либо вопреки законам, то с таким постановлением он считаться не станет, - Назика, вскочив с места, закричал: "Ну что ж, если глава государства - изменник, тогда все, кто готов защищать законы, - за мной!"25

en.И с этими словами, накинув край тоги на голову, он двинулся к Капитолию. Каждый из шагавших следом сенаторов обернул тогу вокруг левой руки, а правою очищал себе путь, и так велико было уважение к этим людям, что никто не смел оказать сопротивления, но все разбегались, топча друг друга. Те, кто их сопровождал, несли захваченные из дому дубины и палки, а сами сенаторы подбирали обломки и ножки скамей, разбитых бежавшею толпой, и шли прямо на Тиберия, разя всех, кто стоял впереди него.

en.Многие испустили дух под ударами, остальные бросились врассыпную. Тиберий тоже бежал, кто-то ухватил его за тогу, он сбросил ее с плеч и пустился дальше в одной тунике, но поскользнулся и рухнул на трупы тех, что пали раньше него. Он пытался привстать, и тут Публий Сатурей, один из его товарищей по должности, первым ударил его по голове ножкою скамьи. Это было известно всем, на второй же удар заявлял притязания Луций Руф, гордившийся и чванившийся своим "подвигом". Всего погибло больше трехсот человек, убитых дубинами и камнями, и не было ни одного, кто бы умер от меча.

en.20. Как передают, после изгнания царей это был первый в Риме раздор, завершившийся кровопролитием и избиением граждан: все прочие, хотя бы и нелегкие и отнюдь не по ничтожным причинам возникшие, удавалось прекратить благодаря взаимным уступкам и власть имущих, которые боялись народа, и самого народа, который питал уважение к сенату.

en.По-видимому, и теперь Тиберий легко поддался бы увещаниям, и если бы на него не напали, если бы ему не грозила смерть, он, бесспорно, пошел бы на уступки, тем более, что число его сторонников не превышало трех тысяч. Но, как видно, злоба и ненависть главным образом сплотили против него богачей, а вовсе не те соображения26, которые они использовали как предлог для побоища. Что именно так оно и было свидетельствует зверское и беззаконное надругательство над трупом Тиберия.

en.Несмотря на просьбы брата, враги не разрешили ему забрать тело и ночью предать погребению, но бросили Тиберия в реку вместе с другими мертвыми. Впрочем, это был еще не конец: иных из друзей убитого они изгнали без суда, иных хватали и казнили. Погиб и оратор Диофан. Гая Биллия посадили в мешок, бросили туда же ядовитых змей и так замучили27. Блоссия привели к консулам, и в ответ на их расспросы он объявил, что слепо выполнял все приказы Тиберия.

en.Тогда вмешался Назика: "А что если бы Тиберий приказал тебе сжечь Капитолий?" Сперва Блоссий стоял на том, что Тиберий никогда бы этого не приказал, но вопрос Назики повторили многие, и, в конце концов, он ответил: "Что же, если бы он распорядился, я бы счел для себя честью исполнить. Ибо Тиберий не отдал бы такого распоряжения, не будь оно на благо народу". Блоссию удалось избежать гибели, и позже он отправился в Азию, к Аристонику, а когда дело Аристоника было проиграно, покончил с собой.

en.21. В сложившихся обстоятельствах сенат считал нужным успокоить народ, а потому больше не возражал против раздела земли и позволил выбрать вместо Тиберия другого размежевателя.

en.Состоялось голосование, и был избран Публий Красс28, родич Гракха: его дочь Лициния была замужем за Гаем Гракхом. Правда, Корнелий Непот утверждает, будто Гай женился на дочери не Красса, а Брута - того, что справил триумф после победы над лузитанцами. Но большинство писателей говорит то же, что мы здесь.

en.Народ, однако, негодовал по-прежнему и не скрывал, что при первом же удобном случае постарается отомстить за смерть Тиберия, а против Назики уже возбуждали дело в суде. Боясь за его судьбу, сенат без всякой нужды отправил Назику в Азию. Римляне открыто высказывали ему при встречах свою ненависть, возмущенно кричали ему в лицо, что он проклятый преступник и тиранн и что наиболее чтимый храм города29 он запятнал кровью трибуна - лица священного и неприкосновенного.

en.И Назика покинул Италию, хотя был главнейшим и первым среди жрецов30, и с отечеством, кроме всего прочего, его связывало исполнение обрядов величайшей важности. Тоскливо и бесславно скитался он на чужбине и вскорости умер где-то невдалеке от Пергама. Можно ли удивляться, что народ так ненавидел Назику, если даже Сципион Африканский, которого римляне, по-видимому, любили и больше и заслуженнее всех прочих, едва окончательно не потерял расположение народа, за то что, сначала, получивши под Нуманцией весть о кончине Тиберия, прочитал на память стих из Гомера31:

en.Так да погибнет любой, кто свершит подобное дело,

en.впоследствии же, когда Гай и Фульвий задали ему в Собрании вопрос, что он думает о смерти Тиберия, отозвался о его деятельности с неодобрением. Народ прервал речь Сципиона возмущенным криком, чего раньше никогда не случалось, а сам он был до того раздосадован, что грубо оскорбил народ. Об этом подробно рассказано в жизнеописании Сципиона32.

en.22 (1). После гибели Тиберия Гай в первое время, то ли боясь врагов, то ли с целью восстановить против них сограждан, совершенно не показывался на форуме и жил тихо и уединенно, словно человек, который не только подавлен и удручен обстоятельствами, но и впредь намерен держаться в стороне от общественных дел; это давало повод для толков, будто он осуждает и отвергает начинания Тиберия.

en.Но он был еще слишком молод, на девять лет моложе брата, а Тиберий умер, не дожив до тридцати. Когда же с течением времени мало-помалу стал обнаруживаться его нрав, чуждый праздности, изнеженности, страсти к вину и к наживе, когда он принялся оттачивать свой дар слова, как бы готовя себе крылья, которые вознесут его на государственном поприще, с полною очевидностью открылось, что спокойствию Гая скоро придет конец.

en.Защищая как-то в суде своего друга Веттия, он доставил народу такую радость и вызвал такое неистовое воодушевление, что все прочие ораторы показались в сравнении с ним жалкими мальчишками, а у могущественных граждан зародились новые опасения, и они много говорили между собою, что ни в коем случае нельзя допускать Гая к должности трибуна.

en.По чистой случайности ему выпал жребий ехать в Сардинию квестором при консуле Оресте, что обрадовало его врагов и нисколько не огорчило самого Гая. Воинственный от природы и владевший оружием не хуже, чем тонкостями права, он, вместе с тем, еще страшился государственной деятельности и ораторского возвышения, а устоять перед призывами народа и друзей чувствовал себя не в силах и потому с большим удовольствием воспользовался случаем уехать из Рима.

en.Правда, господствует упорное мнение, будто Гай был самым необузданным искателем народной благосклонности и гораздо горячее Тиберия гнался за славою у толпы. Но это ложь. Напротив, скорее по необходимости, нежели по свободному выбору, сколько можно судить, занялся он делами государства. Ведь и оратор Цицерон сообщает1, что Гай не хотел принимать никаких должностей, предпочитал жить в тишине и покое, но брат явился ему во сне и сказал так: "Что же ты медлишь, Гай? Иного пути нет. Одна и та же суждена нам обоим жизнь, одна и та же смерть в борьбе за благо народа!"

en.23 (2). В Сардинии Гай дал всесторонние доказательства своей доблести и нравственной высоты, намного превзойдя всех молодых и отвагою в битвах и справедливостью к подчиненным, и почтительной любовью к полководцу, а в воздержности, простоте и трудолюбии оставив позади и старших.

en.Зимою, которая в Сардинии на редкость холодна и нездорова, консул потребовал от городов теплого платья для своих воинов, но граждане отправили в Рим просьбу отменить это требование. Сенат принял просителей благосклонно и отдал консулу приказ одеть воинов иными средствами, и так как консул был в затруднении, а воины меж тем жестоко мерзли, Гай, объехавши города, убедил их помочь римлянам добровольно. Весть об этом пришла в Рим, и сенат был снова обеспокоен, усмотрев в поведении Гая первую попытку проложить себе путь к народной благосклонности.

en.И, прежде всего, когда прибыло посольство из Африки от царя Миципсы, который велел передать, что в знак расположения к Гаю Гракху он отправил полководцу в Сардинию хлеб, сенаторы, в гневе, прогнали послов, а затем вынесли постановление: войско в Сардинии сменить, но Ореста оставить на прежнем месте - имея в виду, что долг службы задержит при полководце и Гая. Гай однако ж, едва узнал о случившемся, в крайнем раздражении сел на корабль и неожиданно появился в Риме, так что не только враги хулили его повсюду, но и народу казалось странным, как это квестор слагает с себя обязанности раньше наместника.

en.Однако, когда против него возбудили обвинение перед цензорами, Гай, попросив слова, сумел произвести полную перемену в суждениях своих слушателей, которые под конец были уже твердо убеждены, что он сам - жертва величайшей несправедливости. Он прослужил в войске, сказал Гай, двенадцать лет, тогда как обязательный срок службы - всего десять, и пробыл квестором при полководце три года2, тогда как по закону мог бы вернуться через год. Единственный из всего войска, он взял с собою в Сардинию полный кошелек и увез его оттуда пустым, тогда как остальные, выпив взятое из дому вино, везут в Рим амфоры, доверху насыпанные серебром и золотом.

en.24 (3). Вскоре Гая вновь привлекли к суду, обвиняя в том, что он склонял союзников к отпадению от Рима и был участником раскрытого во Фрегеллах3 заговора. Однако он был оправдан и, очистившись от всех подозрений, немедленно стал искать должности трибуна, причем все, как один, известные и видные граждане выступали против него, а народ, поддерживавший Гая, собрался со всей Италии в таком количестве, что многие не нашли себе в городе пристанища, а Поле4 всех не вместило и крики голосующих неслись с крыш и глинобитных кровель домов.

en.Власть имущие лишь в той мере взяли над народом верх и не дали свершиться надеждам Гая, что он оказался избранным не первым, как рассчитывал, а четвертым5. Но едва он занял должность, как тут же первенство перешло к нему, ибо силою речей он превосходил всех своих товарищей-трибунов, а страшная смерть Тиберия давала ему право говорить с большой смелостью, оплакивая участь брата.

en.Между тем он при всяком удобном случае обращал мысли народа в эту сторону, напоминая о случившемся и приводя для сравнения примеры из прошлого - как их предки объявили войну фалискам, за то что они оскорбили народного трибуна, некоего Генуция, и как казнили Гая Ветурия6, за то что он один не уступил дорогу народному трибуну, проходившему через форум.

en."А у вас на глазах, - продолжал он, - Тиберия насмерть били дубьем, а потом с Капитолия волокли его тело по городу и швырнули в реку, у вас на глазах ловили его друзей и убивали без суда! Но разве не принято у нас искони, если на человека взведено обвинение, грозящее смертною казнью, а он не является перед судьями, то на заре к дверям его дома приходит трубач и звуком трубы еще раз вызывает его явиться, и лишь тогда, но не раньше, выносится ему приговор?! Вот как осторожны и осмотрительны были наши отцы в судебных делах".

en.25 (4). Заранее возмутив и растревожив народ такими речами - а он владел не только искусством слова, но и могучим, на редкость звучным голосом, - Гай внес два законопроекта: во-первых, если народ отрешает должностное лицо от власти, ему и впредь никакая должность дана быть не может, а во-вторых, народу предоставляется право судить должностное лицо, изгнавшее гражданина без суда.

en.Один из них, без всякого сомнения, покрывал позором Марка Октавия, которого Тиберий лишил должности трибуна, второй был направлен против Попилия, который был претором7 в год гибели Тиберия и отправил в изгнание его друзей. Попилий не отважился подвергнуть себя опасности суда и бежал из Италии, а другое предложение Гай сам взял обратно, сказав, что милует Октавия по просьбе своей матери Корнелии. Народ был восхищен и дал свое согласие.

en.Римляне уважали Корнелию ради ее детей нисколько не меньше, нежели ради отца, и впоследствии поставили бронзовое ее изображение с надписью: "Корнелия, мать Гракхов". Часто вспоминают несколько метких, но слишком резких слов Гая, сказанных в защиту матери одному из врагов. "Ты, - воскликнул он, - смеешь хулить Корнелию, которая родила на свет Тиберия Гракха?!" И, так как за незадачливым хулителем была дурная слава человека изнеженного и распутного, продолжал: "Как у тебя только язык поворачивается сравнивать себя с Корнелией! Ты что, рожал детей, как она? А ведь в Риме каждый знает, что она дольше спит без мужчины, чем мужчины без тебя!" Вот какова была язвительность речей Гая, и примеров подобного рода можно найти в его сохранившихся книгах немало.

en.26 (5). Среди законов, которые он предлагал, угождая народу и подрывая могущество сената, один касался вывода колоний и, одновременно, предусматривал раздел общественной земли между бедняками, второй заботился о воинах, требуя, чтобы их снабжали одеждой на казенный счет, без всяких вычетов из жалования, и чтобы никого моложе семнадцати лет в войско не призывали8.

en.Закон о союзниках должен был уравнять в правах италийцев с римскими гражданами, хлебный закон - снизить цены на продовольствие для бедняков. Самый сильный удар по сенату наносил законопроект о судах. До тех пор судьями были только сенаторы, и потому они внушали страх и народу и всадникам. Гай присоединил к тремстам сенаторам такое же число всадников, с тем чтобы судебные дела находились в общем ведении этих шестисот человек.

en.Сообщают, что, внося это предложение, Гай и вообще выказал особую страсть и пыл, и, между прочим, в то время как до него все выступающие перед народом становились лицом к сенату9 и так называемому комитию [comitium], впервые тогда повернулся к форуму. Он взял себе это за правило и в дальнейшем и легким поворотом туловища сделал перемену огромной важности - превратил, до известной степени, государственный строй из аристократического в демократический, внушая, что ораторы должны обращаться с речью к народу, а не к сенату.

en.27 (6). Народ не только принял предложение Гая, но и поручил ему избрать новых судей из всаднического сословия, так что он приобрел своего рода единоличную власть и даже сенат стал прислушиваться к его советам. Впрочем, он неизменно подавал лишь такие советы, которые могли послужить к чести и славе сената.

en.В их числе было и замечательное, на редкость справедливое мнение, как распорядиться с хлебом, присланным из Испании наместником Фабием. Гай убедил сенаторов хлеб продать и вырученные деньги вернуть испанским городам, а к Фабию обратиться со строгим порицанием, за то что он делает власть Рима ненавистной и непереносимой. Этим он стяжал немалую славу и любовь в провинциях.

en.Он внес еще законопроекты - о новых колониях, о строительстве дорог и хлебных амбаров, и во главе всех начинаний становился сам, нисколько не утомляясь ни от важности трудов, ни от их многочисленности, но каждое из дел исполняя с такою быстротой и тщательностью, словно оно было единственным, и даже злейшие враги, ненавидевшие и боявшиеся его, дивились целеустремленности и успехам Гая Гракха.

en.А народ и вовсе был восхищен, видя его постоянно окруженным подрядчиками, мастеровыми, послами, должностными лицами, воинами, учеными, видя, как он со всеми обходителен и приветлив и всякому воздает по заслугам, нисколько не роняя при этом собственного достоинства, но изобличая злобных клеветников, которые называли его страшным, грубым, жестоким. Так за непринужденными беседами и совместными занятиями он еще более искусно располагал к себе народ, нежели произнося речи с ораторского возвышения.

en.28 (7). Больше всего заботы вкладывал он в строительство дорог, имея в виду не только пользу, но и удобства, и красоту. Дороги10 проводились совершенно прямые. Их мостили тесаным камнем либо же покрывали слоем плотно убитого песка. Там, где путь пересекали ручьи или овраги, перебрасывались мосты и выводились насыпи, а потом уровни по обеим сторонам в точности сравнивались, так что вся работа в целом была радостью для глаза.

en.Кроме того Гай размерил каждую дорогу, от начала до конца, по милям (миля - немногим менее восьми стадиев) и отметил расстояние каменными столбами. Поближе один к другому были расставлены по обе стороны дороги еще камни, чтобы всадники могли садиться с них на коня, не нуждаясь в стремяном.

en.29 (8). Меж тем как народ прославлял Гая до небес и готов был дать ему любые доказательства своей благосклонности, он, выступая однажды, сказал, что будет просить об одном одолжении и если просьбу его уважат, сочтет себя на верху удачи, однако ж ни словом не упрекнет сограждан и тогда, если получит отказ.

en.Речь эта была принята за просьбу о консульстве, и все решили что он хочет искать одновременно должности и консула и народного трибуна11. Но когда настали консульские выборы и все были взволнованы и насторожены, Гай появился рядом с Гаем Фаннием и повел его на Поле, чтобы вместе с другими друзьями оказать ему поддержку. Такой неожиданный оборот событий дал Фаннию громадное преимущество перед остальными соискателями, и он был избран консулом, а Гай, во второй раз12, народным трибуном - единственно из преданности народа, ибо сам он об этом не просил и даже не заговаривал.

en.Но вскоре он убедился, что расположение к нему Фанния сильно охладело, а ненависть сената становится открытой, и потому укрепил любовь народа новыми законопроектами, предлагая вывести колонии в Тарент и Капую и даровать права гражданства всем латинянам. Тогда сенат, боясь, как бы он не сделался совершенно неодолимым, предпринял попытку изменить настроение толпы необычным, прежде не употреблявшимся способом - стал состязаться с Гаем в льстивой угодливости перед народом вопреки соображениям общего блага.

en.Среди товарищей Гая по должности был Ливий Друз, человек, ни происхождением своим, ни воспитанием никому в Риме не уступавший, а нравом, красноречием и богатством способный соперничать с самыми уважаемыми и могущественными из сограждан. К нему-то и обратились виднейшие сенаторы и убеждали объединиться с ними и начать действовать против Гракха - не прибегая к насилию и не идя наперекор народу, напротив, угождая ему во всем, даже в таких случаях, когда по сути вещей следовало бы сопротивляться до последней возможности.

en.30 (9). Предоставив ради этой цели свою власть трибуна в распоряжение сената, Ливий внес несколько законопроектов, не имевших ничего общего ни с пользою, ни со справедливостью, но, словно в комедии13, преследовавших лишь одну цель - любой ценой превзойти Гая в умении порадовать народ и угодить ему. Так сенат с полнейшей ясностью обнаружил, что не поступки и начинания Гая его возмущают, но что он хочет уничтожить или хотя бы предельно унизить самого Гракха.

en.Когда Гай предлагал вывести две колонии и включал в списки переселенцев самых достойных граждан, его обвиняли в том, что он заискивает перед народом, а Ливию, который намеревался устроить двенадцать новых колоний14 и отправить в каждую по три тысячи бедняков, оказывали всяческую поддержку. Один разделял землю между неимущими, назначая всем платить подать в казну - и его бешено ненавидели, кричали, что он льстит толпе, другой снимал и подать с получивших наделы - и его хвалили.

en.Намерение Гая предоставить латинянам равноправие удручало сенаторов, но к закону, предложенному Ливием и запрещавшему бить палкой кого бы то ни было из латинян15 даже во время службы в войске, относились благосклонно. Да и сам Ливий, выступая, никогда не пропускал случая отметить, что пекущийся о народе сенат одобряет его предложения.

en.Кстати говоря, во всей его деятельности это было единственно полезным, ибо народ перестал смотреть на сенат с прежним ожесточением: раньше виднейшие граждане вызывали у народа лишь подозрения и ненависть, а Ливию, который заверял, будто именно с их согласия и по их совету он угождает народу и потворствует его желаниям, удалось смягчить и ослабить это угрюмое злопамятство.

en.31 (10). Больше всего веры в добрые намерения Друза и его справедливость внушало народу то обстоятельство, что ни единым из своих предложений, насколько можно было судить, он не преследовал никакой выгоды для себя самого. И основателями колоний он всегда посылал других, и в денежные расчеты никогда не входил, тогда как Гай большую часть самых важных дел подобного рода брал на себя.

en.Как раз в эту пору еще один трибун, Рубрий, предложил вновь заселить разрушенный Сципионом Карфаген16, жребий руководить переселением выпал Гаю, и он отплыл в Африку, а Друз, в его отсутствие, двинулся дальше и начал успешно переманивать народ на свою сторону, причем главным орудием ему служили обвинения против Фульвия. Этот Фульвий был другом Гая, и вместе с Гаем его избрали для раздела земель.

en.Человек он был беспокойный и сенату внушал прямую ненависть, а всем прочим - немалые подозрения: говорили, будто он бунтует союзников и тайно подстрекает италийцев к отпадению от Рима. То были всего лишь слухи, бездоказательные и ненадежные, но Фульвий своим безрассудством и далеко не мирными склонностями сам сообщал им своего рода достоверность.

en.Это всего более подорвало влияние Гая, ибо ненависть к Фульвию отчасти перешла и на него. Когда без всякой видимой причины умер Сципион Африканский и на теле выступили какие-то следы, как оказалось - следы насилия (мы уже говорили об этом в жизнеописании Сципиона), главными виновниками этой смерти молва называла Фульвия, который был врагом Сципиона и в самый день кончины поносил его с ораторского возвышения. Подозрение пало и на Гая.

en.И все же злодейство, столь страшное и дерзкое, обратившееся против первого и величайшего среди римлян мужа, осталось безнаказанным и даже неизобличенным, потому что народ дело прекратил, боясь за Гая, - как бы при расследовании обвинение в убийстве не коснулось и его. Впрочем все это произошло раньше изображаемых здесь событий.

en.32 (11). А в то время в Африке божество, как сообщают, всячески противилось новому основанию Карфагена, который Гай назвал Юнонией17, то есть Градом Геры. Ветер рвал главное знамя из рук знаменосца с такой силой, что сломал древко, смерч разметал жертвы, лежавшие на алтарях, и забросил их за межевые столбики, которыми наметили границы будущего города, а потом набежали волки, выдернули самые столбики и утащили далеко прочь. Тем не менее Гай все устроил и завершил в течение семидесяти дней и, получая вести, что Друз теснит Фульвия и что обстоятельства требуют его присутствия, вернулся в Рим.

en.Дело в том, что Луций Опимий, сторонник олигархии и влиятельный сенатор, который год назад искал консульства, но потерпел неудачу, ибо помощь, оказанная Гаем Фаннию, решила исход выборов, - этот Луций Опимий теперь заручился поддержкою многочисленных приверженцев, и были веские основания предполагать, что он станет консулом, а вступивши в должность, раздавит Гая. Ведь сила Гая в известной мере уже шла на убыль, а народ был пресыщен планами и замыслами, подобными тем, какие предлагал Гракх, потому что искателей народной благосклонности развелось великое множество, да и сам сенат охотно угождал толпе.

en.33 (12). После возвращения из Африки Гай, первым делом, переселился с Палатинского холма18 в ту часть города, что лежала пониже форума и считалась кварталами простонародья, ибо туда собрался на жительство чуть ли не весь неимущий Рим. Затем он предложил еще несколько законопроектов, чтобы вынести их на голосование.

en.На его призыв явился простой люд отовсюду, но сенат убедил консула Фанния удалить из города всех, кроме римских граждан. Когда было оглашено это странное и необычное распоряжение, чтобы никто из союзников и друзей римского народа не показывался в Риме в ближайшие дни, Гай, в свою очередь, издал указ, в котором порицал действия консула и вызывался защитить союзников, если они не подчинятся.

en.Никого, однако, он не защитил, и даже видя, как ликторы Фанния волокут его, Гая, приятеля и гостеприимца, прошел мимо, - то ли боясь обнаружить упадок своего влияния, то ли, как объяснял он сам, не желая доставлять противникам повода к схваткам и стычкам, повода, которого они жадно искали.

en.Случилось так, что он вызвал негодование и у товарищей по должности, вот при каких обстоятельствах. Для народа устраивались гладиаторские игры на форуме, и власти почти единодушно решили сколотить вокруг помосты и продавать места. Гай требовал, чтобы эти постройки разобрали, предоставив бедным возможность смотреть на состязания бесплатно. Но никто к его словам не прислушался, и, дождавшись ночи накануне игр, он созвал всех мастеровых, какие были в его распоряжении и снес помосты, так что на рассвете народ увидел форум пустым.

en.Народ расхваливал Гая, называл его настоящим мужчиной, но товарищи-трибуны были удручены этим дерзким насилием. Вот отчего, как видно, он и не получил должности трибуна в третий раз, хотя громадное большинство голосов было подано за него: объявляя имена избранных, его сотоварищи прибегли к преступному обману. А впрочем, твердо судить об этом нельзя. Узнав о поражении, Гай, как сообщают, потерял над собою власть и с неумеренной дерзостью крикнул врагам, которые над ним насмехались, что, дескать смех их сардонический19 - они еще и не подозревают, каким мраком окутали их его начинания.

en.34 (13). Однако враги, поставив Опимия консулом, тут же принялись хлопотать об отмене многих законов Гая Гракха и нападали на распоряжения, сделанные им в Карфагене. Они хотели вывести Гая из себя, чтобы он и им дал повод вспылить, а затем, в ожесточении, расправиться с противником, но Гай первое время сдерживался, и только подстрекательства друзей, главным образом Фульвия, побудили его снова сплотить своих единомышленников, на сей раз - для борьбы с консулом.

en.Передают, что в этом заговоре приняла участие и его мать и что она тайно набирала иноземцев-наемников, посылая их в Рим под видом жнецов, - такие намеки, якобы, содержатся в ее письмах к сыну. Но другие писатели утверждают, что Корнелия решительно не одобряла всего происходившего.

en.В день, когда Опимий намеревался отменить законы Гракха, оба противных стана заняли Капитолий с самого раннего утра. Консул принес жертву богам, и один из его ликторов, по имени Квинт Антиллий, держа внутренности жертвенного животного, сказал тем, кто окружал Фульвия: "Ну, вы, негодяи, посторонитесь, дайте дорогу честным гражданам!"

en.Некоторые добавляют, что при этих словах он обнажил руку по плечо и сделал оскорбительный жест. Так это было или иначе, но Антиллий тут же упал мертвый, пронзенный длинными палочками для письма, как сообщают - нарочито для такой цели приготовленными. Весь народ пришел в страшное замешательство, а оба предводителя испытали чувства резко противоположные: Гай был сильно озабочен и бранил своих сторонников за то, что они дали врагу давно желанный повод перейти к решительным действиям, а Опимий, и вправду видя в убийстве Антиллия удачный для себя случай, злорадствовал и призывал народ к мести.

en.35 (14). Но начался дождь и все разошлись20. А на другой день рано поутру консул созвал сенат, и, меж тем как он занимался в курии делами, нагой труп Антиллия, по заранее намеченному плану, положили на погребальное ложе и с воплями, с причитаниями понесли через форум мимо курии, и хотя Опимий отлично знал, что происходит, он прикинулся удивленным, чем побудил выйти наружу и остальных.

en.Ложе поставили посредине, сенаторы обступили его и громко сокрушались, словно бы о громадном и ужасном несчастии, но народу это зрелище не внушило ничего, кроме злобы и отвращения к приверженцам олигархии: Тиберий Гракх, народный трибун, был убит ими на Капитолии, и над телом его безжалостно надругались, а ликтор Антиллий, пострадавший, быть может, и несоразмерно своей вине, но все же повинный в собственной гибели больше, нежели кто-нибудь другой, выставлен на форуме, и вокруг стоит римский сенат, оплакивая и провожая наемного слугу21 ради того только, чтобы легче было разделаться с единственным оставшимся у народа заступником.

en.Затем сенаторы вернулись в курию и вынесли постановление, предписывавшее консулу Опимию спасать государство любыми средствами22 и низложить тираннов. Так как Опимий велел сенаторам взяться за оружие, а каждому из всадников отправил приказ явиться на заре с двумя вооруженными рабами, то и Фульвий, в свою очередь, стал готовиться к борьбе и собирать народ, а Гай, уходя с форума, остановился перед изображением отца и долго смотрел на него, не произнося ни слова; потом он заплакал и со стоном удалился.

en.Многие из тех, кто видел это, прониклись сочувствием к Гаю, и, жестоко осудив себя за то, что бросают и предают его в беде, они пришли к дому Гракха и караулили у дверей всю ночь - совсем иначе, чем стража, окружавшая Фульвия. Те провели ночь под звуки песен и рукоплесканий, за вином и хвастливыми речами, и сам Фульвий, первым напившись пьян, и говорил и держал себя не по летам развязно, тогда как защитники Гая понимали, что несчастие нависло надо всем отечеством, и потому хранили полную тишину и размышляли о будущем, по очереди отдыхая и заступая в караул.

en.36 (15). На рассвете, насилу разбудив хозяина, - с похмелья он никак не мог проснуться, - люди Фульвия разобрали хранившиеся в его доме оружие и доспехи, которые он в свое консульство отнял у разбитых им галлов23, и с угрозами, с оглушительным криком устремились к Авентинскому холму24 и заняли его. Гай не хотел вооружаться вовсе, но, словно отправляясь на форум, вышел в тоге, лишь с коротким кинжалом у пояса. В дверях к нему бросилась жена и, обнявши одной рукою его, а другой ребенка, воскликнула:

en."Не народного трибуна, как в былые дни, не законодателя провожаю я сегодня, мой Гай, и идешь ты не к ораторскому возвышению и даже не на войну, где ждет тебя слава, чтобы оставить мне хотя бы почетную и чтимую каждым печаль, если бы случилось тебе разделить участь общую всем людям, нет! - но сам отдаешь себя в руки убийц Тиберия. Ты идешь безоружный, и ты прав, предпочитая претерпеть зло, нежели причинить его, но ты умрешь без всякой пользы для государства. Зло уже победило. Меч и насилие решают споры и вершат суд.

en.Если бы Тиберий пал при Нуманции, условия перемирия вернули бы нам его тело. А ныне, быть может, и я буду молить какую-нибудь реку или же море поведать, где скрыли они твой труп! После убийства твоего брата есть ли еще место доверию к законам или вере в богов?" Так сокрушалась Лициния, а Гай мягко отвел ее руку и молча двинулся следом за друзьями. Она уцепилась было за его плащ, но рухнула наземь и долго лежала, не произнося ни звука, пока наконец слуги не подняли ее в глубоком обмороке и не отнесли к брату, Крассу.

en.37 (16). Когда все были в сборе, Фульвий, послушавшись совета Гая, отправил на форум своего младшего сына с жезлом глашатая25. Юноша, отличавшийся на редкость красивой наружностью, скромно и почтительно приблизился и, не отирая слез на глазах, обратился к консулу и сенату со словами примирения. Большинство присутствовавших готово было откликнуться на этот призыв.

en.Но Опимий воскликнул, что такие люди не вправе вести переговоры через посланцев, - пусть придут сами, как приходят на суд с повинной, и, целиком отдавшись во власть сената, только так пытаются утишить его гнев. Юноше он велел либо вернуться с согласием, либо вовсе не возвращаться. Гай, как сообщают, выражал готовность идти и склонять сенат к миру, но никто его не поддержал, и Фульвий снова отправил сына с предложениями и условиями, мало чем отличавшимися от прежних.

en.Опимию не терпелось начать бой, и юношу он тут же приказал схватить и бросить в тюрьму, а на Фульвия двинулся с большим отрядом пехотинцев и критских лучников; лучники, главным образом, и привели противника в смятение, метко пуская свои стрелы и многих ранив.

en.Когда началось бегство, Фульвий укрылся в какой-то заброшенной бане, где его вскоре обнаружили и вместе со старшим сыном убили, а Гай вообще не участвовал в схватке. Не в силах даже видеть то, что происходило вокруг, он ушел в храм Дианы и хотел покончить с собой, но двое самых верных друзей, Помпоний и Лициний, его удержали - отняли меч и уговорили бежать.

en.Тогда, как сообщают, преклонив пред богиней колено и простерши к ней руки, Гай проклял римский народ, моля, чтобы в возмездие за свою измену и черную неблагодарность он остался рабом навеки. Ибо громадное большинство народа открыто переметнулось на сторону врагов Гракха, едва только через глашатаев было обещано помилование.

en.38 (17). Враги бросились вдогонку и настигли Гая подле деревянного моста26, и тогда друзья велели ему бежать дальше, а сами преградили погоне дорогу и дрались, никого не пуская на мост, до тех пор, пока не пали оба. Теперь Гая сопровождал только один раб, по имени Филократ; точно на состязаниях, все призывали их бежать скорее, но заступиться за Гая не пожелал никто, и даже коня никто ему не дал, как он ни просил, - враги были уже совсем рядом.

en.Тем не менее он успел добраться до маленькой рощицы, посвященной Фуриям27, и там Филократ убил сначала его, а потом себя. Некоторые, правда пишут, что обоих враги захватили живыми, но раб обнимал господина так крепко, что оказалось невозможным нанести смертельный удар второму, пока под бесчисленными ударами не умер первый.

en.Голову Гая, как передают, какой-то человек отрубил и понес к консулу, но друг Опимия, некий Септумулей, отнял у него эту добычу, ибо в начале битвы глашатаи объявили: кто принесет головы Гая и Фульвия, получит столько золота, сколько потянет каждая из голов. Воткнув голову на копье, Септумулей явился к Опимию, и когда ее положили на весы, весы показали семнадцать фунтов и две трети28. Дело в том, что Септумулей и тут повел себя как подлый обманщик - он вытащил мозг и залил череп свинцом.

en.А те, кто принес голову Фульвия, были люди совсем безвестные и не получили ничего. Тела обоих, так же как и всех прочих убитых (а их было три тысячи29), бросили в реку, имущество передали в казну. Женам запретили оплакивать своих мужей, а у Лицинии, супруги Гая, даже отобрали приданое30. Но всего чудовищнее была жестокость победителей с младшим сыном Фульвия, который не был в числе бойцов и вообще не поднял ни на кого руки, но пришел вестником мира: его схватили до битвы, а сразу после битвы безжалостно умертвили.

en.Впрочем, сильнее всего огорчила и уязвила народ постройка храма Согласия31, который воздвигнул Опимий, словно бы величаясь, и гордясь, и торжествуя победу после избиения стольких граждан! И однажды ночью под посвятительной надписью на храме появился такой стих:
Злой глас Раздора храм воздвиг Согласию.

en.39 (18). Этот Опимий, который, первым употребив в консульском звании власть диктатора, убил без суда три тысячи граждан и среди них Фульвия Флакка, бывшего консула и триумфатора, и Гая Гракха, всех в своем поколении превзошедшего славою и великими качествами души, - этот Опимий впоследствии замарал себя еще и взяткой: отправленный послом к нумидийцу Югурте, он принял от него в подарок деньги. Опимий был самым позорным образом осужден за мздоимство и состарился в бесславии32, окруженный ненавистью и презрением народа, в первое время после событий униженного и подавленного, но уже очень скоро показавшего, как велика была его любовь и тоска по Гракхам.

en.Народ открыто поставил и торжественно освятил их изображения и благоговейно чтил места, где они были убиты, даруя братьям первины плодов, какие рождает каждое из времен года, а многие ходили туда, словно в храмы богов, ежедневно приносили жертвы и молились.

en.40 (19). Корнелия, как сообщают, благородно и величественно перенесла все эти беды, а об освященных народом местах сказала, что ее мертвые получили достойные могилы. Сама она провела остаток своих дней близ Мизен, нисколько не изменив обычного образа жизни. По-прежнему у нее было много друзей, дом ее славился гостеприимством и прекрасным столом, в ее окружении постоянно бывали греки и ученые, и она обменивалась подарками со всеми царями.

en.Все, кто ее посещал или же вообще входил в круг ее знакомых, испытывали величайшее удовольствие, слушая рассказы Корнелии о жизни и правилах ее отца, Сципиона Африканского, но всего больше изумления вызывала она, когда, без печали и слез, вспоминала о сыновьях и отвечала на вопросы об их делах и об их гибели, словно бы повествуя о событиях седой старины.

en.Некоторые даже думали, будто от старости или невыносимых страданий она лишилась рассудка и сделалась бесчувственною к несчастиям, но сами они бесчувственны, эти люди, которым невдомек, как много значат в борьбе со скорбью природные качества, хорошее происхождение и воспитание: они не знают и не видят, что, пока доблесть старается оградить себя от бедствий, судьба нередко одерживает над нею верх, но отнять у доблести силу разумно переносить свое поражение она не может.

Plutarque. Vie de Caton/МАРК КАТОН

I. Marcus Caton était, dit-on, originaire de Tusculum. Avant de servir dans les armées ou de s'occuper de l'administration des affaires, il vivait dans des terres du pays des Sabins, qu'il avait héritées de son père. 1. Марк Катон, как сообщают, был родом из Тускула, а воспитывался в земле сабинян, в отцовских поместьях, где он провел молодые годы, до того как поступил на военную службу и начал принимать участие в государственных делах.
Ses ancêtres passaient à Rome pour des gens très obscurs; cependant il loue lui-même son père Marcus, comme un bon militaire et un homme de coeur; il rapporte que Caton, son aieul, avait obtenu plusieurs fois le prix de la valeur; et qu'ayant perdu dans les combats cinq chevaux de bataille, le peuple, pour honorer son courage, lui en rendit le prix du trésor public. Его предки, по-видимому, ничем себя не прославили, хотя сам Катон с похвалою вспоминает и отца своего Марка, честного человека и храброго воина, и прадеда Катона, который, по словам правнука, не раз получал награды за отвагу и потерял в сражениях пять боевых коней, но государство, по справедливости оценив его мужество, вернуло ему их стоимость.
C'était la coutume des Romains d'appeler hommes nouveaux ceux dont les ancêtres avaient vécu dans l'obscurité, et qui commençaient à s'illustrer par eux-mêmes; ils donnèrent donc à Caton le nom d'homme nouveau; mais il disait lui-même que, s'il était nouveau à l'égard des honneurs et de la réputation, il était très ancien par les exploits et 1es vertus de ses ancêtres . Il ne porta pas d'abord le surnom de Caton, mais celui de Priscus; et ce fut à cause de sa grande sagesse qu'on le nomma Caton : nom que les Romains donnent aux hommes qui ont une grande expérience. II était roux de visage et avait les yeux de couleur bleue, comme on le voit par cette épigramme, qu'un de ses ennemis fit contre lui : Людей, которые не могут похвастаться знаменитыми предками и достигли известности благодаря собственным заслугам, римляне обыкновенно называют "новыми людьми" {1} - так звали и Катона; зато сам он считал, что внове ему лишь высокие должности и громкая слава, но если говорить о подвигах и нравственных достоинствах предков, он принадлежит к очень древнему роду. Сначала его фамильное имя было не Катон, а Приск {2}, но впоследствии за остроту ума он получил прозвище Катона ("Катус" [catus] на языке римлян - "многоопытный"). Он был рыжеват, с серо-голубыми глазами; довольно удачно обрисовал его автор следующей эпиграммы:
Tu connaissais ce roux qui mordait tout le monde ,
Et dont on redoutait les yeux bleus en couleur.
Aujourd'hui qu' il n"est plus, Proserpine en a peur,
Et défend que Caron le passe sur son onde.
Порций был злым, синеглазым и рыжим; ему Персефоной Даже по смерти его доступ в Аид запрещен.
Un travail assidu, une vie frugale, et l'habitude du service militaire, dans lequel il était entré dès sa première jeunesse, lui avaient donné une complexion aussi sainte que robuste. Постоянный труд, умеренный образ жизни и военные походы, в которых он вырос, налили его тело силою и здоровьем.
II. II regardait la parole comme un second corps, comme un instrument non seulement honnête , mais encore nécessaire à tout homme qui ne veut pas vivre dans l'obscurité et dans l'éloignement des affaires. II la cultiva donc avec soin et l'exerça habituellement, en allant de tous côtés, dans les bourgs et dans les petites villes voisines de la sienne, plaider pour ceux qui réclamaient son ministère. Видя в искусстве речи как бы второе тело, орудие незаменимое для мужа, который не намерен прозябать в ничтожестве и безделии, он приобрел и изощрил это искусство, выступая перед судом в соседних селах и городах в защиту всякого, кто нуждался в его помощи, и сначала прослыл усердным адвокатом, а потом - и умелым оратором.
Il se fit d'abord la réputation d'un avocat plein de zèle et devint ensuite un orateur distingué. Depuis ce temps-là, ceux qui le fréquentaient reconnurent en lui une gravité de m?urs , une élévation d'esprit, qui le rendaient propre aux plus grandes affaires, et capable de s'exercer dans une grande administration. Non content de montrer toujours un parfait désintéressement, en ne prenant rien pour les causes qu'il plaidait , il ne regardait pas même la gloire qu'il en retirait comme digne de le satisfaire. Plus jaloux de s"acquérir de la réputation dans le métier des armes, en combattant contre les ennemis de la patrie, il eut, dès sa jeunesse, le corps tout cicatrisé des blessures honorables qu'il avait reçues. С течением времени тем, кому приходилось с ним сталкиваться, все больше стали в нем открываться сила и возвышенность духа, ожидающие применения в великих деяниях и у кормила государственного правления. Дело не только в том, что он, по-видимому, ни разу не замарал рук платой за выступления по искам и тяжбам, гораздо важнее, что он не слишком высоко ценил славу, принесенную ему этими выступлениями, ставя несравненно выше добытую в битвах с врагами славу и желая снискать уважение прежде всего воинскими подвигами - в такой мере, что еще мальчишкой весь был разукрашен ранами, меж которыми не было ни единой, нанесенной в спину.
II dit lui-même qu'il fit, à l'âge de dix-sept ans, sa première campagne, lorsque Annibal, toujours vainqueur, mettait l'Italie à feu et à sang : Dans les combats, il demeurait inébranlable à son poste, portait des coups terribles, montrait à l'ennemi un visage redoutable , le menaçait d'un ton de voix effrayant; persuadé avec raison, et l'enseignant aux autres, que ces accessoires font souvent plus d'effet sur les ennemis que l'épée qu'on leur présente. Он сам рассказывает, что первый свой поход проделал в возрасте семнадцати лет, когда Ганнибал, сопровождаемый удачей, опустошал Италию огнем. В боях он отличался силою удара, непоколебимою стойкостью и гордым выражением лица; угрозами и свирепым криком он вселял ужас в неприятеля, справедливо полагая и внушая другим, что нередко крик разит лучше, нежели меч.
Dans les marches, il allait toujours à pied, portait lui-même ses armes, suivi d'un seul esclave chargé de ses provisions. Jamais il ne se mettait en colère contre lui, ou ne lui montrait de l'humeur, quelque chose qui lui servit pour ses repas ; souvent même, après son service militaire , il l'aidait à faire son ouvrage. A l'armée il ne buvait que de l'eau; seulement, lorsqu'il éprouvait une soif ardente, il demandait du vinaigre; ou, s'il sentait ses forces trop affaiblies , il prenait, en petite quantité, du vin médiocre. Во время переходов он нес свое оружие сам, а за ним шел один-единственный слуга со съестными припасами; и рассказывают, что Катон никогда не сердился и не кричал на него, когда тот подавал завтрак или обед, но, напротив, сам помогал ему очень во многом и, освободившись от воинских трудов, вместе с ним готовил пищу. В походах он пил обыкновенно одну воду, разве что иногда, страдая жгучею жаждой, просил уксуса {3} или, изнемогая от усталости, позволял себе глоток вина.
III. Sa maison de campagne était voisine de celle qu"avait habitée Manius Curius, celui qui obtint trois fois les honneurs du triomphe . Caton y allait souvent; et, lorsqu'il considérait le peu d'étendue de cette terre et la simplicité de l'habitation, il pensait en lui-même quel homme ce devait être que Curius, qui, vainqueur des nations les plus belliqueuses, après avoir chassé Pyrrhus de l'Italie, et être devenu le plus grand des Romains, cultivait lui-même ce petit coin de terre, et, décoré de trois triomphes, habita toujours une maison si pauvre. 2. Невдалеке от полей Катона стоял дом Мания Курия - трижды триумфатора. Катон очень часто бывал поблизости и, видя, как мало поместье и незамысловато жилище, всякий раз думал о том, что этот человек, величайший из римлян, покоритель воинственнейших племен, изгнавший из Италии Пирра, после трех своих триумфов собственными руками вскапывал этот клочок земли и жил в этом простом доме.
Ce fut là que les ambassadeurs des Samnites le trouvèrent assis près de son foyer, faisant cuire des raves , et qu'ils lui offrirent une quantité d'or considérable. Mais il le refusa, en leur disant qu'un homme qui se contentait d'un tel repas n'avait pas besoin d'or; et qu'il trouvait plus beau de vaincre ceux qui en avaient , que de le posséder lui-même. Caton s'en retournait, tout occupé de ces pensées; et, examinant de nouveau sa maison, ses champs, ses esclaves et toute sa dépense , il redoublait de travail et réformait tout ce qu'il trouvait chez lui de superflu. Сюда к нему явились самнитские послы и застали его сидящим у очага и варящим репу; они давали ему много золота, но он отослал их прочь, сказав, что не нужно золота тому, кто довольствуется таким вот обедом, и что ему милее побеждать владельцев золота, нежели самому им владеть. Раздумывая обо всем этом, Катон уходил, а потом обращал взор на свой собственный дом, поля, слуг, образ жизни и еще усерднее трудился, решительно гоня прочь расточительность и роскошь.
Lorsque Fabius Maximus reprit Tarente, Caton, fort jeune alors, servait sous lui. Il était logé chez Néarque, philosophe pythagoricien, qu'il désira d'entendre discourir sur la philosophie. Néarque professait les mêmes maximes que Platon; il enseignait que la volupté est la plus grande amorce pour le mal; que le corps est le premier fléau de l"âme, qui ne peut s'en délivrer et se conserver pur que par les réflexions qui la séparent et l'éloignent, le plus qu'il est possible, des affections corporelles. Еще совсем молодым Катон служил под началом Фабия Максима - как раз в ту пору, когда тот взял город Тарент; там он пользовался гостеприимством одного пифагорейца по имени Неарх и старался усвоить его учение. Слушая речи этого человека (примерно так же рассуждал и Платон {4}) о том, что наслаждение - величайшая приманка, влекущая ко злу, а тело - первая опасность для души, которая освобождается и очищается лишь с помощью размышлений, как можно дальше уводящих ее от страстей тела, -
Ces discours firent aimer encore davantage à Caton la tempérance et la frugalité; il s'appliqua d'ailleurs fort tard à l'étude des lettres grecques; et il était déjà vieux lorsqu'il se mit à lire les auteurs grecs; il profita un peu de la lecture de Thucydide, et beaucoup plus de celle de Démosthène, pour se former à l'éloquence. Du moins ses écrits sont enrichis de maximes et de traits d'histoire tirés des ouvrages des Grecs ; et plusieurs de ses sentences morales en sont traduites mot à mot. слушая эти речи, он еще больше полюбил простоту и умеренность. В остальном же, как сообщают, он поздно познакомился с греческой образованностью и лишь в преклонном возрасте взял в руки греческие книги, усовершенствуясь в красноречии отчасти по Фукидиду, а главным образом по Демосфену. И все же его сочинения {5} в достаточной мере украшены мыслями греческих философов и примерами из греческой истории, а среди его метких слов и изречений немало прямо переведенных с греческого.
IV. Il y avait alors à Rome un citoyen des plus distingués par sa noblesse et par sa puissance , le plus capable de discerner une vertu naissante , le plus propre , par sa douceur , à la développer et à la pousser vers la gloire; c'était Valérius Flaccus : ses terres touchaient à la maison de campagne de Caton, dont il avait appris, par ses esclaves, la manière de vivre et l"application au travail. 3. Жил в ту пору некий муж, один из самых знатных и могущественных среди римлян, обладавший удивительной способностью распознавать зарождающуюся доблесть, воспитывать ее и выводить на путь славы. Звали его Валерий Флакк. Его земли граничили с землями Катона, от своих слуг он услышал о трудах соседа и его образе жизни
II était charmé de savoir que dès le matin il allait dans les villes voisines plaider pour ceux qui l'en priaient ; que de là il revenait dans son champ , où , vêtu d'une simple tunique pendant l'hiver, et nu si c'était l'été, il labourait avec ses domestiques, et, après le travail, les admettait à sa table, où il mangeait du même pain et buvait du même vin qu'eux. Comme les esclaves de Valérius rapportaient tous les jours à leur maître plusieurs traits de la modération et de la bonté de Caton; qu'ils lui citaient quelqu'une de ses sentences pleines de sens, Valérius le fit prier un jour à dîner. и, подивившись рассказам о его добром нраве и воздержности, о том, как спозаранку он отправляется на форум и ведет дела тех, кто испытывает в этом нужду, а возвратившись к себе, работает вместе с рабами - зимою, одев тунику, а летом нагой, - за одним столом с ними ест тот же хлеб, что они, и пьет то же вино, подивившись и метким словам Катона, которые запомнились слугам, велел позвать его к обеду.
Depuis , il l'invita souvent; et, ayant reconnu en lui un caractère doux et honnête, qui, comme une bonne plante, ne demandait qu'à être cultivé et transplanté dans un meilleur sol, il lui persuada d'aller s'établir à Rome, et de s'y occuper des affaires publiques. Ses plaidoyers lui firent bientôt des admirateurs et des amis , et le crédit de Valérius lui attira de la considération et l'avança aux honneurs : il fut d'abord tribun des soldats, ensuite questeur. Sa conduite dans ces premières charges lui ayant acquis beaucoup de réputation et d'autorité, il exerça avec Valérius Flaccus les premiers emplois de la république , et fut son collègue dans le consulat et dans la censure. С тех пор они встречались часто и, видя в Катоне учтивость и приветливость, которые, словно растение, нуждаются в подобающем уходе и почве, Валерий склонил и убедил его перебраться в Рим и принять участие в государственных делах. Сразу же по прибытии в Рим он и сам выступлениями в суде приобрел почитателей и друзей, и Валерий во многом помог ему своим именем и влиянием, и Катон был избран сначала военным трибуном, а потом квестором. Теперь он уже пользовался такой известностью и славой, что мог вместе с самим Валерием домогаться высших должностей: они вместе были консулами, а позже цензорами.
V. Entre les anciens sénateurs, il s'attacha particulièrement à Fabius Maximus, le plus puissant et le plus illustre des Romains de son temps; il se proposa surtout d'imiter ses m?urs et sa manière de vivre, comme les plus beaux modèles qu'il pût suivre. II ne craignit pas même de se brouiller avec le grand Scipion, jeune encore, et qui s'opposait ouvertement à la puissance de Fabius, qu'il croyait jaloux de sa gloire. Caton, envoyé questeur sous lui à la guerre d'Afrique, voyant que ce général vivait avec sa magnificence ordinaire, qu'il prodiguait l'argent à ses troupes sans ménagement, l'en reprit avec liberté et lui dit que le plus grand mal n"était pas dans cette dépense excessive, mais dans l"altération de l'ancienne simplicité des soldats, qui employaient en luxe et en plaisirs le superflu de leur paie. Из граждан постарше Катон сблизился с Фабием Максимом, знаменитым и чрезвычайно влиятельным человеком, однако больше всего привлекали Катона его жизненные правила, которые он взял себе за образец. Вот почему он не задумываясь стал противником Сципиона Старшего, который был тогда молод, но уже выступал против Фабия (побуждаемый, по-видимому, ненавистью Фабия к нему): посланный в Африку квестором при Сципионе и видя, что тот и на войне не отказался от своей обычной расточительности и щедро раздает солдатам деньги, Катон без всяких обиняков обличил его {6}, ставя ему в упрек не величину расходов, а то, что он губит исконную римскую простоту, ибо воины, не зная нужды ни в чем, привыкают к удовольствиям и изнеженности.
Scipion lui répondit qu'il n'avait pas besoin d'un questeur si exact; que dans la guerre il allait à pleines voiles, et qu'il devait compte à la république, non des sommes qu'il aurait dépensées, mais des exploits qu'il aurait faits. Sur cette réponse, Caton le quitta dès la Sicile ; et , de retour à Rome, il ne cessa de dire hautement dans le sénat, avec Fabius, que Scipion répandait l'argent sans mesure; qu'il passait, avec la légèreté d'un jeune homme, les journées entières aux théâtres et dans les gymnases, comme s'il n'eût eu que des jeux à célébrer, et non à faire la guerre. Ces plaintes déterminèrent le sénat à envoyer vers Scipion des tribuns chargés de le ramener à Rome , s'ils trouvaient que ces accusations eussent du fondement. Scipion leur ayant fait voir que la victoire dépendait des préparatifs qu'on faisait pour la guerre; que les amusements qu'il prenait avec ses amis dans ses moments de loisir, et les dépenses qu'il faisait, ne l'empêchaient pas de suivre avec activité les affaires importantes , ils le laissèrent s'embarquer pour aller faire la guerre en Afrique. Сципион ответил, что, на всех парусах идя навстречу войне, он отнюдь не нуждается в таком чрезмерно аккуратном квесторе - ведь не в деньгах, а в подвигах ему придется отчитываться перед римским народом. Тогда Катон покинул Сицилию и вместе с Фабием в сенате обвинил Сципиона в том, что он бросил на ветер огромные деньги и вел себя как мальчишка, пропадая в палестрах и театрах, точно не на войну, а на праздник приехал. Дело кончилось тем, что в Сицилию послали народных трибунов с поручением привести Сципиона в Рим, если обвинения подтвердятся, однако тот, убедительно показав, что подготовка к войне есть залог победы, что он, действительно, старался на досуге угодить друзьям, но что его человеколюбие и щедрость никак не означают легкомыслия по отношению к серьезным и важным делам, отплыл в Африку.
VI. L"éloquence de Caton augmentait chaque jour son crédit : on l'appelait le Démosthène romain; mais c'était surtout son genre de vie qu'on estimait et qu'on louait davantage ; car le talent de la parole était dès ce temps-là un objet d'émulation pour les jeunes Romains, qui s'efforçaient à l'envi de se surpasser les uns les autres. 4. После этой речи в сенате авторитет Катона весьма возрос, и многие стали называть его римским Демосфеном, однако жизнью своей он заслуживал еще более высокого имени и более громкой славы. Ведь искусство речи было для всей римской молодежи вожделенной приманкой, словно наградой победителю в состязаниях.
Mais de voir un citoyen qui , conservant l"ancien usage de cultiver la terre de ses propres mains, se contentât d'un dîner préparé sans feu et d'un souper frugal; qui ne portât qu'un habit simple, habitât la maison la plus commune, et aimât mieux n'avoir pas besoin de superflu que de se le donner, rien n'était alors plus rare. La vaste étendue de la république lui avait déjà fait perdre l'antique pureté de ses m?urs ; la multitude immense des affaires , et le grand nombre de peuples qu'elle embrassait dans son empire , avaient introduit à Rome une grande variété de m?urs ; et l'on y voyait les manières de vivre les plus opposées. Но человек, который, следуя примеру предков, продолжал трудиться собственными руками, охотно довольствовался нехитрым обедом, холодным завтраком, дешевой одеждой, простым жилищем и считал, что достойнее не нуждаться в излишнем, нежели им владеть, такой человек был редкостью, ибо Римское государство, увеличившись и окрепнув, уже не сохраняло прежней чистоты и, приобретя власть над великим множеством стран и людей, восприняло множество различных обычаев и усвоило всевозможные жизненные правила.
Caton était donc avec justice l'objet de l'admiration publique, lorsqu'au milieu de tous les autres citoyens qu'on voyait , amollis par les voluptés, succomber aux moindres travaux, il se montrait seul invincible et à la peine et au plaisir, et cela, non seulement dans sa jeunesse et lorsqu'il briguait les honneurs, mais dans sa vieillesse même et sous les cheveux blancs, après son consulat et son triomphe : il était comme un courageux athlète qui , même après la victoire , continue ses exercices, et ne les cesse qu'à sa mort. Jamais, écrit-il lui-même, il ne porta de robe qui coûtât plus de cent drachmes ; tant qu'il commanda les armées , et même pendant son consulat , il ne but d'autre vin que celui de ses esclaves; pour son dîner, on n'achetait pas au marché pour plus de trente as de provisions ; et en tout cela il n'avait en vue que sa patrie, et ne se proposait que de se faire un tempérament plus robuste , plus propre à soutenir les fatigues de la guerre. Должно ли изумляться, если римляне восхищались Катоном, видя, что иных надломили тяготы, иных изнежили наслаждения и одного лишь его ни те, ни другие не смогли одолеть - не только в ту пору, когда он был еще молод и честолюбив, но и в глубокой старости, когда и консульство и триумф уже были позади; так привыкший побеждать атлет не прекращает обычных упражнений и остается все тем же до самой смерти. Катон сам говорит, что никогда не носил платья дороже ста денариев, пил и во время своей претуры и во время консульства такое же вино, как его работники, припасов к обеду покупалось на рынке всего на тридцать ассов, да и то лишь ради государства, чтобы сохранить силы для службы в войске.
Ayant trouvé, dit-il encore , dans la succession d'un de ses amis, une tapisserie de Babylone , il la fit vendre sur-le-champ ; de plusieurs maisons de campagne qu'il avait, aucune n'était blanchie ; il n'avait jamais acheté d'esclave au-dessus de quinze cents drachmes , parce qu'il voulait, non des gens bien faits et délicats, mais des hommes robustes, capables de travail, qui pussent mener ses b?ufs et panser ses chevaux; et même, lorsqu'ils devenaient vieux, il les faisait vendre, pour ne pas nourrir des bouches inutiles. En général, il pensait que rien de superflu n'est à bon marché ; qu'une chose dont on peut se passer, ne coûtât-elle qu'une obole , est toujours chère ; qu'il faut préférer les terres où il y a beaucoup à semer et à faire des élèves, à celles qui demandent d'être souvent ratissées et arrosées. Получив однажды по наследству вавилонский узорчатый ковер {7}, он тут же его продал, ни один из его деревенских домов не был оштукатурен, ни разу не приобрел он раба дороже, чем за тысячу пятьсот денариев, потому что, как он говорит, ему нужны были не изнеженные красавчики, а люди работящие и крепкие - конюхи и волопасы. Да и тех, когда они стареют, следует, по его мнению, продавать {8}, чтобы даром не кормить. Вообще он полагал, что лишнее всегда дорого и что если за вещь, которая не нужна, просят хотя бы один асс, то и это слишком большая цена. Он предпочитал покупать такие участки земли, на которых можно сеять хлеб или пасти скот, а не те, которые придется подметать и поливать {9}.
VII. Les uns regardaient cette conduite comme un effet de son avarice; d'autres disaient qu'en se resserrant dans des bornes si étroites, il avait en vue de corriger ses concitoyens et de les porter à la frugalité. J'avoue cependant que se servir de ses esclaves comme de bêtes de somme, les chasser ou les vendre quand ils sont devenus vieux, c'est en agir trop durement ; c'est avoir l"air de croire que le besoin seul et l'intérêt lient les hommes entre eux. Mais peut-on ignorer que la bonté s'étend beaucoup plus loin que la justice? que si nous observons les lois et l'équité envers les hommes , les animaux eux-mêmes sont l'objet de la bienfaisance et de la bonté , sentiments qui découlent de cette riche source d'humanité que la nature a mise en nous? Ainsi, nourrir des chevaux ou des chiens lors même qu'ils sont épuisés de travail , ou quand ils ont vieilli , c'est le propre d'un homme naturellement bon. 5. Кто называл это скряжничеством, кто с одобрением думал, что он хочет исправить и образумить других и лишь с этой целью так резко ограничивает во всем самого себя. Но мне то, что он, выжав из рабов, словно из вьючного скота, все соки, к старости выгонял их вон и продавал, - мне это кажется признаком нрава слишком крутого и жестокого, не признающего никаких иных связей между людьми, кроме корыстных. А между тем мы видим, что доброта простирается шире, нежели справедливость. Законом справедливости мы, разумеется, руководимся лишь в отношениях к людям, что же до благодеяний и милостей, то они, словно исторгаясь из богатейшего источника кротости душевной, проливаются иной раз и на бессловесных тварей. Человеку порядочному приличествует доставлять пропитание обессилевшим от работы коням и не только вскармливать щенков, но и печься об одряхлевших псах.
VIII. Le peuple d'Athènes, après avoir bâti l'Hécatompédon, renvoya toutes les bêtes de charge qui avaient travaillé à la construction de cet édifice, et les laissa paître en liberté tout le reste de leur vie. Un de ces animaux vint un jour , de lui-même , se présenter au travail ; il se mit à la tête des bêtes de somme qui traînaient des chariots à la citadelle, et , marchant devant elles , semblait les exhorter et les animer à l"ouvrage. Les Athéniens ordonnèrent, par un décret, que cet animal serait nourri jusqu'à sa mort aux dépens du public. Афиняне, строившие Гекатомпед {10}, если замечали, что какой-нибудь мул трудится особенно усердно, отпускали его пастись на воле; рассказывают, что один из таких "отпущенников" по собственному почину вернулся назад и стал ходить вместе с запряженными животными, поднимаясь впереди них на акрополь и словно подбадривая их, и афиняне постановили кормить его на общественный счет до самой смерти.
Près du tombeau de Cimon , on voit encore la sépulture des juments qui lui avaient fait remporter trois fois le prix aux jeux olympiques. Plusieurs Athéniens ont fait enterrer les chiens qui avaient été comme nourris et élevés avec eux. Lorsque le peuple quitta la ville pour se retirer à Salamine; et que l'ancien Xanthippe s'embarqua avec les autres citoyens , son chien suivit à la nage la galère de son maître et expira en arrivant au rivage: Xanthippe le fit enterrer sur la côte, où l'on voit encore son tombeau , qu'on appelle Cynosema. En effet, il ne faut pas se servir des êtres animés comme on se sert de souliers ou d'autres effets de cette espèce, qu'on jette lorsqu'il sont rompus ou usés par le service. On doit s'accoutumer à être doux et humain envers les animaux, ne fût-ce que pour faire l'apprentissage de l'humanité à l'égard des hommes. И кони Кимона {11}, с которыми он трижды одержал победу на Олимпийских играх, зарыты близ его гробницы. Так же многие обходились и со своими собаками, ставшими для них близкими товарищами, а в древности пса, который плыл за триремой до самого Саламина, когда афиняне покидали свой город, знаменитый Ксанфипп схоронил на мысу, по сей день носящем имя "Киноссема" {12}. Нельзя обращаться с живыми существами так же, как с сандалиями или горшками, которые выбрасывают, когда они от долгой службы прохудятся и придут в негодность, и если уж не по какой-либо иной причине, то хотя бы в интересах человеколюбия должно обходиться с ними мягко и ласково.
Pour moi, je ne voudrais pas vendre même un b?uf qui aurait vieilli en labourant mes terres ; à plus forte raison je me garderais bien de renvoyer un vieux domestique , de le chasser de la maison où il a vécu longtemps , et qu'il regarde comme sa patrie , de l'arracher à son genre de vie accoutumé ; et cela pour une modique somme d'argent que je retirerais de la vente d'un homme, qui ne serait pas plus utile à celui qui l'aurait acheté , qu'à moi qui l'aurais vendu.. Mais Caton semblait en faire gloire ; et il dit lui-même qu'il laissa en Espagne le cheval qu'il montait à la guerre pendant son consulat, afin de ne pas porter en compte , à la république , ce que son passage par mer aurait coûté. Cette manière d'agir doit-elle être attribuée à magnanimité ou à mesquinerie ? J'en laisse la décision au jugement du lecteur. Сам я не то что одряхлевшего человека, но даже старого вола не продал бы, лишая его земли, на которой он воспитался, и привычного образа жизни и ради ничтожного барыша словно отправляя его в изгнание, когда он уже одинаково не нужен ни покупателю, ни продавцу. А Катон, точно бахвалясь, рассказывает, что даже коня, на котором ездил, исполняя обязанности консула и полководца, он оставил в Испании, не желая обременять государство расходами на перевозку его через море. Следует ли приписывать это величию души или же скаредности - пусть каждый судит по собственному убеждению.
IX. Dans tous le reste de sa conduite, il était d'une tempérance extraordinaire. Tant qu'il fut à la tête des armées , il ne prit jamais du public, pour lui et pour sa suite, plus de trois médimnes de froment par mois , avec un peu moins de trois demi-médimnes d'orge par jour pour ses chevaux. 6. Но в остальном этот муж заслуживает величайшего уважения своей редкою воздержностью. Так, например, командуя войском, он брал в поход для себя и для своих приближенных не больше трех аттических медимнов пшеницы на месяц и меньше полутора медимнов ячменя на день для вьючных животных.
Nommé gouverneur de la Sardaigne, il ne suivit pas l'exemple des préteurs qui l'avaient précédé, et qui tous avaient foulé la province , en se faisant fournir des pavillons, des lits et des vêtements, en traînant à leur suite une foule d'amis et de domestiques , en exigeant des sommes considérables pour des festins et d'autres dépenses de cette nature. Lui, au contraire, il se distingua par une simplicité qu'on a de la peine à croire. Когда он получил в управление провинцию Сардинию, где до него преторы на общественный счет нанимали жилища, покупали ложа и тоги, содержали многочисленных слуг и друзей и обременяли население расходами на съестные припасы и приготовление изысканных блюд, - он явил пример неслыханной бережливости.
II ne prenait rien sur le public pour sa dépense ; quand il visitait les villes de son gouvernement, il marchait à pied, sans aucune voiture de suite, n'ayant avec lui qu'un officier public qui lui portait une robe et un vase pour les libations dans les sacrifices. Simple et facile , dans cette sorte de service, pour tous ceux qui dépendaient de lui , il se montrait dans tout le reste grave et sévère , inexorable dans l'administration de la justice , d'une exactitude et d'une rigueur inflexibles pour l'exécution des ordres qu'il donnait. Aussi , jamais la puissance romaine n'avait paru à ces peuples ni si terrible ni si aimable. Он ни разу не потребовал от сардинцев никаких затрат и обходил города пешком, не пользуясь даже повозкой, в сопровождении одного-единственного служителя, который нес его платье и чашу для возлияния богам. Он был до такой степени скромен и невзыскателен, а с другой стороны, обнаружил столько сурового достоинства, неумолимо верша суд и зорко следя за строжайшим выполнением своих приказаний, что никогда власть римлян не была для подданных ни страшнее, ни любезнее.
X. On retrouve dans son style le même caractère ; il était à la fois agréable et fort, doux et véhément, plaisant et austère , sentencieux et familier, tel qu'on l'emploie dans les disputes. II était comme Socrate, de qui Platon disait qu'au-dehors il paraissait, à ceux qui traitaient avec lui, grossier, satirique et outrageux; mais qu'au-dedans il était rempli de raison et de gravité; que les discours qui en sortaient remuaient puissamment les âmes et arrachaient les larmes à ceux qui l'écoutaient. Je ne sais donc pas sur quel fondement on a dit que le style de Caton ressemblait à celui de Lysias. Au reste, j'en laisse le jugement à ceux qui sont plus capables que moi de distinguer les différents styles des orateurs romains. Pour moi, qui pense que les discours des hommes font mieux connaître leur caractère et leurs m?urs que les traits de leur visage , où on les cherche ordinairement , je vais rapporter quelques unes de ses paroles les plus mémorables. 7. Такими же качествами отличались, мне кажется, и его речи. Он умел быть одновременно ласковым и грозным, приветливым и страшным, шутливым и резким, умел говорить метко и остро; так Сократ, по словам Платона {13} казался на первый взгляд неотесаным и дерзким, настоящим сатиром, но он был полон высоких дум, вызывавших слезы на глазах у слушателей и глубоко трогавших их сердца. Вот почему я не могу понять тех, кто считает {14}, будто речи Катона больше всего похожи на Лисиевы. Впрочем, пусть об этом судят люди, которым более подобает разбираться в видах ораторских речей, мы же просто запишем несколько достопамятных его высказываний, ибо, по нашему мнению, в речи гораздо более, нежели в лице, как думают некоторые, открывается характер человека.
XI. Un jour le peuple romain demandait instamment et hors de propos qu'on lui fît une distribution de blé. Caton, qui voulait l'en détourner, commença ainsi son discours : "Citoyens il est difficile de parler à un ventre qui n'a point d'oreilles." 8. Однажды, когда римский народ несвоевременно домогался раздачи хлеба, Катон, желая отвратить сограждан от их намерения, начал свою речь так: "Тяжелая задача, квириты, говорить с желудком, у которого нет ушей".
Une autre fois il blâmait la dépense prodigieuse que les Romains faisaient pour leur table , et disait qu'il n'était pas facile de sauver une ville où un poisson se vendait plus cher qu'un b?uf . Обвиняя римлян в расточительности, он сказал, что трудно уберечься от гибели городу, в котором за рыбу платят дороже, чем за быка.
Il comparait les Romains aux moutons, qui, chacun en particulier, n'obéissent pas au berger, mais suivent les moutons qui les précèdent. "De même , disait-il aux Romains, quand vous êtes ensemble, vous vous laissez conduire par des hommes dont chacun de vous séparément ne voudrait pas suivre les avis. " В другой раз он сравнил римлян с овцами, которые порознь не желают повиноваться, зато все вместе покорно следуют за пастухами. "Вот так же и вы, - заключил Катон. - Тем самым людям, советом которых каждый из вас в отдельности и не подумал бы воспользоваться, вы смело доверяетесь, собравшись воедино".
Dans un discours qu'il prononça contre l'autorité excessive des femmes : "Tous les hommes, dit-il, gouvernent les femmes; nous gouvernons tous les hommes, et nos femmes nous gouvernent." Ce mot semble pris des Apophthegmes de Thémistocle, à qui son fils faisait faire ce qu'il voulait par le moyen de sa mère. "Ma femme, disait-il, les Athéniens gouvernent les autres Grecs ; je gouverne les Athéniens ; vous me gouvernez, et vous êtes gouvernée par votre fils : qu'il use donc sobrement d'une puissance qui, tout fou qu'il est, le met au-dessus de tous les Grecs. " По поводу владычества женщин, он заметил: "Во всем мире мужья повелевают женами, всем миром повелеваем мы, а нами повелевают наши жены" {15}. Впрочем, это перевод одного из метких слов Фемистокла {16}, который однажды, когда его сын, через мать, требовал то одного, то другого, сказал так: "Вот что, жена! Афиняне властвуют над Грецией, я - над афинянами, надо мною - ты, а над тобою - сын, пусть же он не злоупотребляет своей властью, благодаря которой при всем своем неразумии оказывается самым могущественным среди греков".
Caton disait que le peuple romain mettait le prix non seulement aux différentes sortes de pourpre , mais encore aux divers genres d'étude. Comme les teinturiers, ajouta-t-il, donnent plus souvent aux étoffes la couleur pourpre, parce qu'elle est la plus recherchée; de même les jeunes gens apprennent et recherchent avec le plus d'ardeur ce que vous louez davantage. " Римский народ, утверждал Катон, назначает цену не только пурпурным краскам, но и различным занятиям: "Подобно тому, как красильщики больше всего красят той краской, которая нравится покупателям, наши юноши особенно усердны в тех науках, искушенностью в которых можно снискать вашу похвалу".
XII. "Si c'est par la vertu et la sagesse, disait-il aux Romains dans ses remontrances, que vous êtes devenus grands , ne changez pas pour être pires; si c'est à l'intempérance et au vice que vous devez votre grandeur, changez pour devenir meilleurs; car vous vous êtes assez agrandis par ces voies perverses." Он призывал граждан: "Если вы достигли величия доблестью и умеренностью, не меняйтесь к худшему; если же невоздержностью и пороком - изменитесь к лучшему: ведь применяя низкие эти приемы вы уже достаточно возвысились".
Il comparait ceux qui briguaient souvent les charges à des hommes qui , ne sachant pas leur chemin , voulaient, de peur de s'égarer, avoir toujours des licteurs devant eux pour les conduire. Il les blâmait de nommer souvent les mêmes magistrats. "Il faut, leur disait-il , ou que vous regardiez les fonctions de la magistrature comme bien peu importantes, ou que vous trouviez bien peu de gens capables de les remplir." О тех, кто часто домогается должностей, он говорил, что они, вероятно, не знают дороги и, боясь заблудиться, стараются всегда ходить с ликторами. Порицая граждан за то, что они по многу раз выбирают на высшие государственные должности одних и тех же лиц, он сказал: "Все решат, что либо, по вашему мнению, занимать эти должности - не слишком большая честь, либо слишком немногие этой чести достойны".
Voyant un de ses ennemis mener une vie infâme : "Sa mère, dit-il, doit croire faire une imprécation , et non une prière, en souhaitant de laisser son fils sur la terre après elle." Один из его врагов вел жизнь недостойную и постыдную, и Катон заметил: "Если кто говорит его матери, что сходя в могилу, она оставит по себе сына, для нее это не доброе утешение, а проклятие".
Il montrait un jour un homme qui avait vendu des biens paternels situés sur le bord de la mer ; et il disait, en feignant de l'admirer : "Cet homme est plus fort que la mer même: ce que la mer ne mine que lentement et avec peine, il l'a englouti en un instant." Приводя в пример кого-то, кто продал отцовское поместье на берегу моря, он притворно изумлялся: "Да ведь он сильнее моря! То, что море едва-едва лизало своими волнами, он проглотил без всякого труда".
Le roi Eumène étant venu à Rome le sénat lui rendit des honneurs extraordinaires ; et les premiers de la ville s'empressaient autour de lui , à l'envi les uns des autres. Caton seul laissait voir ouvertement qu'il lui était suspect, et il l'évitait avec soin. Quelqu'un lui ayant dit qu'Enmène était un bon prince et fort ami des Romains : "Soit, répondit-il; mais un roi est par nature un animal vorace ; et aucun des rois les plus vantés ne peut être comparé à Epaminondas, à Périclès, à Thémistocle, à Manius Curius, ni même à Amilcar , surnommé Barca." Когда царь Эвмен {17} прибыл в Рим и сенат принимал его с чрезмерным радушием, а первые люди государства наперебой искали его дружбы, Катон не скрывал недоверчивого и подозрительного отношения к нему. Кто-то ему сказал: "Это прекрасный человек и друг римлян". "Возможно, - возразил Катон, - но по самой своей природе царь - животное плотоядное". Ни один из слывущих счастливыми царей не заслуживал в его глазах сравнения с Эпаминондом, Периклом, Фемистоклом, Манием Курием или Гамилькаром Баркой.
Il disait que ses ennemis lui portaient envie, parce qu'il se levait toutes les nuits, et que, négligeant ses propres affaires, il s'occupait de celles de la république ; qu'il aimait mieux perdre la récompense du bien qu'il faisait , que de n'être pas puni du mal qu'il aurait fait; qu'indulgent pour les fautes d'autrui, il ne se pardonnait jamais les siennes. Он говорил, что враги ненавидят его за то, что каждый день он поднимается чуть свет и, отложив в сторону собственные дела, берется за государственные. Он говорил, что предпочитает не получить награды за добрый поступок, лишь бы не остаться без наказания за дурной; и что готов простить ошибку каждому, кроме самого себя.
XIII. Les Romains avaient choisi pour aller en Bithynie trois ambassadeurs, dont l'un était goutteux, l'autre avait un vide dans le crâne, par une suite du trépan, et le troisième passait pour fou. Caton dit , en plaisantant , que les Romains envoyaient une ambassade qui n'avait ni pieds, ni tête, ni c?ur . 9. Когда римляне отрядили в Вифинию трех послов, из которых один страдал подагрою, у другого на голове был глубокий рубец, оставшийся после операции, а третий слыл глупцом, Катон пошутил, что посольство у римлян безногое, безголовое и безмозглое.
L'affaire des bannis d'Achaie était fort agitée dans le sénat : les uns voulaient les renvoyer dans leur patrie, les autres s'y opposaient; Caton , que Scipion, à la prière de Polybe, avait voulu l"intéresser en faveur de ces bannis, se lève et prend la parole. "Il semble, dit-il, que nous n'ayons rien à faire, à nous voir disputer ici une journée entière pour savoir si quelques Grecs décrépits seront enterrés par nos fossoyeurs ou par ceux de leurs pays." Сципион по просьбе Полибия ходатайствовал перед ним за ахейских изгнанников {18} и после долгих прений в сенате, - одни соглашались вернуть их на родину, другие решительно возражали, - Катон поднялся и заявил: "Можно подумать, что нам нечего делать: целый день сидим и рассуждаем, кому хоронить старикашек-греков, - нам или ахейским могильщикам".
Le sénat ayant décrété leur renvoi , Polybe , peu de jours après , demanda la permission de rentrer dans le sénat pour y solliciter le rétablissement des bannis dans les dignités dont ils jouissaient en Achaie avant leur exil ; et d'abord il voulut sonder Caton pour savoir quel serait son sentiment. "II me semble, Polype, lui répondit Caton en riant, qu'échappé , comme Ulysse, de l'antre du Cyclope , vous voulez y rentrer pour prendre votre chapeau et votre ceinture que vous y avez oubliés." Постановлено было разрешить им вернуться, а через несколько дней Полибий и его единомышленники решили войти в сенат с новым предложением - возвратить изгнанникам почетные должности, которые они прежде занимали в Ахайе, и попытались заранее узнать мнение Катона. А тот с улыбкой ответил, что Полибий - точно Одиссей, который, забыв в пещере Полифема шляпу и пояс, решил было за ними вернуться.
Il disait que les sages tirent plus d'instruction des fous , que ceux-ci ne sont instruits par les sages : parce que les sages évitent les fautes dans lesquelles tombent les fous , et que les fous n'imitent pas les bons exemples des sages. Он говорил, что умным больше пользы от дураков, чем дуракам от умных: первые стараются не повторять ошибок вторых, а вторые не подражают доброму примеру первых.
II aimait mieux voir rougir que pâlir les jeunes gens; il ne voulait pas qu'un soldat , en marchant , remuât les mains ni les pieds en combattant , ni qu'il ronflât plus fort dans son lit qu'il ne criait sur le champ de bataille. Среди юношей, замечал он, ему милее краснеющие, чем бледнеющие, ему не нужны солдаты, которые при переходах не дают покоя рукам, а в битве - ногам, у которых храп громче, нежели боевой клич.
Il se moquait d'un homme qui était d'une grosseur extraordinaire. "A quoi , dit-il , peut être utile à sa patrie un corps qui n"est que ventre?" Порицая одного толстяка, он сказал: "Какую пользу государству может принести тело, в котором все, от горла до промежности, - одно лишь брюхо?"
Un homme voluptueux voulait se lier avec lui ; Caton s'y refusa. "Je ne saurais, lui dit-il , vivre avec un homme qui a le palais plus sensible que le c?ur." Некий любитель наслаждений пожелал стать его другом, но Катон в дружбе отказал, объявив, что не может жить рядом с человеком, у которого небо чуткостью превосходит сердце.
XIV. Il disait que l"âme d'un homme amoureux vivait dans un corps étranger; Душа влюбленного, говорил он, живет в чужом теле.
et que dans toute sa vie il ne s'était repenti que de trois choses : la première, d'avoir confié son secret à une femme ; la seconde, d'être allé par eau où il eût pu aller par terre; la troisième, d'avoir passé un jour entier sans rien faire. За всю жизнь он лишь трижды раскаивался в своих поступках: в первый раз - доверив жене тайну, во второй - отправившись морем в такое место, куда можно добраться посуху, и в третий - на день пропустив срок составления завещания.
"Mon ami , dit-il un jour à un vieillard de mauvaises m?urs , la vieillesse a assez d'autres difformités sans y ajouter celle du vice." Развратному старику он сказал: "Послушай, в старости и так много уродливого, зачем же ты еще сильнее уродуешь ее своей гнусностью?"
Un tribun du peuple , soupçonné d'avoir donné du poison à quelqu'un, proposait une mauvaise loi, qu'il s'efforçait de faire passer. "Jeune homme, lui dit Caton, je ne sais lequel est le plus dangereux, ou de boire ce que tu prépares, ou de ratifier ce que tu écris." Народному трибуну, который, пользуясь недоброй славой ядосмесителя, горячо отстаивал внесенный им дурной законопроект, Катон сказал: "Молодой человек, я не знаю, что страшнее - пить твои зелья или одобрять твои писания".
Injurié par un homme qui menait une vie très licencieuse : "Le combat, lui dit-il , est inégal entre vous, et moi; vous écoutez volontiers les sottises, et vous en dites avec plaisir: moi, je les entends avec peine, et je n'ai pas l'habitude d'en dire." В ответ на поношения человека, известного своей беспутной и порочной жизнью, он заявил: "Мне с тобою биться не с руки: ты с легкостью выслушиваешь брань и сам бранишься, не задумываясь, мне же первое непривычно, а второе неприятно".
Voilà le genre de réponses ; elles font , juger de son caractère. Вот какого рода были достопамятные слова Катона.
XV. Nommé consul avec Valérius Flaccus son ami , le gouvernement de l"Espagne que les Romains appellent citérieure lui échut par le sort . Là , il commençait à soumettre une partie de ces nations par les armes, et il attirait les autres par la persuasion , lorsqu'il fut tout à coup assailli par une nombreuse armée de Barbares , et qu il se vit en danger d'essuyer une défaite honteuse. Il envoya demander du secours aux Celtibériens qui étaient dans son voyage, et qui exigèrent deux cents talents pour aller à son secours. 10. Избранный консулом вместе со своим близким другом Валерием Флакком, он получил по жребию провинцию, которую римляне называют Внутренней Испанией. В то время как он покорял тамошние племена или привлекал их на свою сторону силою убеждения, на него неожиданно напало большое войско варваров. Появилась опасность позорного отступления за пределы страны, и потому Катон призвал на подмогу живших по соседству кельтиберов.
Tous ses capitaines regardaient comme indigne des Romains d'acheter, à prix d'argent, l'alliance des Barbares. "Ce marché, leur dit Caton, n"est pas si déshonorant que vous le pensez; si nous remportons la victoire, nous paierons avec l'argent des ennemis ; si nous sommes vaincus, ni ceux qui exigent cette somme, ni ceux qui nous la demandent , n'existeront plus." Il remporta une victoire complète et eut depuis les plus grands succès. Те потребовали в уплату за услугу двести талантов, и, в то время как все прочие сочли неприемлемым для римлян обещать варварам плату за помощь, Катон заявил, что не видит в этом ничего страшного. "Если мы победим, - сказал он, - то рассчитаемся не своими деньгами, а деньгами врагов, а если потерпим поражение, некому будет ни предъявлять требования, ни отвечать на них". В последовавшей за этим битве он одержал решительную победу да и в дальнейшем ему сопутствовала удача.
Polybe rapporte qu'il fit raser , en un seul jour , les murailles de toutes les villes qui sont en deçà du fleuve Bétis : elles étaient en grand nombre, et peuplées d'hommes belliqueux. Caton dit lui-même qu'il avait pris en Espagne plus de villes qu'il n'y avait passé de jour : et ce n'était pas une forfanterie , car il en avait réellement soumis quatre cents. Полибий {19} сообщает, что в один и тот же день по его приказу были разрушены стены всех городов по эту сторону реки Бетис, а были они весьма многочисленны и изобиловали воинственно настроенными жителями. А сам Катон говорит, что взял в Испании больше городов, нежели провел в ней дней. И это сказано не для красного словца, если верно, что число покоренных городов достигло четырехсот {20}.
Outre le butin considérable que ses soldats avaient fait dans ces expéditions, il leur distribua par tête une livre pesant d'argent , et dit qu'il valait mieux les voir s'en retourner tous avec de l'argent , qu'un petit nombre avec de l'or. Pour lui, il assure qu'il n'avait eu , de tout le butin fait à cette guerre, que ce qu'il avait bu et mangé. Своим солдатам, и без того изрядно нажившимся во время похода, он роздал вдобавок по фунту серебра, сказав, что пусть лучше многие римляне привезут домой серебро, чем немногие - золото, самому же ему, по его словам, не досталось из добычи ничего, не считая лишь выпитого и съеденного.
Ce n'est pas, disait-il, que je blâme ceux qui profitent de ces occasions pour s'enrichir ; mais j'aime mieux rivaliser de vertu avec les plus gens de bien , que de richesse avec les plus opulents, et d'avidité avec les plus avares. Non content de se conserver pur de toute concussion , il exigea la même exactitude de ceux qui dépendaient de lui. II avait mené dans son gouvernement cinq esclaves , dont l'un , nommé Paccus, acheta trois jeunes enfants d'entre les prisonniers. Il sut que Caton en était instruit, et il aima mieux se pendre que de reparaître devant lui. Caton fit vendre les trois enfants et en mit le prix dans le trésor public. "Я не порицаю, - замечает Катон, - тех, кто старается обратить войну в средство наживы, но предпочитаю соревноваться с доблестными в доблестях, чем с богатыми в богатствах или же с корыстолюбивыми в корыстолюбии". Однако не только собственные руки, но и руки близких к нему людей он сохранил чистыми от грабежа. В походе с ним было пятеро рабов. Один из них, по имени Паккий, купил трех пленных мальчиков. Катон об этом узнал, и Паккий, боясь показаться ему на глаза, повесился, а Катон продал мальчиков и внес деньги в казну.
XVI. Pendant qu'il était encore en Espagne, le grand Scipion, qui était son ennemi , voulant arrêter ses succès et achever la guerre dans cette province , vint à bout de se faire nommer son successeur dans ce gouvernement. A peine nommé, il partit avec une diligence extrême, afin d'ôter à Caton , le plus tôt possible , le commandement de l'armée. Caton , en ayant été informé , prit cinq compagnies de gens de pied et cinq cents chevaux pour le conduire. En chemin faisant, il subjugua les Lacétaniens et reprit six cents déserteurs, qu'il fit tous punir de mort. 11. Тем временем враг Катона Сципион Старший, желая помешать ему успешно довести войну до конца и стремясь взять в свои руки командование в Испании, добился назначения в эту провинцию и должен был сменить Катона на его посту. Он приложил все усилия к тому, чтобы как можно скорее лишить власти своего предшественника. Но тот с пятью когортами тяжело вооруженных пехотинцев и пятьюстами всадниками, сопровождавшими его до границы, покорил племя лацетанов и, захватив шестьсот перебежчиков, приказал их казнить.
Scipion en ayant fait ses plaintes , Caton lui répondit, d'un ton d'ironie , que le vrai moyen d'augmenter la grandeur Rome, c'était que les nobles et les grands ne cédassent point aux citoyens obscurs le prix de la vertu ; et que les plébéiens , du nombre desquels il était, disputassent de vertu avec les citoyens les plus éminents en noblesse et en gloire. De plus , le sénat ayant ordonné qu'on ne changeât et qu'on ne remuât rien de ce que Caton avait réglé , ce gouvernement que Scipion avait tant brigué diminua plutôt sa gloire que celle de Caton ; car il passa tout son temps dans l'inaction et l'inutilité. В ответ на резкие упреки Сципиона Катон насмешливо заметил, что Рим лишь в том случае достигнет высшего могущества, если знаменитые и великие мужи будут стараться не уступить первенство в доблести людям никому не известным, а плебеи вроде него самого станут оспаривать это первенство у тех, кто славен и благороден. И так как сенат постановил, что ни одно из распоряжений Катона не должно быть изменено или объявлено утратившим силу, наместничество Сципиона в Испании прошло в праздности и безделии, нанеся куда больший ущерб его славе, чем славе Катона.
XVII. Caton , après avoir reçu les honneurs du triomphe, n'imita pas la plupart des généraux qui , combattant bien moins pour la vertu que pour la gloire , n'ont pas plus tôt obtenu les premières charges de l'état, le consulat et les triomphes, que, renonçant aux affaires, ils passent le reste de leurs jours dans l'oisiveté et dans les délices. Lui , au contraire, il ne se relâcha en rien de sa première exactitude, et n'abandonna jamais l'exercice de la vertu. Ceux qui ne viennent que d'entrer dans l'administration politique sont altérés d'honneurs et de gloire : Caton , de même, comme s'il eût recommencé une nouvelle carrière , fit de plus grands efforts pour s'y avancer ; il se montra toujours prêt à servir ses amis et tous les autres citoyens, soit pour les défendre en jugement, soit pour les accompagner dans leurs expéditions. Ибо Катон, справив триумф, не уподобился столь многим, кто ищет не доблести, а славы и, достигнув высших почестей - получив консульство и триумф, - отходит от государственных дел, весь остаток жизни посвящая наслаждениям и покою; он не ослабил своего рвения к добродетели и не расстался с ним, но, словно те, кто впервые выступил на поприще государственного правления и жаждет почестей и славы, как бы еще раз начал все с самого начала, открыто предоставив себя в распоряжение друзей и сограждан и не отказываясь ни от выступлений в суде, ни от военной службы.
Ainsi il suivit , en qualité de lieutenant , le consul Tibérius Sempronius, qui allait faire la guerre en Thrace et sur le Danube ; il accompagna ensuite , comme tribun des soldats, le consul Manius Acilius, qui allait en Grèce contre Antiochus-le-Grand, l'ennemi le plus redoutable des Romains , après Annibal. Ce prince avait conquis toutes les possessions de Séleucus Nicanor en Asie, et réduit sous son obéissance plusieurs nations barbares et belliqueuses. Enflé de tant de succès, il déclara la guerre aux Romains, comme aux seuls ennemis qui fussent désormais dignes de lui. 12. Так, он был легатом у консула Тиберия Семпрония {21} и помогал ему в управлении Фракией и прилегающими к Дунаю землями, а потом - военным трибуном у Мания Ацилия, действовавшего в Греции против Антиоха. Со времен Ганнибала ни один враг не внушал римлянам большего страха, чем Антиох, который, вновь овладев почти всей Азией, некогда принадлежавшей Селевку Никатору, и покорив множество воинственных варварских племен, уже не видел иных достойных себя противников и дерзнул напасть на римлян.
Il donnait à cette guerre le prétexte spécieux d'affranchir les Grecs, qui, délivrés depuis peu par les Romains du joug de Philippe et des Macédoniens, étaient parfaitement libres, et qui, vivant selon leurs lois, n'avaient nul besoin de la liberté qu'il leur offrait. Il passa donc en Grèce avec une armée. Благовидным поводом к войне он выставил намерение освободить греков, - которые нимало в этом не нуждались, напротив того, только что получили свободу и независимость из рук римлян, избавивших их от Филиппа Македонского, - и с большим войском переправился в Европу.
XVIII. Sa présence ébranla les Grecs, corrompus par les grandes espérances dont leurs orateurs les entretenaient de la part d'Antiochus. И сразу в Греции начались смуты, она вся закипела, соблазняемая надеждами на помощь царя, которые сеяли вожаки народа.
Manius envoya donc des ambassadeurs dans les différentes villes de la Grèce pour les contenir; et Titus Flamininus, comme je l'ai dit dans sa Vie, calma et ramena sans trouble à leur devoir la plupart des peuples qui penchaient vers la nouveauté. Caton , de son côté, retint les Corinthiens , ceux de Patras et d'Egium , et fit un long séjour à Athènes. On prétend que le discours qu'il fit en grec au peuple athénien a été conservé; qu'il y relevait beaucoup la vertu de leurs ancêtres , et vantait la grandeur et la beauté de leur ville, qu'il avait pris plaisir à parcourir. Маний разослал легатов по городам, и большинство из тех, где замышлялся мятеж, было умиротворено и успокоено Титом Фламинином, как о том уже говорилось в его жизнеописании {22}. Катон же склонил на сторону римлян Коринф, Патры и Эги; дольше всего он задержался в Афинах. Некоторые сообщают, что сохранилась речь, произнесенная им по-гречески в Народном собрании; он выражал в ней восхищение доблестью древних афинян, а также красотою и размерами города.
Mais ce récit n'est point vrai, car il parla aux Athéniens par un interprète ; non qu'il ne pût parler très bien leur langue , mais il était attaché aux coutumes de ses pères et se moquait de ceux qui n'avaient d'admiration que pour les Grecs. Il plaisanta Posthumius Albinus, qui avait écrit en langue grecque une histoire , dans laquelle il demandait pardon à ses lecteurs pour les fautes de langage qui pourraient lui échapper. "II faut, en effet, les lui pardonner , .disait Caton , s'il a été forcé, par un décret des amphictyons, de l'écrire en cette , langue." Les Athéniens, dit-on , admirèrent la précision et la vivacité du style de Caton; car il avait dit en peu de mots ce que l'interprète rendit par un long circuit de paroles : enfin, après l'avoir entendu , ils restèrent persuadés que les paroles ne sortaient aux Grecs que du bout des lèvres , et qu'elles coulaient aux Romains du fond du c?ur. Но это неверно: Катон говорил с афинянами через переводчика - не потому, что не знал их языка, но сохраняя верность отеческим обычаям. Он насмехался над теми, кто неумеренно почитал все греческое. О Постумии Альбине, написавшем свою "Историю" по-гречески и просившем за то извинения у читателя, он язвительно заметил, что автор заслуживал бы извинения, будь он вынужден был взять на себя этот труд по приговору амфиктионов {23}. Катон говорит, что афинян изумляла краткость и меткость его высказываний: какие-нибудь несколько его слов переводчик объяснял долго и пространно. Вообще же, заключает он, греки произносят речи языком, а римляне - сердцем.
XIX. Antiochus, s'étant saisi du détroit des Thermopyles et ayant ajouté aux fortifications naturelles du lieu des retranchements et des murailles, se tint fort tranquille, persuadé qu'il avait, de ce côté-là , fermé tout accès aux Romains, qui eux-mêmes désespéraient de forcer jamais de front ces passages. Mais Caton, s'étant souvenu du détour qu'avaient pris autrefois les Perses pour entrer par-là dans la Grèce , partit de nuit avec une partie de l'armée. Quand il fut au sommet de la montagne, le prisonnier qui lui servait de guide, s'étant trompé de chemin, s'égara dans des lieux inaccessibles et remplis de précipices. 13. Антиох занял Фермопильские теснины и, добавив к природным укреплениям валы и стены, спокойно ждал, полагая, что всякая возможность военных действий исключена; римляне совершенно отказались от мысли атаковать противника в лоб, и тут Катон вспомнил о знаменитом обходном маневре персов. Ночью он выступил с частью войска, но когда римляне поднялись повыше, проводник из пленных сбился с пути и повел войско наугад, по непроходимым кручам,
Les soldats étaient dans la frayeur et le désespoir : Caton, qui voyait toute la grandeur du péril, commande aux troupes de s'arrêter et de l'attendre. Il prend avec lui un certain Lucius Mallius, homme très leste à gravir les montagnes ; et, marchant avec autant de danger que de peine, dans une nuit où la lune n'éclairait pas, il grimpe à travers des oliviers sauvages et de vastes rochers qui arrêtaient la vue et les empêchaient de rien distinguer. Ils arrivent enfin à un sentier étroit qui paraissait conduire au bas de la montagne où était le camp des ennemis. Après avoir placé des signaux sur les pointes des rochers les plus faciles à distinguer et qui dominaient le mont Callidrome , ils retournent sur leurs pas, vont rejoindre le gros de l'armée; et, se remettant en marche, toujours guidés par leurs signaux, ils regagnent le petit sentier, où ils se mettent en ordre pour continuer leur marche. вселяя в солдат уныние и страх. Видя, как велика опасность, Катон приказал остановиться и ждать, а сам, захватив с собой некоего Луция Манлия, опытного в хождении по горам человека, не щадя себя и презирая опасность, не в силах ничего толком разглядеть за зарослями дикой маслины и скалами, закрывавшими обзор, блуждал в глухой безлунной ночи до тех пор, пока не набрел на какую-то тропинку, спускающуюся (как они решили) к неприятельскому лагерю. На хорошо заметных издали вершинах, поднимающихся над Каллидромом {24}, они поставили опознавательные знаки, а потом, вернувшись назад, повели войско, держа направление на эти знаки, и, вступив на тропу, двинулись по ней вниз,
XX. Ils n'avaient fait encore que peu de chemin, lorsque, le sentier leur manquant, ils ne virent devant eux qu'un vaste gouffre. La frayeur les saisit de nouveau, et les jeta dans une cruelle incertitude: ils ignoraient et ne se doutaient même pas qu'ils fussent près des ennemis. Le jour commençait à poindre, lorsqu'un d'entre eux crut entendre du bruit et un instant après voir le camp des Grecs et leurs gardes avancées a u-dessous des rochers. Caton fait arrêter la marche et envoie dire aux Firmianiens de venir seuls lui parler. C'étaient des soldats dont il avait toujours éprouvé l'ardeur et la fidélité. но вскоре она оборвалась на краю пропасти. Опять воцарились растерянность и страх; между тем никто не догадывался и не замечал, что враги совсем рядом, но в это время рассвело, и послышались какие-то голоса, а затем стал виден греческий лагерь и передовые дозоры под кручей. Тогда Катон остановил войско и, приказав остальным не двигаться с места, вызвал к себе фирмийцев {25}, которых всегда считал особенно преданными и ревностными воинами.
Ils accourent aussitôt et se rangent autour de lui. "Je voudrais, leur dit-il, prendre un des ennemis en vie, pour savoir de lui quelles sont ces gardes avancées , quel est leur nombre , la disposition et l'ordre de toute l'armée, et les préparatifs avec lesquels ils nous attendent. Cet enlèvement veut de la célérité et une audace de lions qui se jettent sans armes sur des animaux timides." Il avait à peine fini , que les Firmianiens, s'élançant tels qu'ils sont du haut des montagnes, fondent à l'improviste sur les premières gardes, les chargent, les dispersent et enlèvent un soldat tout armé , qu'ils mènent à Caton. Они подбежали и тесно обступили его, а Катон сказал: "Нужно взять живым одного из врагов; тогда я смогу узнать, что это за передовые дозорные, сколько их, каково общее построение войска, его боевой порядок и как приготовился неприятель отразить наше нападение. Все дело в быстроте и отваге, полагаясь на которые и львы - безоружные! - дерзко нападают на робких животных". Не успел он договорить, как фирмийцы, не медля ни мгновения, стремглав бросились вниз по склону и внезапно обрушились на дозорных, распугав и рассеяв всех, кроме одного, который был захвачен и со всем своим оружием доставлен к Катону.
Il apprend de cet homme que le gros de l'armée est campé dans les détroits avec Antiochus et que les hauteurs sont gardées par six cents Etoliens d'élite. Пленный рассказал, что основные силы во главе с царем засели в теснинах, а этот перевал охраняют шестьсот отборных этолийцев.
XXI. Caton, méprisant leur petit nombre et leur sécurité, ordonne aux trompettes de sonner; et , mettant le premier l'épée à la main , il marche à eux avec de grands cris. Dès qu'ils voient les Romains descendre des montagnes, ils prennent la fuite et gagnent leur camp, qu'ils remplissent de trouble et d'épouvante. Катон, сочтя и малочисленность этого отряда и его беспечность заслуживающими презрения, тут же, под рев труб и воинственные клики, повел римлян на неприятеля, первый обнажив меч. А враги, видя, что с крутого склона на них несутся римляне, бросились бежать в большой лагерь, сея повсюду смятение.
En même temps Manius, au bas des montagnes, donne l'assaut, avec toutes ses troupes , aux retranchements d'Antiochus et les emporte. Ce prince, blessé à la bouche d'un coup de pierre qui lui brise les dents, est forcé, par la douleur, de tourner bride et de se retirer. Dès lors aucune partie de son armée n'ose tenir tête aux Romains; et, quelque difficile que soit la fuite dans des lieux escarpés et presque impraticables , environnés de marais profonds et de rochers à pic, le long desquels ils glissaient et ne pouvaient se soutenir, ils se jettent dans ces détroits, se poussent les uns les autres ; et la peur qu'ils ont du fer des ennemis les fait courir à une mort inévitable. 14. Тут и Маний внизу устремляется на приступ стен, бросая все силы в ущелье. Антиох, раненный камнем в лицо, с выбитыми зубами, страдая от нестерпимой боли, поворачивает коня; из войска его ни один отряд не попытался сдержать натиск римлян, но, хотя для бегства не было никаких возможностей - ни дорог, ни троп, хотя глубокие болота и острые камни ждали тех, кто упадет или сорвется, все густым потоком хлынули через теснины и, страшась ударов вражеского меча, сами губили друг друга.
Caton, qui jamais , à ce qu'il me paraît, ne se ménageait les louanges et qui regardait les éloges qu'on faisait de soi-même comme la suite naturelle des grandes actions, relève avec beaucoup de faste ces derniers exploits. Il dit que ceux qui l'avaient vu poursuivre et frapper les ennemis avaient avoué que Caton devait encore moins au peuple romain que le peuple romain ne devait à Caton ; que le consul Manius , encore tout bouillant de sa victoire, l'ayant embrassé, échauffé qu'il était lui-même du combat, le tint longtemps serré entre ses bras , et s'écria de joie que ni lui ni le peuple romain ne pourraient jamais égaler leurs récompenses à ses services. Катон, который вероятно, никогда не скупился на похвалы самому себе и отнюдь не избегал прямого хвастовства, считая его спутником великих деяний, до небес превозносит события того дня. Тем, уверяет он, кто видел, как он гонит и разит врага, приходило на ум, что не столько Катон в долгу у народа, сколько народ у Катона, а сам консул Маний, разгоряченный битвою и победой, обнял его, тоже еще не остывшего, и долго целовал, радостно восклицая, что ни он, Маний, ни весь народ не в силах достойно отплатить Катону за его благодеяния.
Aussitôt après le combat , Manius l'envoya porter à Rome la nouvelle de ses propres succès : il eut une heureuse traversée jusqu'à Brunduse; de là il se rendit en un jour à Tarente , d'où, après quatre jours de marche, il arriva à Rome le cinquième jour depuis son débarquement, et y porta le premier la nouvelle de cette victoire. Elle remplit la ville de joie et de sacrifices ; le peuple en conçut la plus haute opinion de lui-même; il se crut capable de conquérir l'empire de la terre et de la mer. Сразу после сражения Катон сам выехал в Рим, чтобы возвестить о случившемся. Он благополучно высадился в Брундизии, за день добрался оттуда до Тарента, провел в дороге еще четыре дня, а на пятый прибыл в Рим; он был первым вестником победы и наполнил город ликованием и дымом жертвоприношений, а народу внушил уверенность, что римляне способны овладеть всей сушей и морем.
Telles sont à peu près les actions de guerre de Caton les plus dignes de mémoire. 15. Вот, пожалуй, самые замечательные из военных подвигов Катона.
XXII. Il paraît qu'entre les actions civiles de l'administration , il regarda toujours les accusations et la poursuite des méchants comme les plus dignes d'exercer son zèle. Il en accusa lui-même plusieurs, seconda d'autres accusateurs dans leurs poursuites, en suscita même quelques uns, entre autres un certain Pétilius, par qui il fit accuser Scipion. Что же касается государственной деятельности, то, по-видимому, весьма важной ее частью он считал привлечение к ответу и изобличение преступников. Он и сам не раз выступал с обвинениями в суде, и поддерживал других обвинителей, а иных и подстрекал к таким выступлениям, как, например, Петилия {26}, обвинявшего Сципиона.
Mais, voyant que celui-ci, par la confiance qu'il avait dans la noblesse de sa maison et dans sa propre grandeur, foulait aux pieds ses accusations et qu'il ne viendrait jamais à bout de le faire condamner à mort, il se désista de cette poursuite; et, se joignant aux accusateurs de son frère Lucius Scipion , il le fit condamner à une si forte amende envers le public, que Lucius, hors d'état de la payer, se vit en danger d'être jeté dans une prison et ne se sauva qu'avec peine, par un appel aux tribuns. Un jeune homme, qui avait fait condamner un ennemi de son père mort depuis peu , traversait après le jugement, la place publique. Caton, l'ayant rencontré, lui dit en l"embrassant : "Voilà les sacrifices funéraires qu'il convient d'offrir aux mânes d'un père : ce n"est pas le sang des agneaux et des chevreaux qu'il faut faire couler pour eux, mais les larmes de leurs ennemis condamnés." Погубить Сципиона, благородством своего происхождения и подлинным величием духа поправшего клевету, ему не удалось, и потому он отступился; но брата его Луция, объединившись с другими обвинителями, он подвел под наказание - тот должен был внести огромный штраф в казну, а так как платить было нечем, ему угрожали оковы, и лишь обращение к народным трибунам насилу избавило его от заключения в тюрьму. Рассказывают, что, встретив как-то на форуме некоего молодого человека возвращавшегося из суда, где этот юноша унизил и опозорил врага своего покойного отца, Катон приветствовал его и заметил: "Да, вот что нужно приносить в жертву умершим родителям - не овец и козлят, но слезы осужденных врагов".
Au reste, il ne fut pas lui-même, dans le cours de son administration , à l'abri de ces accusations : dès qu'il donnait la moindre prise à ses ennemis, il était traduit en justice, et il passa presque toute sa vie dans ces sortes de dangers; car il fut accusé près de cinquante fois; et, à la dernière, il avait quatre-vingt-six ans. Ce fut dans cette occasion qu'il dit ce mot souvent cité depuis; "II est fâcheux d'avoir à rendre compte de sa vie à des hommes d'un autre siècle que celui où l'on a vécu." Впрочем, и сам он не был избавлен от подобных тревог и опасностей: при всяком удобном случае враги возбуждали против него обвинения. Говорят, что он был под судом чуть ли не пятьдесят раз, причем в последний раз - на восемьдесят седьмом году. Тогда-то он и произнес свои знаменитые слова: "Тяжело, если жизнь прожита с одними, а оправдываться приходится перед другими".
Ce ne fut pas même là le terme de ses combats : quatre ans après, il accusa Sergius Galba, étant alors âgé de quatre-vingt-dix ans. Ainsi il vécut, comme Nestor, trois générations et passa sa vie dans une activité continuelle. Il fut, comme je l'ai dit, toujours en dispute avec le grand Scipion sur les affaires du gouvernement; et il vivait encore au temps du jeune Scipion, petit-fils adoptif du premier et fils de ce Paul Emile qui vainquit Persée et les Macédoniens. Однако и тут он все еще не угомонился: четыре года спустя, уже в девяностолетнем возрасте, он выступил против Сервия Гальбы {27}. Я бы сказал, что, подобно Нестору, он был ровесником и соратником трех поколений {28}. И верно, как уже говорилось, в государственных делах он часто соперничал со Сципионом Старшим и дожил до времен Сципиона Младшего, который был приемным внуком первого Сципиона, а сыном Павла, разгромившего Персея Македонского.
XXIII. Dix ans après son consulat, Caton brigua la censure. Cette charge était le comble des honneurs et comme la perfection de toutes les dignités de la république : investie d'un très grand pouvoir, elle donnait surtout le droit de rechercher la vie et les m?urs des citoyens ; car les Romains ne croyaient pas qu'on dût laisser à chaque particulier la liberté de se marier , d'avoir des enfants , de choisir un genre de vie, de faire des festins ; enfin, de suivre ses désirs et ses goûts, sans être soumis au jugement et à l'inspection de personne. 16. Через десять лет после своего консульства Катон решил домогаться цензуры. Это вершина всех почетных должностей, в своем роде высшая точка, какой можно достигнуть на государственном поприще; помимо всего прочего цензору принадлежит надзор за частной жизнью и нравами граждан. Римляне полагают, что ни чей бы то ни было брак, ни рождение детей, ни порядки в любом частном доме, ни устройство пиров не должно оставлять без внимания и обсуждения, с тем чтобы каждый действовал по собственному желанию и выбору;
Persuadés que c'est dans ces actions privées, plutôt que dans la conduite publique et politique , que se manifestent les inclinations des hommes, ils avaient créé deux magistrats chargés de veiller sur les m?urs, de les réformer et de les corriger , afin que personne ne se laissât entraîner, hors du chemin de la vertu, dans celui de la volupté et n'abandonnât les institutions anciennes et les usages reçus. Ils prenaient l'un dans le corps des patriciens, l'autre parmi le peuple, et leur donnaient le nom de censeurs; ces magistrats avaient le droit d'ôter le cheval à un chevalier romain, de chasser du sénat un sénateur, lorsqu'il menait une vie licencieuse : ils faisaient aussi l'estimation des biens des citoyens ; et, d'après le cens , ils distinguaient les familles et les divers états de la république. Cette charge avait encore d'autres prérogatives considérables. и считая, что в этом гораздо отчетливее усматривается характер человека, нежели в делах общественных, открытых всеобщему наблюдению, они избирают двух стражей, одного из патрициев, а другого из плебеев, вразумителей и карателей, дабы никто, поддавшись искушению, не свернул с правильного пути и не изменил привычному, установившемуся образу жизни. Их-то и называют цензорами; они властны отнять у всадника коня {29} или изгнать из сената того, кто живет невоздержанно и беспорядочно; они же производят оценку имущества граждан и по цензорским спискам устанавливают их принадлежность к тому или иному роду и сословию; в их руках находятся и иные важные права.
XXIV. Aussi, lorsque Caton se mit au rang des candidats, les premiers et les plus distingués d'entre les sénateurs firent tous leurs efforts pour traverser sa nomination. Les patriciens s'y opposaient par un sentiment d'envie qui leur faisait regarder comme un affront pour la noblesse que des gens d'une naissance obscure parvinssent au plus haut degré d'honneur et de puissance. D'autres , qui avaient à se reprocher des m?urs corrompues et la transgression des lois anciennes, redoutaient l'austérité d'un homme qui serait dur et inexorable dans l'exercice de sa charge. Вот почему избранию Катона воспротивились почти все самые знатные и влиятельные сенаторы. Во-первых, патрициев вообще грызла зависть, когда люди низкого происхождения достигали высших почестей и высшей власти, - они видели в этом поношение знати; далее, те, кто был повинен в грязных поступках и в отступлении от отеческих нравов, страшились, как бы неумолимая строгость Катона не обернулась против них, если он получит должность.
Ayant donc réuni leurs forces et leurs intrigues, ils lui opposèrent sept compétiteurs, qui tous flattaient le peuple de belles espérances , comme s'il eût désiré d'être gouverné avec mollesse et par le seul appât du plaisir. Caton , au contraire, loin de s'abaisser à aucune complaisance, menaçait ouvertement de son tribunal tous les méchants et criait à haute voix que la ville avait besoin d'une grande épuration : il conseillait au peuple de choisir, s'il voulait agir sagement, non le plus doux, mais le plus sévère des médecins; qu'il en trouverait de tels, d'abord en lui et parmi les patriciens , dans Valérius Flaccus, le seul avec qui , employant le fer et le feu pour détruire jusqu'à la racine, comme une nouvelle hydre, le luxe et la mollesse, il pourrait faire le bien de la république. И вот, сойдясь в этом мнении и заранее сговорившись, они выставили против Катона семерых соискателей, которые заискивали перед народом и прельщали его "добрыми" надеждами на кротость и снисходительность своей власти, полагая, что именно таких обещаний ждет от них народ. Напротив, Катон, не обнаруживая ни малейшей уступчивости, но открыто, с ораторской трибуны обличая погрязших в пороке, кричал, что городу потребно великое очищение, и настоятельно убеждал римлян, если они в здравом уме, выбрать врача не самого осторожного, но самого решительного, то есть его самого, а из патрициев - Валерия Флакка. Лишь при его помощи он надеялся не на шутку расправиться с изнеженностью и роскошью, отсекая этим гидрам головы и прижигая раны огнем.
"Tous les autres, disait-il, ne s'efforcent de parvenir à la censure, avec le projet de s'y mal conduire , que parce qu'ils craignent ceux qui l'exerceraient avec justice." Le peuple romain , dans cette occasion, se montra véritablement grand et digne d'avoir de grands magistrats pour le gouverner; car, loin de redouter la raideur et l'inflexibilité de Caton , il rejeta ces compétiteurs si doux qui paraissaient disposés à lui complaire en tout, et il nomma Valérius Flaccus avec Caton, qu'il regardait moins comme prétendant à la censure que comme l'exerçant déjà et donnant des ordres qu'on respectait. Все прочие кандидаты, понимал он, домогаются власти бесчестными путями, потому что боятся домогающихся ее честно. И тут римский народ показал себя подлинно великим и достойным великих предводителей: он не испугался грозной надменности Катона и, отвергнув тех сладкоречивых и угодливых, избрал его и Флакка. Можно было подумать, что Катон не ищет должности, но уже занимает ее и народ повинуется его приказаниям.
XXV. Caton commença l'exercice de sa magistrature en nommant prince du sénat Valérius Flaccus, son collègue et son ami; il chassa ce corps plusieurs sénateurs, entre autres Lucius Quintius, qui avait été consul sept ans auparavant ; et , ce qui lui donnait encore plus de considération que le consulat, il était frère de ce Titus Flamininus qui avait vaincu Philippe , roi de Macédoine. 17. Внеся первым в список сенаторов своего друга и товарища по цензорству Луция Валерия Флакка, Катон изгнал из сената очень многих, и среди них - Луция Квинтия, бывшего за семь лет до того консулом, но прославившегося не столько своим консульством, сколько тем, что он был братом Тита Фламинина, победителя царя Филиппа.
Voici quelle fut la cause de cette flétrissure. Lucius avait chez lui un jeune homme d'une grande beauté , qui ne le quittait jamais. Lorsqu'il commandait les armées, il lui donnait plus de crédit et de pouvoir que n'en avaient jamais eu auprès de lui ses amis les plus intimes. Un jour, pendant qu'il était dans sa province consulaire, ce jeune homme, placé à table auprès de lui, selon sa coutume, lui tint d'abord de ces discours flatteurs qui avaient toujours un grand pouvoir sur l'esprit de Lucius, surtout lorsqu'il était dans le vin. Причина этого изгнания была такова. Луций держал мальчишку-любовника, совсем молоденького, не отпускал его от себя ни на шаг, даже в походах с ним не расставался, и мальчишка был у него в такой чести и пользовался таким влиянием, каким не мог похвастаться ни один из самых близких друзей и домочадцев. Как бывший консул Луций получил в управление провинцию, и вот однажды на пиру мальчишка, возлежа за столом по обыкновению рядом с Луцием, всячески льстил ему (а тот был уже пьян, и его нетрудно было склонить к чему угодно) и между прочим сказал:
"Je vous aime telle- ment, ajouta-t-il ensuite, qu'à mon départ de Rome j'ai laissé pour vous un combat de gladiateurs, quoique je n'aie jamais vu ce spectacle; et, quelque désir que j'aie de voir égorger un homme, j'ai tout quitté pour vous suivre. - N'ayez point de regret à ce plaisir, lui dit Lucius, pour répondre à cette flatterie; je vous dédommagerai de ce sacrifice." Il ordonne aussitôt qu'on amène dans la salle du festin un des criminels condamnés à mort, et qu'on fasse venir un licteur avec sa hache. Quand ils sont arrivés, il demande au jeune homme s'il veut voir donner le coup. Le jeune homme en ayant témoigné le plus vif désir, Lucius ordonne au licteur de trancher la tête au prisonnier. "Я так тебя люблю, что приехал сюда, хотя в Риме были назначены гладиаторские игры, а я никогда еще их не видел и очень хотел поглядеть, как убивают человека". Тогда Луций, отвечая любезностью на любезность, воскликнул: "Ну, из-за этого нечего тебе огорчаться - я все улажу", - и тут же приказал привести на пир кого-нибудь из осужденных на смерть, а ликтору с топором стать рядом. Потом он еще раз спросил своего любимчика, желает ли он поглядеть, как человека зарубят, и когда тот ответил, что да, желает, распорядился отсечь преступнику голову.
Tel est le récit de la plupart des historiens; et Cicéron, dans son Traité de la Vieillesse, le fait raconter ainsi par Caton lui-même. Tite-Live dit que cet homme était un déserteur gaulois, et que ce ne fut pas le licteur, mais Lucius, qui lui trancha la tête : il assure que Caton lui-même l'avait écrit de cette manière. В таком виде передают эту историю многие, а Цицерон в диалоге "О старости" {30} вкладывает ее в уста самому Катону. Но Ливий сообщает, что казненный был галл-перебежчик, что умертвил его не ликтор, а сам Луций, собственными руками, и что об этом говорится в одной из речей Катона.
Lucius donc ayant été chassé du sénat , son frère Titus Flamininus, vivement affecté de cet affront, eut recours au peuple, et demanda que Caton déclarât publiquement le motif de cette flétrissure. Caton raconta, dans le discours qu'il fit à cette occasion, ce qui s'était passé dans le festin; et Lucius ayant nié le fait, Caton lui déféra le serment, que Lucius refusa de faire; et par-là il fut convaincu d'avoir mérité la punition qui lui avait été infligée. Когда Луций был изгнан Катоном из сената, брат его, огорченный и раздосадованный, обратился с жалобой к народу и потребовал, чтобы Катон изложил причины своего решения. Катон подробно рассказал о том пире, Луций пытался было все отрицать, но когда Катон предложил ему внести денежный залог {31}, тот отказался. И всем стало ясно, что он понес справедливое наказание.
Mais un jour qu'on donnait des jeux au théâtre, Lucius, passant près du banc des consulaires , alla s'asseoir beaucoup plus loin. Le peuple, touché de son humiliation, se mit à crier qu'il reprît sa place, et le força d'aller s'asseoir parmi les anciens consuls: ce fut un adoucissement et une consolation de l'affront qu'il avait reçu. Caton chassa aussi du sénat Manilius, que l'opinion publique désignait pour consul de l'année suivante; et il le fit, parce qu'il avait donné en plein jour un baiser à sa femme devant sa fille. Il disait que la sienne ne l'avait jamais embrassé que lorsqu'il faisait de grands éclats de tonnerre; et il ajouta, en plaisantant, qu'il n'était heureux que lorsque Jupiter tonnait. Но некоторое время спустя были игры в театре, и Луций, пройдя мимо консульских мест, сел много выше; народ был растроган и криками заставил Луция спуститься, словно предавая забвению случившееся и по возможности восстанавливая его доброе имя. Катон изгнал из сената и Манилия, который должен был в ближайшем будущем получить должность консула, за то что тот среди бела дня, в присутствии дочери, поцеловал жену. Сам же Катон, по его словам, лишь во время сильной грозы позволял жене обнимать его, и шутливо замечал, что бывает счастлив, когда гремит гром.
Mais il fut soupçonné d'envie lorsqu'il ôta le cheval au frère du grand Scipion, à Lucius, qui avait reçu les honneurs du triomphe : on crut qu'il ne l'avait fait que pour insulter à la mémoire de Scipion l'Africain. 18. Еще одной причиной недовольства Катоном было то, что он отобрал коня у брата Сципиона Луция, в прошлом триумфатора; многим казалось, что он сделал это, желая оскорбить память Сципиона Африканского.
XXVI. Mais ce qui offensa le plus généralement dans 1'exercice de sa censure, ce fut la réforme qu'il porta sur les objets de luxe. L'impossibilité qu'il vit à le détruire , en l'attaquant de front dans une si grande multitude qui en était infectée , l'obligea , pour ainsi dire , de le prendre de biais , et de l'attaquer en détail. II fit estimer les habillements, les voitures , les ornements des femmes , avec tous leurs autres meubles ; chacun de ces objets qui valait plus de quinze cents drachmes était porté à une valeur décuple ; et il en réglait la taxe d'après cette estimation. Но больше всего врагов ему доставила борьба с роскошью; покончить с нею открыто не представлялось возможным, поскольку слишком многие были уже заражены и развращены ею, и потому он решил действовать окольными путями и настоял на том, чтобы одежда, повозки, женские украшения и домашняя утварь, стоившие более полутора тысяч денариев, оценивались в десять раз выше своей настоящей стоимости, имея в виду, что с больших сумм будут взыскиваться и большие подати.
Sur mille as , il en faisait payer trois d'imposition, afin que les riches, se sentant grevés par cette taxe, et voyant que les citoyens simples et modestes, quoiqu'ils eussent autant de bien qu'eux, payaient beaucoup moins au trésor public, se réformassent eux-mêmes. Il encourut donc la haine et de ceux qui se soumettaient à cette taxe pour ne pas renoncer au luxe, et de ceux qui renonçaient au luxe pour s'affranchir de l'impôt. La plupart des hommes croient qu'on leur enlève leurs richesses quand on les empêche de les montrer; car ils ne les étalent jamais que dans le superflu, et non dans les choses nécessaires. Кроме того, он увеличил сбор до трех ассов с каждой тысячи {32}, чтобы римляне, тяготясь уплатой налога и видя, как люди скромные и неприхотливые платят с такого же имущества меньшие налоги, сами расстались с роскошью. И он был ненавистен как тем, кому из-за роскоши приходилось терпеть тяжелые подати, так равно и тем, кто из-за тяжелых податей отказался от роскоши. Ведь невозможность похвастаться богатством люди полагают равносильной его потере, а хвастаются всегда вещами излишними, а не необходимыми.
Le philosophe Ariston s'étonnait qu'on regardât comme heureux les hommes qui possédaient des superfluités, plutôt que ceux qui avaient abondamment ce qui est nécessaire et utile. Un ami de Scopas le Thessalien lui demandait quelque chose dont il faisait peu d'usage, en lui disant que ce n'était rien de nécessaire ni d'utile. "Mais , lui répondit Scopas , c'est par ces choses inutiles et superflues que je suis riche et heureux." Tant il est vrai que le désir des richesses ne vient pas d'une affection qui nous soit naturelle, et qu'il naît en nous d'une opinion vulgaire qui s'y glisse du dehors. Именно этому, говорят, и дивился более всего философ Аристон: он никак не мог понять, почему счастливыми считаются скорее владеющие излишним, нежели не терпящие недостатка в необходимом и полезном. Зато фессалиец Скопад, когда один из друзей попросил у него какую-то не очень нужную ему вещь, говоря, что не просит ничего особенно полезного или нужного, ответил: "Да ведь как раз эти бесполезные, лишние вещи и делают меня богачом". Итак, жажда богатства не связана ни с какою природною страстью, но приходит к человеку извне, возникая из чуждых ему общих мнений.
XXVII. Mais Caton, peu touché de toutes ces plaintes, n'en devint que plus rigide. Il supprima tous les conduits qui détournaient dans les maisons ou dans les jardins des particuliers l'eau des fontaines publiques. Il fit démolir tous les bâtiments qui étaient en saillie sur les rues, diminua le prix des entreprises données à bail par l'état, et porta au plus haut taux possible les fermes et les revenus de la république: ce qui lui attira la haine d'un bien plus grand nombre de personnes. 19. Нимало не обеспокоенный упреками и порицаниями, Катон действовал все ретивее: он приказал перекрыть желоба, по которым вода из общественного водопровода текла в частные дома и сады, разрушить и снести здания, выступившие за пределы частных владений на общественную землю, сократил плату за подряды и до предела поднял цену откупов государственных налогов; следствием всего этого была лютая ненависть к нему.
Aussi la faction de Titus Flamininus fit-elle casser dans le sénat les baux et les marchés qu'il avait faits pour la réparation des temples et des édifices publics, comme désavantageux à la république; ils excitèrent même les plus audacieux des tribuns à le citer devant le peuple, et à le faire condamner à une amende de deux talents. Ils firent aussi tous leurs efforts pour empêcher la construction d'une basilique qu'il élevait aux dépens du public, au-dessous du lieu où le sénat s'assemblait: mais elle fut achevée, et on lui donna le nom de basilique Porcia. В результате Тит со своими сторонниками {33}, выступив против него в сенате, добился расторжения заключенных им арендных сделок на построение храмов и производство общественных работ, как сделок убыточных, и подстрекнул самых дерзких из народных трибунов привлечь Катона к суду народа и взыскать с него два таланта штрафа. С немалым сопротивлением столкнулся он и при постройке базилики, которую воздвиг за счет казны на форуме позади курии и назвал "Порциевой базиликой" {34}.
XXVIII. II paraît cependant que le peuple approuva singulièrement la manière dont il avait exercé la censure; car, sur la statue qu"il lui érigea dans le temple de la Santé, il ne fit graver ni ses exploits militaires, ni son triomphe, mais seulement l'inscription suivante, dont voici la traduction littérale : "A l"honneur de Caton, pour avoir, par de salutaires ordonnances, par des établissements et des institutions sages, relevé, dans sa censure, la république romaine, que l'altération des m?urs avait mise sur le penchant de sa ruine. Но народ, по-видимому, был доволен цензорством Катона, проявляя в этом удивительное единодушие. Поставив ему статую в храме богини Здоровья {35}, римляне не упомянули ни о его походах, ни о триумфе, но вот какую сделали надпись (привожу ее в переводе): "За то, что, став цензором, он здравыми советами, разумными наставлениями и поучениями снова вывел на правильный путь уже клонившееся к упадку Римское государство".
Avant qu'on lui dressât cette statue , il se moquait de ceux qui désiraient ces sortes d'honneurs. "Ils ne voient pas; disait-il, qu'ils mettent leur gloire dans les ouvrages des statuaires et des peintres; pour moi, je me glorifie de ce que mes concitoyens portent empreintes dans leur âme les plus belles images de moi-même." Quelques personnes lui témoignaient un jour leur étonnement de ce qu'on ne lui avait pas érigé de statue, tandis que des gens obscurs en avaient. "J'aime mieux , leur répondit-il , qu'on demande pourquoi on n'a pas élevé de statue à Caton, que si on demandait pourquoi on lui en a dressé une." Впрочем, прежде он сам всегда насмехался над любителями изображений: те, говорил он, кто кичится творениями медников и живописцев, не замечают, что самые прекрасные изображения Катона граждане носят повсюду в своих душах. Когда иные изумлялись тому, что многим - недостойным этой почести - воздвигнуты статуи, ему же - нет, он отвечал: "Мне больше по душе вопрос "Почему нигде не стоят твои статуи?" нежели "Почему они стоят?"".
En un mot, il ne voulait pas même qu'un bon citoyen souffrît une louange qui ne tournait pas à l'utilité publique. C'était cependant l'homme qui se louait le plus lui-même; au point que , lorsque des citoyens avaient fait des fautes dans leur conduite, et qu'on les en reprenait : Вообще он полагал, что долг хорошего гражданина - пресекать похвалы по своему адресу - разве что похвалы эти служат общественному благу. При этом вряд ли сыщется человек, который бы чаще восхвалял самого себя: он гордился и тем, что люди совершившие какой-нибудь проступок, а затем уличенные в нем, говорят своим обвинителям:
"Il faut, disait-il , les excuser; car ils ne sont pas des Catons." Quand il voyait des gens vouloir imiter quelques unes de ses actions et le faire maladroitement , il disait que c'étaient des Catons bien gauches. Il se vantait que, dans les conjonctures critiques, le sénat tenait les yeux attachés sur lui , comme dans la tempête les passagers les tiennent fixés sur le pilote; et que souvent en son absence on remettait jusqu'à son retour les affaires les plus importantes. Au reste, c'est un témoignage que tout le monde lui rendait; car la sagesse de sa conduite, son éloquence et sa vieillesse lui avaient acquis dans Rome une grande autorité. "Понапрасну вы нас корите - мы ведь не Катоны"; и тем, что иных, безуспешно пытающихся подражать его поступкам, называют "неудачливыми Катонами"; и тем, что в грозный час все взоры в сенате всегда обращаются к нему, словно на корабле - к кормчему, и часто, если его не было в курии, особо важные вопросы откладывались. Его собственные слова подтверждаются и чужими свидетельствами: благодаря безупречной жизни, преклонному возрасту и красноречию он пользовался в Риме огромным влиянием.
XXIX. Il fut bon père, bon mari, et économe très entendu. Comme il ne croyait pas que la sage administration de son bien fût une chose petite ou basse qu'on dût faire par manière d'acquit , il ne sera pas , je crois, hors de propos d'en dire ici ce qui convient à mon sujet. II avait épousé une Romaine plus noble que riche, persuadé que la noblesse et l'opulence inspireraient également à une femme l'orgueil et la fierté ; au lieu qu'une femme d'une naissance illustre aurait plus de honte de ce qui serait malhonnête, et serait plus soumise à son mari dans les choses honnêtes. Un homme qui battait sa femme ou ses enfants portait, selon lui , des mains impies sur ce qu'il y avait de plus sacré. 20. Он был прекрасным отцом, хорошим супругом, рачительным хозяином и никогда не считал заботы о доме маловажными или незначительными. А потому, мне кажется, будет не лишним рассказать и об этом. Он взял жену скорее хорошего рода, чем богатую, полагая, правда, что и родовитости и богатству одинаково свойственны достоинство и некоторая гордыня, но надеясь, что женщина знатного происхождения, страшась всего низкого и позорного, окажется особенно чуткой к добрым правилам, которые внушает ей муж.
Il pensait qu'il y avait plus de mérite à être bon mari que grand sénateur. Il n'admirait rien tant dans Socrate que la douceur et la complaisance qu'il avait toujours conservées avec une femme acariâtre et des enfants emportés. Тот, кто бьет жену или ребенка, говорил он, поднимает руку на самую высокую святыню. Он считал более почетной славу хорошего мужа, чем великого сенатора, и в Сократе, знаменитом мудреце древности, его восхищало лишь то, как неизменно снисходителен и ласков был он со своей сварливой женой и тупыми детьми.
Lorsqu'il eut un fils, jamais l'affaire la plus pressée, à moins qu'elle ne regardât la république, ne l'empêcha d'être auprès de sa femme quand elle lavait et emmaillotait son enfant. Elle le nourrissait de son lait ; souvent même elle donnait le sein aux enfants de ses esclaves, afin que, nourris du même lait, ils conçussent pour son fils une bienveillance naturelle. У Катона родился сын, и не было дела настолько важного (не считая лишь государственных), которое бы он не отложил, чтобы постоять рядом с женой, когда она мыла или пеленала новорожденного. Она сама выкармливала младенца, а нередко подносила к своей груди и детишек рабов, желая такого рода общим воспитанием внушить им преданность и любовь к сыну.
XXX. Dès que ce fils eut atteint l"âge de raison, il le prit auprès de lui pour l'instruire dans les lettres, quoiqu'il eût un esclave honnête, nommé Chilon, qui était bon grammairien, et qui enseignait plusieurs enfants. II ne voulait pas , dit-il lui-même, qu'un esclave fît des réprimandes à son fils, qu'il lui tirât les oreilles, pour avoir été trop lent à apprendre, ni que son fils dût à un mercenaire un aussi grand bien que celui de l'éducation. Когда мальчик начал приходить в возраст, Катон сам стал учить его грамоте, хотя имел раба по имени Хилон - опытного наставника, у которого было много учеников. "Не подобает рабу, - говорил он, - бранить моего сына или драть его за уши, если он не сразу усвоит урок, не подобает и сыну быть обязанным рабу благодарностью за первые в жизни познания".
Il fut donc lui-même le maître de grammaire du jeune Caton, son guide dans l'étude des lois, et son maître d'exercice. Il lui enseigna non seulement à lancer le javelot, à combattre tout armé, à monter à cheval; mais encore à s'exercer au pugilat, à supporter le froid et le chaud, à traverser à la nage le courant le plus rapide. Il rapporte qu'il lui avait transcrit, de sa propre main, des traits d'histoire en gros caractère, afin qu'il profitât, dans la maison même, des faits vertueux des anciens Romains. Il s'abstenait, devant son fils, de toute parole déshonnête avec autant de soin qu'il l'aurait fait devant ces vierges sacrées que les Romains appellent vestales. И он сам обучил мальчика и грамоте, и законам, и гимнастическим упражнениям, обучил его не только метать копье, сражаться в тяжелых доспехах и скакать на коне, но и биться на кулаках, терпеть зной и стужу и вплавь перебираться через реку, изобилующую водоворотами и стремнинами. Далее он рассказывает, что сочинил и собственноручно, крупными буквами, написал историю Рима {36}, чтобы сын от молодых ногтей узнавал, с пользою для себя, нравы и деяния предков. При ребенке он с такой же тщательностью избегал непристойных слов, как в присутствии священных дев, которых римляне зовут весталками,
Il ne se baignait jamais avec lui : c'était un usage général à Rome ; et les beaux-pères mêmes se seraient bien gardés de se baigner avec leurs gendres; ils auraient rougi de paraître nus devant eux. Depuis, ils apprirent des Grecs à se baigner nus avec les hommes; et ils enseignèrent, à leur tour, aux Grecs, à se baigner avec les femmes. и никогда не мылся с ним вместе. По-видимому, так вообще было заведено у римлян: ведь и зять старался не мыться вместе с тестем, стыдясь своей наготы. Но затем, переняв у греков обычай обнажать тело, они, в свою очередь, научили греков раздеваться донага даже среди женщин.
XXXI. Ainsi Caton ne négligeait rien pour former son fils à la vertu, et le conduire à la perfection. Il est vrai qu'il trouvait en lui les meilleures dispositions, et que la bonté de son naturel rendait son esprit docile aux leçons de son père ; mais, la faiblesse de son corps ne lui permettant pas de grands travaux, Caton fut obligé de relâcher un peu de la sévérité et de la rigueur de son éducation. Катон воспитывал сына, стараясь возможно ближе подвести его к образцу добродетели; это был прекрасный замысел, но видя, что мальчик, отличаясь безупречным усердием и врожденным послушанием, недостаточно крепок телом и с трудом переносит тяготы и лишения, отец несколько смягчил слишком суровый и скудный образ жизни, предписанный им сыну.
Cependant, malgré cette faiblesse, son fils montra beaucoup de valeur dans les combats, et se distingua dans la bataille que Paul Emile gagna sur le roi Persée. Dans ce combat, un coup qu'il reçut à la main lui fit sauter son épée. Affligé de cet accident, il se tourne vers quelques uns de ses camarades, et les prie de l'aider à la recouvrer. Il retourne avec eux se jeter au milieu des ennemis: là, il combat si longtemps, il fait de si grands efforts, qu'il parvient à les écarter et à éclaircir l'endroit où elle était tombée; il la trouve enfin sous un monceau d'armes et de morts, tant amis qu'ennemis. А тот, невзирая на свою слабость, выказал в походах мужество и стойкость и под командованием Павла {37} доблестно бился с македонянами Персея. В этом сражении у него выбили из рук меч (рукоять просто выскользнула из вспотевшей ладони); сокрушаясь об этой потере, он призвал на помощь нескольких друзей и вместе с ними снова бросился на противника. После ожесточенной схватки он силой проложил себе путь и с большим трудом нашел свой меч среди огромных груд оружия и мертвых тел врагов и своих.
Le général Paul Emile loua fort ce jeune homme; et l'on a encore une lettre de Caton à son fils, dans laquelle il relève singulièrement son ardeur et ses efforts pour retrouver son épée. Ce jeune homme épousa, dans la suite, Tertia, fille de Paul Emile et s?ur de Scipion : il dut cette grande alliance autant à son propre mérite qu'à la vertu de son père. Tels furent les soins et les succès de Caton dans l'éducation de son fils. Сам полководец Павел был восхищен юношей, и говорят, что Катон прислал сыну письмо, в котором до небес превозносил его честолюбие, обнаружившееся в непреклонном желании вернуть себе меч. Позже молодой Катон даже женился на дочери Павла Терции, сестре Сципиона; он был принят в столь знатный род как за свои собственные достоинства, так и ради славы отца. Вот как заботы Катона о сыне получили достойное завершение.
XXXII. Il avait toujours un grand nombre d'esclaves qu'il achetait parmi les prisonniers; il choisissait les plus jeunes, et par-là les plus susceptibles d'éducation, comme de jeunes chiens ou des poulains sont plus faciles à dresser. Aucun de ses esclaves n'allait jamais dans une maison étrangère, qu'il n'y fut envoyé par Caton ou par sa femme; et toutes les fois qu'on demandait à l'esclave ce que faisait son maître, il répondait: "Je n'en sais rien." 21. У Катона было много рабов из числа пленных; охотнее всего он покупал молодых, которые подобно щенкам или жеребятам еще поддаются воспитанию и обучению. Ни один из рабов никогда не появлялся в чужом доме иначе как по поручению самого Катона или его жены. На вопрос: "Что делает Катон?" - каждый неизменно отвечал: "Не знаю".
Il voulait qu'un esclave fût toujours occupé dans la maison, ou qu'il dormît. Il aimait les esclaves dormeurs, parce qu'il les croyait plus doux que ceux qui aimaient à veiller, et qu'après que le sommeil avait réparé leurs forces ils étaient plus propres à remplir les tâches qu'on leur donnait. Persuadé que rien ne portait plus les esclaves à mal faire que l'amour des plaisirs, il avait établi que les siens pourraient voir, en certain temps, les femmes de la maison, pour une pièce d'argent qu'il avait fixée, en leur défendant d'approcher d'aucune autre femme. Слуга должен был либо заниматься каким-нибудь полезным делом по хозяйству, либо спать. И Катон был очень доволен, если рабы любили поспать, полагая, что такие люди спокойнее, чем постоянно бодрствующие, и что для любого дела более пригодны выспавшиеся вволю, чем недоспавшие. Он считал, что главная причина легкомыслия и небрежности рабов - любовные похождения, и потому разрешал им за определенную плату сходиться со служанками, строго запрещая связываться с чужими женщинами.
Dans les commencements, lorsqu'il était encore pauvre et qu'il servait comme simple soldat, il ne se fâchait jamais contre ses esclaves et trouvait bon tout ce qu'on lui servait. Rien ne lui paraissait plus honteux que de quereller des esclaves pour sa nourriture. Dans la suite, quand sa fortune fut augmentée, et qu'il donnait à manger à ses amis et aux officiers de son armée, il faisait, aussitôt après le dîner, donner les étrivières à ceux de ses domestiques qui avaient servi négligemment, ou mal apprêté quelques mets . Вначале, когда он был еще беден и нес военную службу, он никогда не сердился, если еда была ему не по вкусу, и не раз говорил, что нет ничего позорнее, как ссориться со слугою из-за брюха. Но позже, разбогатев и задавая пиры друзьям и товарищам по должности, он сразу же после трапезы наказывал ремнем тех, кто плохо собрал на стол или недостаточно внимательно прислуживал гостям.
II avait soin d'entretenir toujours parmi eux des querelles et des divisions: il se méfiait de leur bonne intelligence et en craignait les effets. Si un esclave avait commis un crime digne de mort, il le jugeait en présence de tous les autres; et, s'il était condamné, il le faisait mourir devant eux. Он всегда тайком поддерживал распри между рабами и взаимную вражду - их единодушие казалось ему подозрительным и опасным. Тех, кто совершал злодеяние, заслуживающее казни, он осуждал на смерть не раньше, чем все рабы согласно решали, что преступник должен умереть.
XXXIII. Devenu enfin trop ardent à acquérir des richesses , il négligea l'agriculture, qui lui parut un objet d'amusement plutôt qu'une source de revenus ; et, voulant placer son argent sur des fonds plus sûrs et moins sujets à varier, il acheta des étangs, des terres où il y eût des sources d'eaux chaudes, des lieux propres à des foulons , des possessions qui occupassent beaucoup d'ouvriers, qui eussent des pâturages et des bois, dont il retirât beaucoup d'argent, et dont Jupiter, comme il disait lui-même, ne pût diminuer le revenu. II exerça la plus décriée de toutes les usures, l'usure maritime; et voici comment il la faisait. Усердно хлопоча о приумножении своего имущества, он пришел к мысли, что земледелие - скорее приятное времяпрепровождение, нежели источник дохода, и потому стал помещать деньги надежно и основательно: он приобретал водоемы, горячие источники, участки пригодные для устройства валяльной мастерской, плодородные земли с пастбищами и лесами (ни те, ни другие не требуют забот), и все это приносило ему много денег, меж тем как, по словам самого Катона, даже Юпитер не в силах был причинить ущерб его собственности. Занимался он и ростовщичеством, и вдобавок самым гнусным его видом: ссудой денег под заморскую торговлю {38}. Вот как он это делал.
Il exigeait de ceux à qui il prêtait son argent qu'ils fissent, au nombre de cinquante, une société de commerce; et qu'ils équipassent autant de vaisseaux, sur chacun desquels il avait une portion qu'il faisait valoir par un de ses affranchis, nommé Quintion, qui, étant comme son facteur, s'embarquait avec les autres associés et avait sa part dans tous les bénéfices. Par-là il ne risquait pas tout son argent, mais seulement une petite portion, dont il tirait de gros intérêts. Он основывал сообщество и приглашал получивших ссуду вступить в него. Когда их набиралось пятьдесят человек и столько же судов, Катон через посредство вольноотпущенника Квинктиона (который вел все дела совместно с должниками и вместе с ними пускался в плавание), брал себе одну долю из пятидесяти. Так, рискуя лишь незначительною частью целого, он получал огромные барыши.
Il prêtait aussi de l'argent à ses esclaves pour en acheter de jeunes garçons; et, après les avoir exercés et instruits aux frais de Caton, ils les revendaient au bout d'un an. Caton en retenait plusieurs qu'il payait au prix de la plus haute enchère. Il excitait son fils à ce commerce usuraire, en lui disant qu'il ne convenait tout au plus qu'à une femme veuve de diminuer son patrimoine : mais ce qu'il a dit de plus fort, et qui caractérise le plus son avarice, c'est que l'homme admirable, l'homme divin et le plus digne de gloire, était celui qui prouvait, par ses comptes, qu'il avait acquis plus de bien qu'il n'en avait eu de ses pères. Он ссужал в долг и собственным рабам; те покупали мальчиков, а потом, через год, как следует выучив и вымуштровав их на средства Катона, продавали. Многих оставлял себе Катон - за ту цену, которую мог бы дать самый щедрый покупатель. Стараясь и сыну внушить интерес к подобным занятиям, он говорил, что не мужчине, но лишь слабой вдове приличествует уменьшать свое состояние. Еще резче высказался он, не поколебавшись назвать божественным и достойным восхищения мужем всякого, чьи счета после его смерти покажут, что за свою жизнь он приобрел больше, чем получил в наследство.
XXXIV. Caton était déjà vieux, lorsque Carnéade, philosophe académicien, et Diogène, de la secte stoique, vinrent d'Athènes à Rome demander pour les Athéniens la décharge d'une amende de cinq cents talents, à laquelle les Sicyoniens les avaient condamnés par contumace, à la poursuite des habitants d'Orope . 22. Катон был уже стариком, когда в Рим прибыли афинские послы {39] - платоник Карнеад и стоик Диоген - хлопотать об отмене штрафа в пятьсот талантов, к которому заочно присудили афинский народ сикионяне по жалобе граждан Оропа.
Ils furent à peine arrivés , que tous les jeunes Romains qui avaient du goût pour les lettres étant allés les voir en furent ravis d'admiration, et ne pouvaient se lasser de les entendre. La grâce de Carnéade , la force de son éloquence, sa réputation qui n'était pas au-dessous de son talent, l'avantage qu'il eut d avoir pour auditeurs les plus distingués et les plus polis des Romains, firent le plus grand bruit dans Rome; c'était comme un souffle impétueux qui retentit dans toute la ville : on disait partout qu'il était venu un Grec d'un savoir merveilleux, qui charmait et attirait tous les esprits, qui inspirait aux jeunes gens un tel amour de la science, que, renonçant à tout autre plaisir et à toute autre occupation , ils étaient saisis d'une sorte d'enthousiasme pour la philosophie. Сразу же к ним потянулись самые образованные молодые люди, которые с восхищением внимали каждому их слову. Наибольшим влиянием пользовался Карнеад: неотразимая сила его речей и не уступающая ей молва об этой силе привлекала влиятельных и стремившихся к знаниям слушателей, и его слава разнеслась по всему городу. Пошли упорные слухи, будто некий грек, муж исключительного дарования, каким-то чудом покоряющий и пленяющий всех и вся, пробудил в молодежи такую горячую любовь, что, забыв о всех прочих занятиях и удовольствиях, она бредит только философией.
Tous les Romains en étaient dans l'enchantement et voyaient avec plaisir leurs enfants s'appliquer à l'étude des lettres grecques, et rechercher avec avidité ces hommes admirables. Римлянам это пришлось по душе, и они с удовольствием глядели на то, как их сыновья приобщаются к греческому образованию и проводят время с людьми, столь высоко почитаемыми.
XXXV. Mais Caton vit avec peine cet amour des lettres s'introduire dans Rome. Il craignit que la jeunesse romaine, tournant vers cette étude toute son émulation et toute son ardeur, ne préférât la gloire de bien parler à celle de bien faire et de se distinguer par les armes. Mais , lorsque la réputation de ces philosophes se fut répandue dans toute la ville, et que leurs premiers discours eurent été traduits en latin par un des principaux sénateurs, Caius Acilius, à qui l'on avait demandé ce travail, et qui lui-même s'y était porté avec empressement, Caton pensa qu'il fallait, sous quelque prétexte spécieux renvoyer de Rome tous ces philosophes. Но Катон с самого начала был недоволен страстью к умозрениям, проникающей в Рим, опасаясь, как бы юноши, обратив в эту сторону свои честолюбивые помыслы, не стали предпочитать славу речей славе воинских подвигов. Когда же восхищенная молва о философах распространилась повсюду и первые их речи к сенату были переведены славным мужем Гаем Ацилием, который не без труда выговорил себе это право, он решил, соблюдая все приличия, очистить город от философов.
Il se rendit au sénat, et reprocha ,aux magistrats qu'ils retenaient depuis longtemps ces ambassadeurs, sans leur donner de réponse. "Ce sont, ajouta-t-il, des hommes capables de persuader tout ce qu'ils veulent. II faut donc connaître au plus tôt leur affaire, et la décider, afin que ces philosophes retournent à leurs écoles pour y instruire les enfants des Grecs, et que les jeunes Romains n'obéissent, comme auparavant, qu'aux magistrats et aux lois." И вот, явившись в сенат, он упрекнул правителей в том, что посольство, составленное из мужей, способных играючи убедить кого угодно в чем угодно, так долго без толку сидит в Риме. "Нужно, - сказал он, - как можно скорее рассмотреть их просьбу и принять решение, дабы они, вернувшись в свои школы, вели ученые беседы с детьми эллинов, а римская молодежь по-прежнему внимала законам и властям".
En cela il agissait, non, comme on l'a cru, par une inimitié personnelle contre Carnéade, mais par une opposition décidée à la philosophie, par un mépris affecté, et dont il faisait gloire, pour les muses et les disciplines grecques. 23. И сделал он это не из ненависти к Карнеаду, как полагают иные, но в поношение философии вообще, желая, из какого-то чувства ревности, смешать с грязью всю греческую науку и образованность.
XXXVI. Il traitait Socrate lui-même de babillard, d'homme violent et injuste, qui avait entrepris, autant qu'il l'avait pu, de devenir le tyran de sa patrie, en renversant les coutumes reçues, en entraînant les citoyens dans des opinions contraires aux lois. Ведь он и о Сократе говорил, что-де этот пустомеля и властолюбец пытался любыми средствами захватить тиранническую власть над отечеством, что он растлевал нравы и настойчиво внушал согражданам суждения, противные законам.
Il se moquait de l'école d'éloquence que tenait Isocrate, et disait que ses disciples vieillissaient auprès de lui, comme s'ils ne devaient exercer leur art et leur talent pour plaider que dans les enfers. Pour détourner son fils de l'étude des lettres grecques, il prit un ton de voix bien au-dessus de son âge, et lui dit, comme s'il eût été inspiré par un esprit prophétique, que les Romains perdraient toute leur puissance lorsqu'ils se seraient remplis de cette érudition grecque. Насмехаясь над школой Исократа {40}, он уверял, будто ученики оставались в ней до седых волос, словно собираясь блеснуть приобретенными знаниями в Аиде и вести тяжбы перед Миносом. Он хотел опорочить Грецию в глазах своего сына и, злоупотребляя правами старости, дерзко возвещал и предсказывал, что римляне, заразившись греческой ученостью, погубят свое могущество.
Le temps a fait voir la fausseté de cette prédiction sinistre; car c'est lorsque les lettres grecques ont le plus fleuri à Rome, que cette ville est parvenue au plus haut degré de grandeur et de gloire. Mais Caton n'était pas seulement l'ennemi des philosophes grecs, il tenait aussi pour suspects ceux qui exerçaient la médecine; et, comme il avait sans doute entendu parler de la réponse d'Hippocrate au roi de Perse, qui lui offrait plusieurs talents pour venir le traiter à sa cour, et à qui ce médecin fit dire qu'il n'irait jamais donner ses soins aux Barbares, qui étaient les ennemis des Grecs, Caton disait que c'était là un serment commun à tous les médecins; et il avertissait son fils de les éviter tous également. Но будущее показало неосновательность этого злого пророчества. Рим достиг вершины своего могущества, хотя принял с полною благожелательностью греческие науки и греческое воспитание. Катон ненавидел не только греческих философов, но с подозрением глядел и на врачей, лечивших в Риме. Он слышал, по-видимому, о Гиппократе, который на приглашение персидского царя, сулившего ему много талантов жалования, ответил, что никогда не станет служить варварам - врагам греков. Катон утверждал, что подобную клятву приносят все врачи и советовал сыну остерегаться любого из них.
Il avait composé, à ce qu'il dit lui-même, un ouvrage de médecine pour traiter les malades de sa maison et leur prescrire un régime convenable. Il ne leur imposait jamais une diète sévère; il les nourrissait d'herbes, de chair de canard, de palombe ou de lièvre: il trouvait cette nourriture légère, facile à digérer pour les gens faibles, et n'ayant d'autre inconvénient que de causer la nuit beaucoup de rêves; avec ce traitement et ce régime, il se conservait en santé, lui et tous les siens. У него самого были памятные записи, по которым он лечил больных у себя в доме и назначал им питание; никому и никогда не приказывал он воздерживаться от пищи, но кормил занемогшего овощами, утятиной, голубиным мясом или зайчатиной: эту еду он считал легкой и полезной для нездорового человека, предупреждая в то же время, что она часто вызывает сновидения. По словам Катона, таким уходом и питанием он сохранил здоровье самому себе и своим домочадцам.
XXXVII Mais, sur ce dernier point, il ne fut pas aussi heureux qu'il le dit; car il perdit sa femme et son fils. Pour lui, comme il était sain et robuste, il conserva longtemps une santé vigoureuse. Dans un âge très avancé, il voyait souvent sa femme: et il contracta , dans sa vieillesse, avec une jeune fille, un mariage très disproportionné: en voici l"occasion. 24. Однако это его утверждение не осталось, как явствует из событий, неопровергнутым: он лишился жены и сына. Сам же он, отличаясь железным здоровьем и незыблемой крепостью тела, держался дольше всех, так что даже в глубокой старости продолжал спать с женщиной и - отнюдь не по возрасту - женился вот при каких обстоятельствах.
Après la mort de sa femme, il maria son fils à la fille de Paul Emile , s?ur de Scipion ; et, dans son veuvage , il vécut avec une jeune esclave qui venait le trouver secrètement . Ce commerce fut bientôt découvert dans une maison où il y avait une jeune femme mariée. Un jour cette fille ayant passé d'un air insolent devant la chambre du fils pour aller dans celle du père , le jeune Caton, sans lui rien dire, la regarda d'un oeil sévère, et de honte il détourna la vue. Caton en fut bientôt informé ; et ayant connu par-là que ce commerce déplaisait à son fils et à sa belle-fille, il ne s'en plaignit point , et ne leur en fit aucun reproche. Потеряв жену, он женил сына на дочери Павла, приходившейся сестрою Сципиону, а сам, вдовствуя, жил с молодою служанкой, которая ходила к нему потихоньку. Но в маленьком доме, где бок о бок с ним жила невестка, связь эта не осталась тайной. И вот однажды, когда эта бабенка прошла мимо спальни, держась, по-видимому, слишком развязно, старик заметил, что сын, не сказав, правда, ни слова, посмотрел на нее с резкою неприязнью и отвернулся. Катон понял, что его близкие недовольны этой связью. Никого не упрекая и не порицая,
Mais étant allé, suivant sa coutume, à la place publique, accompagné de plusieurs amis, en chemin il adressa la parole à un certain Saloninus qui avait été son greffier et qui marchait à sa suite: il lui demanda à haute voix si sa fille était mariée. Cet homme lui répondit qu'elle ne l'était pas, et qu'il n'aurait eu garde de la marier sans l'en prévenir. "Eh bien ! reprit Caton, je vous ai trouvé un gendre qui pourra, je crois, vous convenir, à moins que l'âge ne déplaise à votre fille; il n'y a rien à reprendre en lui que sa grande vieillesse. - Je m'en rapporte entièrement à vous, lui dit Saloninus; je donnerai ma fille à qui vous voudrez; elle est votre cliente et a besoin de votre protection." Caton , sans différer plus longtemps, lui déclare que c'est pour lui-même qu'il demande sa fille. он, как обычно, отправился в окружении друзей на форум и по пути, обратившись к некоему Салонию, который прежде служил у него младшим писцом, громко спросил, просватал ли тот уже свою дочь. Салоний сказал, что никогда не решился бы это сделать, не спросивши сначала его совета. "Что ж, - заметил Катон, - я нашел тебе подходящего зятя, вот только, клянусь Зевсом, как бы возраст его вас не смутил: вообще-то он жених хоть куда, но очень стар". В ответ Салоний просил его принять на себя эту заботу и отдать дочь тому, кого сам выберет: ведь она его клиентка и нуждается в его покровительстве; тогда Катон, не откладывая, объявил, что просит девушку за себя.
Saloninus fut d'abord très étonné; il voyait Caton hors d'âge de se marier; et , d'ailleurs, il se trouvait fort au-dessous d'une pareille alliance , avec une maison honorée du consulat et du triomphe. Mais, quand il vit que Caton parlait sérieusement, il accepta sa proposition avec joie; et, dès qu'ils furent arrivés à la place, Caton fit dresser le contrat. Сначала, как и следовало ожидать, Салоний был ошеломлен этой речью, справедливо полагая, что Катон слишком стар для брака, а сам он слишком ничтожен для родственной связи с домом консула и триумфатора, но, видя, что тот не шутит, с радостью принял предложение, и, придя на форум, они тут же объявили о помолвке.
Comme on faisait les apprêts de la noce , le fils de Caton, prenant avec lui plusieurs de ses parents et de ses amis, se rendit auprès de son père, et lui demanda quel sujet de plainte ou de déplaisir il pouvait avoir contre son fils, pour lui donner une marâtre. "A Dieu ne plaise, mon fils, lui dit Caton d'une voix forte, que je me plaigne de toi ! je n'ai qu'à me louer de ta conduite; mais je désire d'avoir plusieurs enfants qui te ressemblent, et de laisser à ma patrie des citoyens tels que toi." On dit que cette réponse avait été faite, bien avant lui, par Pisistrate, le tyran d'Athènes , lorsque ayant des fils déjà grands , il se remaria à Timonossa d'Argos, et en eut deux fils, Iophon et Thessalus. Когда шли приготовления к свадьбе, сын вместе сродственниками явился к Катону и спросил, не потому ли появляется в семье мачеха, что он каким-то образом упрекнул или чем-то огорчил отца. "Да что ты, сын мой! - вскричал Катон. - Все в тебе совершенно, я не нахожу ничего, достойного порицания, и просто хотел бы оставить после себя еще сыновей, чтобы у государства было побольше таких граждан, как ты". Говорят, что эту мысль впервые высказал афинский тиранн Писистрат, который, имея взрослых детей, женился вторично на аргивянке Тимонассе, родившей ему, как сообщают, Иофонта и Фессала.
XXXVIII. Caton eut, de son second mariage, un fils qu'il nomma Saloninus, du nom de sa mère. Son fils du premier lit mourut pendant sa préture; Caton en parle souvent dans ses ouvrages et fait l'éloge de son mérite. II supporta, dit-on, cette perte avec la modération d'un philosophe, et ne diminua rien de son application aux affaires publiques. У Катона от второй жены был сын, названный в честь матери Салонием. Старший его сын умер, достигнув должности претора. В своих сочинениях Катон часто вспоминает о нем как о человеке достойном; есть сведения, что несчастье Катон перенес спокойно, как настоящий философ, нимало не утратив из-за него интереса к управлению государством. Состарившись, он не сделался равнодушен к общественным делам,
II n'imita pas Lucius Lucullus , et après lui Métellus Pius , et ne se fit pas de sa vieillesse un prétexte pour renoncer au gouvernement, dont il regardait les fonctions comme un devoir pour tout homme de bien. II ne suivit pas non plus l'exemple de Scipion l'Africain , qui, cédant à l'envie que sa gloire lui avait attirée, abandonna les affaires, et, par un changement entier de vie, passa le reste de ses jours dans le repos. Quelqu'un avait persuadé à Denys qu'il n'y avait pas de plus belle sépulture que la tyrannie: Caton croyait aussi qu'il n'y avait pas de plus belle manière de vieillir que de s"occuper toujours d'administration. Pour se distraire de ses travaux et se délasser dans les moments de loisir, il composait des ouvrages, ou s'appliquait à l'agriculture. как впоследствии Луций Лукулл и Метелл Пий, считая участие в них своим долгом; не последовал он и примеру Сципиона Африканского, который, видя, что его слава вызывает недоброжелательство и зависть, отвернулся от народа и провел остаток жизни в бездействии; но, словно Дионисий, которого кто-то убедил, будто лучше всего умереть тиранном, он полагал, что лучше всего стареть, управляя свободным государством, а когда случался досуг, посвящал его писанию книг и земледелию, находя в этом и отдых и развлечение.
Aussi a-t-il laissé un grand nombres d'écrits, et entre autres des histoires. 25. Он писал сочинения различного содержания, между прочим - и исторические.
XXXIX. Dans sa jeunesse il s'était livré aux travaux de la campagne, pour en faire une branche de revenu. Il disait qu'il n'y avait que deux moyens d'augmenter son bien: la culture des terres et l'économie. Devenu vieux , l'agriculture ne fut plus pour lui qu'un objet d'amusement et de théorie. Il fit un traité des travaux rustiques, dans lequel il enseigne à faire des gâteaux, à conserver les fruits, et se pique de traiter son sujet convenablement et avec le plus grand détail. Земледелию он в молодые годы посвящал себя по необходимости (он говорит, что в ту пору у него было только два источника дохода - земледелие и бережливость), а позже сельские работы доставляли ему приятное времяпрепровождение, равно как и пищу для размышлений. Он написал книгу о земледелии, где упомянул даже о том, как печь лепешки {41} и хранить плоды, стремясь в любом занятии быть самобытным и превосходить других.
A la campagne, il faisait meilleure chère qu'à Rome : il invitait souvent à souper ses amis du voisinage et se livrait avec eux à la joie. II était gai et aimable, non seulement pour ceux de son âge, mais encore pour les jeunes gens; car, outre son expérience personnelle , il avait vu et entendu dire beaucoup de choses intéressantes, qu'on aimait à lui entendre raconter. Il pensait que la table était une des sources les plus naturelles de l'amitié. A la sienne , les sujets les plus ordinaires des conversations étaient l'éloge des citoyens distingués par leur vertu ou par leur courage ; jamais on n'y faisait mention des méchants et des gens inutiles. Caton ne permettait pas qu'on en parlât à table ni en bien ni en mal. В деревне стол его был обильнее, чем в городе: он всякий день звал к себе друзей из ближних поместий и весело проводил с ними время, он был приятным и желанным собеседником не только для своих сверстников, но и для молодежи, потому что многому научился на собственном опыте и много любопытного читал и слышал. По его мнению, мало что так сближает людей как совместная трапеза, и за обедом часто раздавались похвалы достойным и честным гражданам, но никто ни единым словом не вспоминал дурных и порочных: ни порицанию, ни похвале по адресу таких людей Катон не давал доступа на свои пиры.
XL. On croit que le dernier de ses actes politiques fut de faire décider la ruine de Carthage. A la vérité , le jeune Scipion consomma l'ouvrage ; mais ce fut par le conseil et aux instances de Caton qu'on entreprit cette guerre; et voici quelle en fut l'occasion. Envoyé, comme ambassadeur, auprès des Carthaginois et de Massinissa, roi de Numidie, qui se faisaient la guerre, il était chargé d'examiner les causes de leurs différends. 26. Последним из его деяний на государственном поприще считают разрушение Карфагена. На деле его стер с лица земли Сципион Младший, но войну римляне начали прежде всего по советам и настояниям Катона, и вот что оказалось поводом к ее началу. Карфагеняне и нумидийский царь Масинисса воевали, и Катон был отправлен в Африку, чтобы исследовать причины этого раздора.
Massinissa avait été de tout temps l'ami du peuple romain ; et les Carthaginois, depuis leur défaite par Scipion, avaient obtenu la paix par un traité qui , en leur imposant un tribut énorme, les avait en même temps dépouillés d'une partie de leur empire. Дело в том, что Масинисса всегда был другом римского народа, карфагеняне же, расставшись после поражения, которое им нанес Сципион, со своим владычеством, обремененные тяжелой данью, ослабевшие и униженные, стали союзниками Рима.
Caton , au lieu de trouver Carthage dans l'état d'affaiblissement et d'humiliation où la croyaient les Romains, la vit peuplée d'une jeunesse florissante, regorgeant de richesses, pourvue de toutes sortes d'armes et de provisions de guerre, pleine de confiance dans toutes ces ressources, et nourrissant les plus hautes espérances. Il jugea que ce n'était pas le temps pour les Romains de discuter et de terminer les querelles des Carthaginois avec Massinissa; et que, s'ils ne se hâtaient de détruire cette ville, leur ancienne ennemie, qui conservait toujours un profond ressentiment du passé, et qui, dans si peu de temps avait repris un accroissement qu'on pouvait à peine croire , ils allaient retomber dans les périls où ils s'étaient vus autrefois. Найдя Карфаген не в плачевном положении и не в бедственных обстоятельствах, как полагали римляне, но изобилующим юношами и крепкими мужами, сказочно богатым, переполненным всевозможным оружием и военным снаряжением и потому твердо полагающимся на свою силу, Катон решил, что теперь не время заниматься делами нумидийцев и Масиниссы и улаживать их, но что если римляне не захватят город, исстари им враждебный, а теперь озлобленный и невероятно усилившийся, они снова окажутся перед лицом такой же точно опасности, как прежде.
XLI. Il retourna donc promptement à Rome, et représenta au sénat que les défaites et les malheurs des Carthaginois avaient moins épuisé leurs forces que guéri leur imprudence. "Les guerres qu'ils ont eues contre les Romains, ajouta-t-il , les ont plutôt aguerris qu'affaiblis; celle qu"ils font aux Numides est le prélude des entreprises qu'ils méditent contre les Romains; tous les traités de paix qu'on a faits avec eux n'ont rien de solide, et ne sont que de simples suspensions d'armes, pour attendre une occasion favorable." Без всякого промедления вернувшись, он стал внушать сенату, что прошлые поражения и беды, по-видимому, не столько убавили карфагенянам силы, сколько безрассудства, сделали их не беспомощнее, но опытнее в военном искусстве, что нападением на нумидийцев они начинают борьбу против римлян и, выжидая удобного случая, под видом исправного выполнения условий мирного договора, готовятся к войне.
En finissant , il laissa tomber des figues de Lybie qu'il avait dans le pan de sa robe; les sénateurs en ayant admiré la grosseur et la beauté : "La terre qui les produit, leur dit Caton, n'est qu'à trois journées de Rome." Une preuve plus forte encore de sa haine contre Carthage, c'est que depuis ce jour-là, sur quelque affaire qu'il opinât , il ne manquait jamais de conclure par ces mots : "Et je suis d"avis qu'on détruise Carthage." 27. Говорят, что закончив свою речь, Катон умышленно распахнул тогу, и на пол курии посыпались африканские фиги. Сенаторы подивились их размерам и красоте, и тогда Катон сказал, что земля, рождающая эти плоды, лежит в трех днях плавания от Рима. Впрочем, он призывал к насилию и более открыто; высказывая свое суждение по какому бы то ни было вопросу, он всякий раз присовокуплял: "Кажется мне, что Карфаген не должен существовать".
Au contraire, Publius Scipion , surnommé Nasica, terminait ainsi toutes ses opinions : "Et je suis d'avis qu'on laisse subsister Carthage."Il y a toute apparence que Scipion voyant le peuple livré à la licence, enflé d'orgueil pour ses prospérités, et, peu docile aux conseils du sénat , entraîner par sa puissance toute la ville dans les divers partis où le poussait son caprice; que Scipion, dis-je, voulait que la crainte qu'inspirerait Carthage fût pour les Romains comme un frein qui gourmandât leur audace; qu'il jugeait les Carthaginois trop faibles pour assujettir les Romains, mais trop forts pour être méprisés. Напротив, Публий Сципион Назика, отвечая на запрос или высказываясь по собственному почину, всегда говорил: "Мне кажется, что Карфаген должен существовать". Замечая, по-видимому, что народ становится непомерно заносчив и уже совершает множество просчетов, что, упиваясь своими удачами, исполнившись гордыни, он выходит из повиновения у сената и упорно тянет за собою все государство туда, куда его влекут страсти, - замечая это, Назика хотел, чтобы хоть этот страх перед Карфагеном был уздою сдерживающей наглость толпы: он полагал, что карфагеняне не настолько сильны, чтобы римляне не смогли с ними совладать, но и не настолько слабы, чтобы относиться к ним с презрением.
Caton, de son côté, croyait trop dangereux , pour un peuple , que sa grande puissance portait aux plus grands excès, d'avoir comme suspendue sur sa tête une ville de tous temps très puissante, et alors devenue plus sage par les malheurs dont elle avait été châtiée; qu'il fallait donc ôter à Rome toute crainte extérieure, quand elle avait au-dedans tant d'occasions de commettre de nouvelles fautes. То же самое тревожило и Катона, но он считал опасной угрозу, нависающую со стороны государства и прежде великого, а теперь еще отрезвленного и наказанного пережитыми бедствиями, меж тем как римский народ буйствует и, опьяненный своим могуществом, делает ошибку за ошибкой; опасным казалось ему приниматься за лечение внутренних недугов, не избавившись сначала полностью от страха перед покушением на римское владычество извне.
XLII. Ce fut ainsi que Caton suscita cette troisième et dernière guerre punique. Elle commençait à peine lorsqu'il mourut , après avoir prédit quel serait celui qui la terminerait : c'était un jeune homme encore tribun des soldats, mais qui déjà avait montré dans les combats autant de prudence que de courage. Lorsque les nouvelles de ses premiers exploits arrivèrent à Rome, Caton, en les entendant raconter, s'écria: Такими доводами, говорят, Катон достиг своей цели: третья и последняя Пуническая война была объявлена. Он умер в самом начале военных действий, предсказав, кому суждено завершить войну; человек этот был тогда еще молод и, занимая должность военного трибуна, обнаруживал в сражениях рассудительность и отвагу. Его подвиги стали известны в Риме, и Катон, услышав о них, сказал:
Seul il a du bon sens parmi des ombres vaines. Он лишь с умом; все другие безумными тенями веют {42}.
Scipion confirma bientôt cette prédiction par de nouveaux succès. И Сципион скоро подкрепил его слова своими делами.
Caton laissa de sa seconde femme un fils qui, comme je l'ai déjà dit, fut surnommé Saloninus , du nom de sa mère , et un petit-fils du premier lit, dont le père était mort avant lui. Saloninus mourut dans sa préture; il eut un fils surnommé Marcus, qui parvint au consulat; et il fut l'aieul de Caton le philosophe, l"homme le plus vertueux et le plus célèbre de son temps. Катон оставил одного сына от второй жены, носившего, как мы уже говорили, прозвище Салония, и одного внука от умершего сына. Салоний умер, достигнув должности претора, а сын Салония Марк был консулом. Он приходится дедом философу Катону {43} - мужу великой доблести, одному из самых славных людей своего времени.

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